23/06/2013
Une Fille nommée Hamlet (E. Dionne)
« Je n’avais pas réussi à arrêter le temps, à me faire embaucher dans un cirque ou à me rendre invisible.. »
Comme si cela ne suffisait pas à ses parents, shakespeariens convaincus, de vivre comme à l’époque du barde, de l’avoir affublée du prénom d’un de leurs héros favoris alors qu’elle est une fille, de lui avoir fabriqué une petite sœur baptisée quant à elle Desdémone, dite Dizzie, voilà qu’Hamlet, qui entre en troisième, doit devenir la baby-sitter de sa sœur surdouée, l’avoir en cours à ses côtés et même accepter qu’elle assure son soutien en mathématiques ! Et pour que la tragédie soit totale, cette année sera celle d’un projet Shakespeare auquel, bien sûr, ne manqueront pas de se joindre ses parents !
Roman aussi drôle que pertinent, trahissant une parfaite connaissance de l’œuvre du maître, Erin DIONNE nous propose une histoire loufoque mais toujours juste, où les affres et complexes de l’adolescence sont parfaitement examinés et mis en scène, avec une narratrice qui plus que tout voudrait se fondre dans la masse et échapper à son encombrante famille et ne cesse de la retrouver sur sa route.
Mais Une Fille nommée Hamlet raconte aussi avec beaucoup de justesse les relations sociales au collège, les faux amis et les vrais soutiens, souvent plus discrets que les premiers. Ce deuxième roman d’Erin DIONNE, mais le premier publié en France, est un vrai bonheur de lecture, et pas uniquement pour les filles !
J’avais vraiment fait des efforts, depuis mon arrivée à Hobo, pour me trouver au milieu de l’échelle sociale de l’école. C’était mon refuge, loin de mes parents, de leur vie quotidienne délirante à la mode élisabéthaine, et de l’intelligence de ma sœur. Tout ce que je voulais, c’était continuer à ne pas me faire remarquer, mais avec l’arrivée de Dezzie, puis celle de Shakespeare, j’allais me retrouver dans la ligne de mire.
« Au moins, tu auras de super notes », a chuchoté Ely, en tentant de me réconforter.
C’était bien le problème. Si j’avais des super notes sur Shakespeare, je ferais tache à l’école. Et si je n’en avais pas, je ferais tache à la maison.
Pour la première fois de ma vie non seulement mes parents sauraient ce que je faisais à l’école, mais en plus ils s’en occuperaient. Carrément beaucoup. Carrément peut-être autant que du travail de Dezzie.
J’avais bien essayé de trouver un domaine où j’excellerais, ou quelque chose qui m’enthousiasmerait au moins autant que les trucs que mes parents et Dezzie : j’avais essayé le softball, mais j’avais trop peur de frapper avec la batte, surtout après la fois où j’avais heurté le receveur… La danse, c’était hors de questions : j’ai autant de grâce qu’un éléphant et je déteste me mettre sur la pointe des pieds. Et disons que l’atelier de travaux manuels auquel ma mère m’avait inscrite en fin de maternelle, afin que nous puissions nous « découvrir des passions partagées », n’avait pas été une réussite. Maman avait quand même tricoté un joli pull.
Fini de « chercher ma passion », comme dit mon père. Basta. Je n’avais rien de spécial : pas de don, aucun talent, pas de super QI. Une fois que j’avais compris ça, c’est avec soulagement que j’étais entrée dans le groupe des « moyens ». Pas d’obsession typiquement Kennedy, pas d’activités étranges, et une famille qui me fichait la paix.
Enfin, c’était le cas… jusqu’à présent.
Erin DIONNEL, Une Fille nommée Hamlet
Hélium
256 pages – 14,50€
Site de l’auteur (en anglais) : http://bostonerin.livejournal.com
Titre original : The Total Tragedy of a Girl Named Hamlet – Paru en 2010 – Traduit en Français en 2013
L’auteur : Erin DIONNE est à ce jour l’auteur de quatre romans, parus aux Etats-Unis. Une Fille nommée Hamlet est le premier traduit en France. Ses romans sont destinés aux adolescents, aux post-ados et à tous ceux qui sont parvenir à survivre au lycée !
