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06/03/2014

Big Easy (Ruta SEPETYS)

« Ma mère est prostituée.»

nouvelle-orléans,gallimard, sepetys,adolescenteDans les années 50 à La Nouvelle-Orléans, Josie Moraine, 17 ans, n'a pas tiré le gros lot. Fille d'une prostituée qui n'a rien d'une mère attentionnée, elle grandit dans une maison close du Quartier français, celui de la mafia, des affaires louches et des gens sans avenir. Pourtant, Josie a un rêve : quitter cette ville, surnommée The Big Easy et pourtant si peu "easy", pour entrer à Smith, prestigieuse université du Massachusetts. Mais impliquée dans une histoire de meurtre, dépouillée par sa mère et endettée, tout pousse la jeune fille à suivre, elle aussi, la voie de l'argent facile. Pourtant Jo vaut mieux que cela... et ceux qui l'aiment le savent bien...

Après Ce qu'ils n'ont pas pu nous prendre, magnifique roman sur l'histoire d'une jeune lithuanienne sous le régime stalinien, Ruta SEPETYS revient vers son pays, les États-Unis, mais en nous faisant découvrir cette fois les années cinquante et la Louisiane, se faufilant à travers les rues de la Nouvelle-Orléans et de son quartier mal famé, le Vieux-Carré, ancien quartier français, où les rues s'appellent Toulouse et Dauphine, où l'on enterre en musique et où la misère est omniprésente. Une fois de plus, la romancière met en scène une jeune fille qui va se battre pour échapper à son destin.

Malgré une mère indigne, mais grâce à de belles rencontres, elle va peu à peu construire sa vie. L'amour des livres, la foi en l'autre, la conviction que l'éducation peut nous sauver, tous ces thèmes traversent le roman de Ruta SEPETYS, et si la construction de l'histoire peut apparaître un peu brouillonne parfois, la détermination de Josie emporte tout et nous laisse à la fois pantelant et le sourire aux lèvres une fois la dernière page tournée.

Je regardai par la vitre en fredonnant : « It´s only a paper moon» tandis que la Cadillac descendait l'avenue St Charles en direction de Canal. Les femmes de la ville haute se méfiaient beaucoup du vieux Carré et de tout ce qui lui était associé. Elles pensaient qu'il était responsable de la corruption de La Nouvelle-Orléans. Elles préféraient bien entendu s'imaginer que leurs mari étaient des parangons de vertu - des hommes bons comme Forrest Hearne - et que le Quartier français les entraînait malgré eux sur la mauvaise voie, les saisissant par les chevilles pour les attirer dans les bas-fonds. Ma mère était sans doute en train de se régaler chez Antoine d'huîtres Rockfeller généreusement arrosées de whisky et accompagnées de force cigarettes. Je l'imaginais parfaitement : elle misait le bras en travers de se poitrine de façon à faire admirer son bracelet de diamants - un bijou volé -, puis glissait le pied sur les genoux de Cincinnati, sous la table. L'âme fait plus jolie que toutes les femmes présentes à la soirée des Lockwell, mais elle ne montrait pas le même équilibre, la même confiance en soi que les autres dames. Je n'étais pas d'accord avec Cokie. Il ne s'agissait pas seulement des gens riches. Mam, elle aussi, avait l'âme brisée.

Ruta SEPETYS, Big Easy

Gallimard - Scripto

447 pages – 16,50 €

Titre original : Out of the Easy – Paru en 2013 – Traduit en Français en 2013

Lire un extrait : http://flipbook.cantook.net/?d=%2F%2Fwww.edenlivres.fr%2Fflipbook%2Fpublications%2F30812.js&oid=41&c=&m=&l=&r=&f=pdf

Une interview par une libraire jeunesse : http://citrouillealsj.blogspot.fr/2014/01/rencontre-avec-lecrivaine-ruta-sepetys.html

L’auteur : Ruta SEPETYS est née dans le Michigan où elle a été élevée dans l'amour de la musique et des livres par une famille d'artistes. Elle étudie la finance internationale et vit quelque temps en Europe (Paris). Puis elle part pour Los Angeles afin de travailler dans l'industrie de la musique. Aujourd'hui mariée, elle vit dans le Tennessee, à Nashville, avec sa famille.

