03/05/2010
Miettes de lettres (A. THIOLLIER)
« Fengfeng a vu tout de suite l'éclat du papier bleu à travers la fente de la boîte aux lettres. »
Fengfeng et ses parents ont quitté la Chine pour trouver un avenir meilleur en France. Là-bas, reste la grand-mère de Fengfeng à qui ce dernier écrit toutes les semaines comme il lui a promis pour raconter sa nouvelle vie parisienne. Il a d'abord tenté de lui expliquer que la vie ici n'était pas si belle que ça, que la tour Eiffel, il ne l'avait toujours vue, et que les gens étaient loin d'être aimable avec lui, mais ses parents ont immédiatement réagi en lui demandant de ne pas l'inquiéter avec des choses pareilles. Depuis, Fengfeng raconte une vie imaginaire, où tout est plus beau, où il ne dort pas dans le salon et voit la tour Eiffel de sa chambre, où ses camarades de classe ne l'ignorent pas ou ne le menacent pas...
C'est un très joli roman qu'a écrit Anne THIOLLIER ; avec beaucoup de subtilité, elle raconte le grand écart que doivent faire un certain nombre d'enfants et adolescents scolarisés en France et comme coupés en deux : leur culture familiale d'un côté, qu'ils ne veulent pas perdre, mais qu'ils doivent mettre de côté afin de « s'intégrer ». Fengfeng est bon élève et, depuis que son professeur de mathématiques l'a encouragé, il veut devenir enseignant lui aussi.
Petit à petit, le jeune adolescent va apprendre à s'ouvrir aux autres, à ne plus baisser les yeux, à... se rebeller face aux intentions de son père et, pour finir, comprendre que cette différence qui est la sienne peut lui être fructueuse. Mais la route est dure.
Le lendemain est le jour de la rencontre annuelle parents professeur, qui est pour Fengfeng la pire épreuve de l'année scolaire. Pas question de les voir tous ! Une conversation avec le professeur principal, c'est le maximum que peut endurer l'adolescent qui doit servir d'interprète entre l'enseignant et son père. Ce dernier, rentré plus tôt du restaurant pour l'occasion, a mis son beau costume. Dans le préau, son fils lui répète :
- On n'est pas en Chine ! pas la peine de dire que je suis un sale gosse qui ne fiche rien ! Le genre politesse qui consiste à rabaisser ses propres enfants, personne connaît, ici ! Alors les dis pas, parce que je ne les traduirai pas ! Et puis, tu as de la chance, tu sais, je suis bon élève !
Le père défroisse ses manches d'un air vexé :
- Je sais, je sais !
« Il croit qu'il sait », songe Fengfeng dont le calvaire commence.
Anne THIOLLIER, Miettes de lettres.
Seuil Jeunesse
172 pages - 8,50 €
Paru en 2010
L'auteur : Anne Thiollier est née à Saint-Etienne où elle a suivi ses études aux Beaux-Arts. Elle hésite ensuite entre écrire et dessiner et finalement fait les deux. Elle habite pendant près de vingt ans entre Taiwan, la Chine et Hong Kong. Aujourd'hui elle vit à Paris et se consacre à l'écriture et à l'illustration de livres pour enfants.
14:30 Publié dans Vie quotidienne | Lien permanent | Tags : thiollier, émigration, chine, paris, solitude, adolescence, collège, seuil jeunesse | | Facebook | |
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