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10/01/2013

Swing à Berlin (C. LAMBERT)

« Wilhelm Dussander terminait son solo au piano quand il vit les hommes en noir entrer dans le club. »

Tandis que la guerre s'enlise en 1942, les Allemands commencent à sentir que l'issue ne sera pas victorieuse. Joseph Goebbels, ministre de la Propagande, cherche alors un moyen de remonter le moral de la population. Et quoi de plus joyeux que le jazz ? Mais, considéré comme une « musique dégénérée » ou « musique de nègres », il est interdit par le régime. Le ministre va donc ordonner que l'on crée un groupe de « musique de danse accentuée rythmiquement », un jazz qui valoriserait les thèses aryennes. C’est le vieux pianiste Wilhelm Dussander, à la retraite depuis que les membres juifs de son groupe ont été arrêtés, qui est choisi pour mener à bien cette tâche. S'il estime que la politique n'est pas l'affaire des musiciens, il n'a jamais aimé les nazis. Pourtant, lorsque Goebbels le sollicite, Dussander n'aura d'autre choix que d'accepter...

Sur un sujet complètement méconnu, Christophe LAMBERT réussit un roman plein de charme et de gravité. On succombe avec bonheur à l’énergie de ces « quatre en or », on s’émeut de leur maître, Dussander, on s’indigne du traitement réservé aux plus fragiles dans l’Allemagne nazie et, peu à peu, avec le groupe, on découvre une partie de la vérité sur ce régime.

L’habileté de la narration consiste à donner des personnalités (et des opinions politiques) très différentes à chacun, mais toutes ont leur légitimité et leur justification. Et le message n’en est que plus fort quand la réalité, brutale et violente, va surgir. Chacun des garçons est attachant, présentant ses failles et ses espoirs. Quant au personnage du chef d’orchestre, il est profondément humain, humaniste, et offre un contraste saisissant avec l’employé du Reich qui les surveille en permanence.

Un autre point fort du texte, c’est le fait d’avoir mêlé petite et grande histoire ; car l’histoire de cet orchestre va devenir réelle lorsque Sophie Scholl et la Rose Blanche vont venir croiser leur chemin, pour le meilleur, mais aussi le pire…

Intelligent, subtil, extrêmement bien documenté, Swing à Berlin est à recommander !

– On n’a toujours pas de nom pour notre groupe, fit remarquer Ruppert.

– Je verrais bien quelque chose comme les fils du Reich, dit Herman.

Les fils du Reich ? Pouffa Thomas. Waouh, ça donne drôlement envie de swinguer, dis donc ! Et pourquoi pas Les Valeureux Descendants de Thor pendant que tu y es ?

– Je suis fier de mes origines.

Max soupira :

– Moi aussi. La question n'est pas là. Il faut quelque chose qui incite à danser, à s’amuser, quoi !

Faussement sérieux, il ajouta :

– Un truc du genre Le grand Max Stachowiack et son orchestre.

Thomas grogna en balançant son polochon sur la tête de son camarade. Les deux autres éclatèrent de rire.

– Le jazz, ça brille de mille feux, comme un cuivre, intervint Ruppert. On pourrait l’appeler Die Goldenen Vier : les quatre en or !

Die Goldenen Vier, répéta Max. Ouais, ça sonne bien ; ça me va !

– A moi aussi, dit Thomas.

– Moui, ça peut aller, maugréa Herman.

Trois coups retentirent, frappés à la porte.

– Il est plus de minuit, les garçons ! fit la voix d’Elsa. Terminées, les discussions !

Chacun se tourna sur le flanc ou sur le ventre, enfonçant son visage au creux du polochon.

Die Goldenen Vier, murmura Max, avec un sourire. Les mecs, avec un nom pareil, on va casser la baraque !

Christophe LAMBERT, Swing à Berlin.

Millezime - Bayard

286 pages – 12,50€

Paru en 2012

L’auteur :

Christophe LAMBERT (non, pas l’acteur !) est né en 1969 en région parisienne. Il a suivi des études de cinéma, réalisé plusieurs courts-métrages, travaillé pour la télévision (M6) et dirigé des ateliers vidéo dans les collèges. Il vit actuellement de sa plume.
Dès son premier roman de science-fiction, La Nuit des mutants (1997), dont l’action a pour cadre un bagne orbital, il obtient le Prix Ozone. Depuis, il a publié une quarantaine de romans en littérature jeunesse, parmi lesquels un impressionnant roman-catastrophe, Titanic 2012 (1999), un roman historique sur la guerre de 14-18, L’Or et la boue (2002), Infaillible ! (2007), etc.
Son goût pour les romans d’anticipation sociale en a fait un pilier de la collection « Autres Mondes » chez Mango, avec des romans comme Clone connexion (2002), Petit Frère (2003) ou encore La Loi du plus beau (2004).
Il a récemment effectué une percée remarquée en littérature adulte avec Zoulou Kingdom (2007), Le Commando des Immortels (2008), Vegas Mytho (2010) et surtout La Brèche (2005), qui a remporté un beau succès, et en littérature pour young adults avec Le Dos au mur (2008).
La force de Christophe Lambert est d’intéresser tous les publics, les jeunes comme les moins jeunes, avec des romans à l’écriture cinématographique, dynamiques et intelligents.

