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14/04/2011

Shooting Star (S. BENSON)

« Elle s’appelait Marie-Madeleine, mais insistait, même auprès des professeurs, pour qu’on l’appelle Maddie, et, lorsqu’elle disparut peu avant les épreuves du brevet, aucun de nous ne pensa sérieusement que ça serait le début d’une affaire aussi tragique que sordide. »

Invisible aux yeux de tous, professeurs et élèves, mal aimée par sa mère, Maddie n’a qu’un désir : devenir célèbre. A n’importe quel prix. Enfermée dans ses rêves, elle est prête à tout et va croiser sur son chemin des gens prêts à tout eux aussi. Pour son malheur.

Stéphanie BENSON aborde avec ce Shooting Star un sujet de société : le besoin de notoriété à tout prix, même – surtout – s’il ne repose sur rien. « Je deviendrai célèbre et puis, après, je prendrai des cours de comédie » explique la jeune fille. Elle montre parfaitement le mécanisme de pensée de ces jeunes gens, des solitaires, des abandonnés à eux même, qui s’auto-persuadent que « c’est » possible puisque la télé le dit et que, de toute façon, d’autres aussi insignifiants y sont parvenus. Témoins de cette chute, les camarades de classe, plus équilibrés, plus entourés, soulignent plus cruellement encore cette misère humaine.

En faisant alterner les points de vue, celui d’un narrateur anonyme, camarade de collège englué dans la culpabilité de n’avoir rien vu venir, celui de Maddie elle même à travers son journal intime et quasi mythomane, et des articles de presse, l’auteur mène avec habilité son récit vers sa fin tragique, annoncée d’emblée, et qui laisse un goût amer. Celui de notre société de papillons attirés par la lumière et qui viennent s’y brûler les ailes sous les regards d’entomologistes qui encaissent les bénéfices de pages de publicité…

C’était le visage de Maddie découpé dans la photo de classe, à croire que sa mère n’en avait pas d’autres, et nous nous dîmes une fois de plus que la Grosse n’était pas si grosse que cela. C’étaient ses joues, sans doute, de bonnes grosses joues qui viraient au pivoine dès qu’un professeur lui adressait la parole, qui nous avaient donné l’impression que son corps devait suivre. Ses joues et ses vêtements informes – jusqu’à la transformation – étaient à peu près tout ce qu’on voyait de Maddie. Ses yeux, elle les gardait invariablement fixés sur le sol. Mais le jour où Maddie arriva au collège transformée en star, nous dûmes reconnaître qu’elle était en fin de compte plutôt bien foutue. Et, comme souvent dans ces cas-là, cela ne réussit qu’à créer une distance encore plus grande entre elle et nous.

Stéphanie BENSON, Shooting Star.

Rat noir - Syros

115 pages – 11,50 €

Paru en 2008 - 2011

Feuilleter un extrait : http://www.syros.fr/feuilletage/viewer.php?isbn=9782748511307

L’auteur : Née à Londres en 1959, de mère institutrice et de père fonctionnaire, Stéphanie BENSON a grandi dans un bain de littérature. « Mon enfance s’est envolée avec Tolkien, Dickens, Du Maurier et Peake, mon adolescence a tenu le coup grâce à Lawrence, Keats, Eliot et Orwell... » Après un bac littéraire, elle tente une première incursion sur le territoire français, retourne en Angleterre le temps de deux licences : psychologie et russe ; puis s’installe définitivement en France en 1981. Elle travaille comme éducatrice, tout en empruntant le chemin de l’écriture à partir de 1986. « Écrire, oui, sans hésitation, mais dans quelle langue ? Je ne maîtrisais pas parfaitement le français mais, en même temps, écrire en anglais alors que je vivais à des années-lumière de mes origines me semblait inutile, stérile. J’ai travaillé, gribouillé, griffonné, et la langue française a fini par m’adopter, avec toutes mes bizarreries et mes maladresses. »

Stéphanie Benson est aujourd’hui considérée comme l’un des meilleurs auteurs de Noir de la nouvelle génération. Elle a également écrit des nouvelles noires, fantastiques ou de science-fiction pour des anthologies, des quotidiens et des magazines, de la poésie pour accompagner le travail de deux photographes, ainsi que des pièces de théâtre dont des pièces radiophoniques pour France Inter et France Culture.