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27/06/2012
Moi, Ambrose, roi du scrabble (S. NIELSEN)
« Le jour où j’ai failli mourir, le ciel était d’un bleu vif et lumineux – ce qui nous changeait agréablement de la pluie, si fréquente ici, à Vancouver. »
Ambrose passe auprès de tous pour le looser complet : allergique aux cacahuètes, il est surprotégé par sa mère qui l’élève seule, le père d’Ambrose étant décédé quelques mois avant sa naissance. Depuis, Irène se consacre à son fils, l’étouffant de son amour et le coupant du reste du monde. Après un incident au collège, elle décide de le déscolariser, pour son plus grand désespoir. Jusqu’à ce qu’il fasse la connaissance du fils de leurs voisins, un jeune homme bien peu fréquentable…
Une fois encore (après Dear George Clooney, tu veux pas épouser ma mère ?) Susin NIELSEN aborde le sujet des relations familiales, et une fois encore elle fait mouche. Cette histoire d’amitié entre un adolescent asocial et un ex-taulard toxico est attachante, amusante et pleine de confiance en l’humanité. Avec Cosmo, Ambroise va se dégager peu à peu de l’emprise maternelle qui, si aimante qu’elle soit n’en est pas moins étouffante, et être enfin confronté à une figure masculine qu’il va pouvoir superposer à celle de ce père idéalisé, dont Ambrose chérit l’unique photo.
Ambrose est le narrateur de cette histoire et lui apporte un ton naïf et rafraîchissant, sans toutefois sombrer dans l’angélisme. C’est très drôle – qu’il s’agisse des vêtements d’Ambrose comme des répliques de Cosmo –, souvent bien vu – la difficulté pour une mère célibataire d’élever un fils tout en travaillant et cherchant à retrouver une vie sociale –, et plein de chaleur humaine – car la famille Economopoulos est d’une générosité à toute épreuve.
Original, touchant, amusant, on passe un excellent moment de lecture avec ce Moi, Ambrose, roi du scrabble. Ah, au fait, pourquoi le scrabble ? Parce que c’est par lui que tout va changer…
Nous avons contourné la maison pour ne pas tomber nez à nez avec maman. Mais alors que nous étions dans le jardin de derrière, je l’ai vue qui entrait chez nous.
- Oh, non, j’ai gémi. Il ne faut pas qu’elle me voie comme ça, elle flipperait trop.
Cosmo n’a pas dit un mot. Il m’a simplement fait entrer chez lui. Ses parents étant absents, je suis allé dans leur salle de bains me débarbouiller et retire la terre de mes coudes écorchés. Cosmo est même retourné au collège chercher mon pull afin que je puisse le remettre sur le tee-shirt et que maman ne se rende compte de rien. Je lui ai tu qu’il avait appartenu à mon père, et que si je l’avais perdu, je m’en serai voulu toute ma vie.
Quand je suis sorti de la salle de bain, Cosmo était au salon, devant la télé.
- Encore merci, lui ai-je dit.
Il n’a pas levé les yeux de l’écran.
- Tu devrais apprendre à te défendre.
Là, je n’ai pas su quoi répondre. Comment apprend-on à se défendre ? Ma mère ne pouvait pas me payer des cours de karaté, de boxe ni de quoi que ce soit du même genre, et même si elle avait pu, elle ne m’aurait jamais laissé y aller, de peur que je prenne un coup. Ce qui est légèrement paradoxal, quand on y pense. (…)
C’est seulement plus tard que j’ai pris conscience que je n’avais pas du tout eu peur de Cosmo. Je n’avais pas songé un seul instant qu’il allait me tuer, que j’étais seul en haut avec lui, et il n’avait pas tenté de faire les choses dégoutantes contre lesquelles ma mère me mettait en garde depuis es années, à savoir : a) toucher mon pénis, ou b) me faire toucher le sien.