Blog de l’auteur : http://lambear.canalblog.com

10/10/2012

Ami entends-tu...

« C’était presque toujours moi qui commençais. »

1943. A Nantes, Félix, lycéen, ne rêve de rejoindre un réseau de Résistance : nous sommes au plus fort de l’Occupation allemande et il est fasciné par un de ses camarades, Jacky, de deux ans son aîné, qui semble être un de ces héros de l’ombre. Chez lui, ses parents lui semblent si passifs, attentistes, il ne comprend pas leur inaction. Quant à sa sœur, à dix-huit ans, elle ne songe qu’aux garçons. Sauf que la réalité est peut-être plus complexe que cela et que les héros ne sont pas ceux que Jacky croit…

Béatrice NICODEME a parfaitement réussi à restituer l’atmosphère pesante de l’Occupation, ces petits détails du quotidien qui apportent du réalisme et permettent au lecteur d’entrer complètement dans cette histoire à la fois si proche et si loin. Son narrateur, Félix, est un adolescent impatient d’agir, au risque de se mettre en danger, mais aussi d’en entraîner d’autres et compromettre ainsi les réseaux de Résistance.

Son récit montre bien l’organisation tentaculaire mais obscure des réseaux qui se côtoyaient sans jamais se connaître vraiment, afin de préserver chacun, mais il montre aussi les petitesses et les lâchetés de chacun, depuis les lettres anonymes jusqu’à la boulangère qui triche sur la farine de on pain mais porte de rutilantes chaussures neuves. Le roman dépeint avec beaucoup de tendresse ces adolescents désireux de bien faire, de montrer leur refus, à coups de petits gestes ou d’autres, plus lourds de conséquences mais lancés sous le coup de l’insouciance juvénile.

Avec son titre emprunté bien sûr à la chanson des Partisans, cet Ami entends-tu… est un très bon moment de lecture, à la fois historique et policière, qui permet de regarder la grande Histoire à travers le prisme de petites existences.

À partir de ce jour-là, la vie avait pris des couleurs étranges, aussi changeantes qu’un ciel de giboulées.

Il y avait des moments bleus : quand le directeur de l'école nous renvoyait à la maison parce qu'il y avait une alerte ; ou encore au  cinéma, quand on sifflait Le Moustachu et ses généraux aux actualité. Ensuite, la police fermait le cinéma pendant une semaine, mais ça nous était égal.

Cependant l’Occupation allemande avait aussi ses mauvais côtés. Plus question de traîner après l'école, à cause des rafles. On devait avoir toujours dans nos cartables des masques à gaz qui puaient le caoutchouc et nous faisaient ressembler à des hannetons. Une fois la nuit tombée, on n’ avait plus le droit de sortir et on devait coller du papier bleu sur les vitres pour que les aviateusr de la RAF ne soient pas attirés par les lumières de notre ville. Surtout, on avait souvent froid et fin, parce qu’on manquait charbon et que la nourriture était rationnée.

Voilà pour la couleur grise.

Et puis il y avait les moments noirs. Les nuits où la sirène nous réveillait en sursaut et où on allait retrouver les voisins à la cave, la tête résonnant du vrombissement des forteresses volantes et des tirs de DCA… Les matins où une boutique restait fermée parce qu’à l’aube une voiture noire avait emmené les commerçants vers on ne savait quelle destination…

Tout cela, on essayait de l’oublier. On essayait d’oublier les prisonniers qui ne reviendraient peut-être jamais, l’étoile jaune sur les vêtements des Juifs, les rafles et les arrestations, les garçons enrôlés pour aller travailler en Allemagne, et ceux qui disparaissaient du jour au lendemain sans qu’on sache exactement pourquoi.

On ne le savait pas, mais on le devinait.

Béatrice NICODEME, Ami entends-tu…

Gulf Stream

256 pages – 12,50 €

Paru en 2008

L’auteur : Sa passion pour le roman policier est née il y a bien longtemps avec la lecture d’une des aventures de Sherlock Holmes, Le Chien des Baskerville, et s’est concrétisée par un premier roman en 1987. Dix ans plus tard, après avoir exercé pendant quinze ans le métier de maquettiste, elle a décidé de se consacrer totalement à l'écriture. 
Ses romans policiers pour adultes privilégient les intrigues psychologiques chargées d’atmosphère, dans lesquelles passé et présent sont souvent intimement liés, les événements de l’enfance ou de la jeunesse jouant un rôle capital dans la construction de l’individu, de la personnalité criminelle en particulier. 
Le passé a la part belle également dans ses romans historiques, genre auquel elle se consacre de plus en plus. 
Ses récits pour la jeunesse s’adressent aussi bien aux très jeunes lecteurs qu’aux adolescents, avec des intrigues qui se déroulent tantôt aujourd’hui tantôt dans un passé plus ou moins lointain. Elle recrée notamment avec bonheur l’univers de Sherlock Holmes en mettant en scène le jeune Wiggins, chef des Irréguliers de Baker Street.

Site de l’auteur : http://www.beatrice-nicodeme.com