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01/09/2012

La faute de Rose (F. CADIER)

« J’aurais pu la tuer !»

Lorsque Rose a rencontré Sean, jeune ouvrier agricole, elle pensait que ses parents béniraient leur mariage. Mais le couperet tombe brutalement : parce que Sean est un étranger, et qu’on ne sait rien de sa famille, il n’en est pas question. Alors les deux amoureux décident de s’enfuir, mais le patron de Sean est trouvé assassiné et le coupable tout désigné : celui qui a disparu. L’escapade se transforme en fuite éperdue. Rattrapés par la police, Rose est enfermée dans un couvent, où toutes les jeunes femmes qui ont fauté sont condamnées à y finir leurs jours, lavant sans relâche du linge. Les sœurs sont dures et sadiques, les murs sont hauts, pourtant, Rose ne renonce pas à s’enfuir, pour retrouver son amoureux. 

Très court roman de cent dix pages, La Faute de Rose alterne deux temps de narration : celui du présent, où elle est emprisonnée dans le couvent des sœurs Magdalènes et cherche à tout prix à fuir, et celui d’un passé proche, lorsqu’elle a rencontré Sean, leurs rendez-vous secrets et leur fuite vers Dublin. La jeune fille sage et obéissante qui se dessine dans la première partie s’est muée en révoltée, prête à tout pour échapper à l’emprise du couvent, et la bonne catholique « ânone désormais des mots vides de sens » tout en rêvant de meurtre.

L’habileté de la narration de Florence CADIER laisse le champ libre à l’imagination du lecteur, posant çà et là par petites touches des bribes de souvenirs, des moments capitaux, et le laissant reconstituer le tout. Jusqu’à la fin, tout reste en suspens, Rose ne parvient pas à ôter de son esprit le doute quant à la culpabilité de Sean,  et le livre se clôt sur une curieuse impression, laissant un fond d’amertume malgré une fin (plutôt) heureuse.

Le couvent des sœurs Magdalène a déjà inspiré le film de Peter MULLAN, sorti en 2002. On retrouve ici la même impression oppressante, l’inhumanité des bonnes sœurs et la religion prétexte à tous les asservissements. La Faute de Rose est un livre dur, difficile, mais édifiant.

J'ai toujours pensé que soeur Bridget et mère Abigail nous menaient en bateau. Pourquoi punir des filles pour des crimes qu’elles n’ont pas commis ? Laquelle d’entre nous est véritablement coupable ? Et coupable de quoi ? D’aimer, d’être aimée ? Je n'ai jamais rien lu de semblable dans la Bible. Je me souviens bien de mes cours de caté avec le curry de Clonakilty, le « aimez-vous les uns les autres » qu’il nous expliquait en long et en large et qu'il reprenait dans un sermon dominical. Alors, comment peuvent-elles nous contraindre à nous laver de nos péchés s’il n'y a pas eu faute ? Ne devraient-elles pas plutôt nous soutenir d'avoir été rejetée par nos familles ? Je me demande si elles ne tirent pas une certaine satisfaction de notre souffrance. C’est peut-être exagéré de le croire, mais il m’est arrivé de le voir sourire quand une de mes compagnes pleurait ! Elles ne ressentent aucune pitié quand nous sommes exténuées ou tristes. Les sentiments de compassion et d’empathie les ont désertées, leurs cœurs sont secs, comme leurs yeux et leur corps.

 

Florence CADIER, La Faute de Rose

Thierry Magnier

112 pages – 8 €

Paru en 2012

L’auteur : Florence CADIER a été élevée à la campagne, dans le Berry, au milieu de cinq frères et sœurs. Elle a été journaliste pendant de nombreuses années, en presse écrite puis audiovisuelle. Elle a commencé à écrire des livres pour la jeunesse en 1995 en pensant à ses deux enfants. Puis, de nombreux ouvrages pour la jeunesse ont suivi. Aujourd’hui, quand elle n’écrit pas, elle anime avec passion des ateliers d’écriture pour enfants en espérant leur transmettre l’envie de raconter des histoires et d’en écouter.

 Son roman Le rêve de Sam, paru aux éditions Gallimard, l’a révélée.

Site de l’auteur : http://minisites-charte.fr/sites/florence-cadier

01/10/2011

Ultraviolet (N. HUSTON)

« Treize ans aujourd’hui. Enfin ! »

Alberta, Canada, été 1936, la chaleur est à son comble. Lucy, fille du pasteur Larson, a treize ans. Elle grandit et commence à se sentir à l’étroit, dans son corps comme dans sa tête. Tout se bouscule et elle ne supporte plus la vie étriquée qu’elle mène, aînée de cinq enfants, entre une mère qui ressasse sa jeunesse et son père qui ne songe qu’à se conformer aux directives divines. C’est pourtant par son intermédiaire, car il a l’habitude d’ouvrir leur maison aux malheureux, qu’elle fait se lier d’amitié avec le Docteur Beauchemin…

Ce médecin « défroqué » pour reprendre les termes de la mère, radié pour avoir commis un geste interdit, va révéler Lucy à elle même : un esprit libre, une libre-penseuse. Il va également être, sans le chercher vraiment, le vecteur de son éveil à la sensualité et sera celui par qui le scandale arrive.

Ultraviolet est un roman court, un journal d’adolescente rebelle qui lit d’une traite : on y partage les exaltations et les rejets de l’héroïne, ses émois et ses chagrins. C’est également le récit d’une émancipation, mais un récit profondément sensuel, où la chaleur de l’été albertien est omniprésente, comme un troisième personnage dans cette histoire qui est presque un huis-clos.

La plume de Nancy HUSTON se révèle une fois de plus d’une acuité rare, précise tel un scalpel qui décortique les états et empires de cette très jeune fille, et sachant se faire douce lorsque son héroïne s’arrête au cours d’un repas familial sur chacun des membres de sa famille qu’elle tâche de « voir autrement ». Subtil, anticlérical, parfois dérangeant, Ultraviolet saura toucher tous les adolescents en questionnement.

Une des merveilles de ce carnet, c’est que les mots chaleur insensée, une fois qu’on les a couchés sur la page, vous rafraîchissent un peu par rapport à la chaleur insensée qu’il fait dehors. C’est étonnant mais c’est vrai. De même pour les arcs-en-ciel : si les « vrais » manquent cruellement dans l ciel de l’Alberta depuis trois ans, ceux que j’ai écrits l’autre jour répandent un peu de couleur dans mon âme quand je les relis.

On n’est pas obligé de se limiter au « vrai », au « réel ». Ce qu’on imagine est réel aussi ! Tu comprends ? C’est magique : tout change ici, du fait même de l’écrire. Un carnet c’est un vrai laboratoire de sorcière.

Nancy HUSTON, Ultraviolet.

Thierry Magnier

80 pages – 8€

Paru en 2011

L’auteur : Canadienne anglophone vivant en France, Nancy HUSTON écrit dans ses deux langues et se traduit dans les deux sens. Elle a publié de nombreux romans et essais aux Editions Actes Sud, ainsi que, chez d’autres éditeurs, quelques livres pour la jeunesse