Le site de l’auteur (en anglais): http://www.rutasepetys.com

Sans rapport, sinon le titre, le lieu et une ambiance parfaitement restituée :

03/03/2012

Ce qu'ils n'ont pas pu nous prendre (R. SEPETYS)

« Ils m’ont arrêtée en chemise de nuit. »

Le 14 Juin 1941 débutèrent les premières déportations des habitants des « Etats baltes », jugés anti-soviétiques par Staline et condamnés à être réduits en esclavage. Ce soir-là, alors qu’elle s’apprête à aller se coucher, Lina est arrêtée avec sa mère et son petit frère de dix ans. Elle a quatorze ans. Elle ne rentrera de Sibérie qu’en 1954…

Entassés dans un camion le temps d’arrêter « tous ceux qui sont sur la liste », puis dans un wagon de train, le groupe composé de femmes seules ou séparées de leur mari dans un autre convoi, d’enfants et de vieillards va d’abord traverser l’Oural jusqu’à un premier camp de travail, dans l’Altaï, avant de finir leur voyage, quatre-cent-quarante jours plus tard, en Sibérie. Traités comme des esclaves, affamés, souffrant de malnutrition et de manque de soins, ils vont tout endurer, l’instinct de vie chevillé au corps. C’est une enfance massacrée, celle de Jonas, le petit frère, devenu grand trop tôt par la force des choses, c’est une adolescence brisée, celle de l’héroïne, Lina, qui devait faire sa rentrée dans une grande école artistique,  c’est, enfin, une famille écartelée où la force de l’amour tente chaque jour de préserver l’essentiel : être ensemble.

Le roman de Ruta SEPETYS est un magnifique roman, aussi brûlant que sont glaciales les steppes sibériennes, où la violence, l’injustice et le Mal sont omniprésents, mais où l’humanité est partout. On suit les aventures de Lina, qui ne lâche jamais, opiniâtre et obstinée jusqu’au bout, la gorge serrée et les larmes aux yeux. Ce qu’ils n’ont pas pu nous prendre met l’accent sur un aspect méconnu de la dictature stalinienne : l’extermination des peuples baltes. Lituanie, Lettonie et Estonie ont perdu plus du tiers de leur population pendant le génocide soviétique et certains, lorsqu’ils rentrèrent chez eux, trouvèrent des Soviétiques installés, s’étant même parfois emparés jusqu’à leur nom !

A la frontière entre la littérature « adulte » et la littérature de jeunesse, Ce qu’ils n’ont pas pu nous prendre est un roman brutal souvent, presque aride, mais emporté par la voix de sa narratrice Lina, qui sait s’emparer du moindre morceau d’écorce pour dessiner et dessiner encore, à la manière de son artiste favori, Munch, laissant autant de cris derrière elle. Et c’est sans doute une des grandes leçons de ce roman poignant : l’art et l’humain tenteront toujours de s’élever contre la violence et la brutalité. « Mon mari, Andrius, dit que le mal gouvernera le monde jusqu’à ce que les hommes et les femmes de bonne volonté se décident à agir. Je le crois. Ce témoignage a été écrit pour laisser une trace ineffaçable et tenter l’impossible : parler dans un monde où nos voix ont été éteintes. »

Récit de la déportation d’un peuple, Ce qu’ils n’ont pas pu nous prendre est surtout un récit universel, le récit de tous les peuples bafoués dans leurs droits d’êtres humains, quelle que soit leur nationalité, leur culture ou leur religion. En donnant la parole à une jeune fille, en brossant des portraits aussi variés que la petite fille que l’on a privé de  sa poupée et frappée parce qu’elle pleurait trop, ou celui de l’ancienne institutrice qui se morfond de ne pouvoir enseigner à des enfants dans la désespérance, Ruta SEPETYS a réussi un roman superbe, dont l’écho résonne longtemps la dernière page tournée.

Mère sort une liasse de roubles de sa poche et la montre discrètement à l’officier qui tend le bras pour la prendre. Après quoi, il dit quelque chose à Mère, ponctuant ses paroles de petits mouvements de tête. Je vois maintenant la main de Mère voltiger pour arracher le pendentif qu’elle porte à son cou et le déposer dans la main de l’officier. Il ne semble pas satisfait. Ce n’est que de l’ambre. Tout en continuant de lui parler en russe, Mère sort de la poche de son manteau une montre à gousset en or. Je connais bien cette montre. C’est celle de son père ; il y a même son nom gravé au dos. L’officier s’en empare d’un geste vif et lâche Jonas pour se mettre à crier après ceux qui se trouvent près de nous.

Vous êtes-vous jamais demandé ce que vaut une vie humaine ? Ce matin-là, mon petit frère ne valait pas plus qu’une montre à gousset.

Ruta SEPETYS, Ce qu’ils n’ont pas pu nous prendre

Scripto - Gallimard

430 pages – 14€

Titre original : Between Shades of Gray  – Paru en 2011– Traduit en Français en 2011

Feuilleter un extrait : http://www.edenlivres.fr/p/11280

L’auteur : Ruta SEPETYS est née dans le Michigan où elle a été élevée dans l'amour de la musique et des livres par une famille d'artistes. Elle étudie la finance internationale et vit quelque temps en Europe (Paris). Puis elle part pour Los Angeles afin de travailler dans l'industrie de la musique. Aujourd'hui mariée, elle vit dans le Tennessee, à Nashville, avec sa famille.

Site du livre : http://www.betweenshadesofgray.com

Interview de l’auteur :


Une rencontre avec Ruta Sepetys par GallimardJeunesse