A vrai dire, pour un criminel, il avait l’air plutôt sympa.
Susin NIELSEN, Moi, Ambrose, roi du scrabble
Hélium
200 pages – 13,90€
Titre original : Word Nerd – Paru en 2008
Traduit en Français en 2012
L’auteur : Susin NIELSEN fait partie de la nouvelle génération d'auteurs canadiens pour la jeunesse. Elle a écrit plusieurs romans et travaille aussi pour la télévision. Elle vit à Vancouver.
Site de l’auteur : http://www.susinnielsen.com
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30/01/2012
Dear George Clooney tu veux pas épouser ma mère ? (S. NIELSEN)
« QUE LES CHOSES SOIENT BIEN CLAIRES : je n’ai pas fait exprès d’expédier mes deux demi-sœurs aux urgences. »
Rien n’est plus pareil depuis que le père de Violette et Rosie a quitté leur mère pour aller s’installer en Californie avec l’Epouse n°2. Depuis, leur mère enchaîne les petits amis loosers, depuis le monosourcil jusqu’au crypto-marié. Sauf que cette fois, cela semble différent. Il porte des pulls atroces, a un sens de l’humour ringard et des seins de graisse, mais elle semble très attachée à Dudley Wiener, dit « Dudley la Saucisse »…
Sur un thème a priori archi rebattu, celui de la vie de famille après un divorce, Susin NIELSEN a composé un roman à la fois drôle et émouvant, sensible et qui touche juste. A travers son personnage d’adolescente persuadée qu’elle sait mieux que personne ce qui conviendrait à sa mère, elle dépeint le quotidien d’adolescentes d’aujourd’hui, entre le collège, les deux Noëls et les beau-parents à gérer.
La narration est pleine de fantaisie, la petite sœur aussi pittoresque que la grande, et le personnage de la mère, passée par toutes les étapes de la déprime avant de refaire surface, très réaliste. Roman féminin – plein de sœurs et de copines – actuel – on y cause Facebook, il évoque également les fins de mois difficiles des familles monoparentales et la difficulté pour les enfants de s’engager dans une relation, après avoir constaté l’échec de celle de leur parents.
Avec ses situations-catastrophe parfois, son héroïne un peu frappadingue et son humour, ce Dear George Clooney… est un excellent moment de lecture.
Le problème, George, c’est qu’elle a des goûts catastrophiques en matière d’hommes. Si bien que j’ai pris l’initiative de me mettre en quête de quelqu’un qui lui convienne mieux. Et vous, je vous sens très bien. Je suis certaine que ma mère et vous, ça marcherait du tonnerre. (…)
Je sais que vous avez beaucoup de fiancées (…) Eh bien, avez-vous déjà réfléchi au fait que vous n’aviez peut-être pas fait la bonne rencontre ? J’espère que vous ne vous vexerez pas si je vous dis que, peut-être, certains de ces mannequins si glamour avec qui vous êtes sortis ne faisaient que vous utilisez pour votre célébrité et votre argent. (…)
Ma mère, elle, ne se servirait jamais de vous. C’est une coiffeuse de grand talent qui n’attendrait pas que vous la gâtiez comme une enfant (même si je suis sûre qu’elle ne cracherait pas sur un petit voyage de temps en temps dans votre château en Italie). Ma mère a toujours cru à l’indépendance dans la vie, et où que vous choisissiez d’habiter, elle se trouverait un travail (mais si je peux faire une recommandation, peut-être pourrait-elle travailler à temps partiel, ce qui lui laisserait le temps d’aller à la salle de sport raffermir un peu sa taille, et d’être à la maison quand ma sœur et moi rentrerions de l’école).
Susin NIELSEN, Dear George Clooney tu veux pas épouser ma mère ?
Hélium
200 pages – 13,90€
Titre original : Dear George Clooney Please Marry My Mum – Paru en 2010– Traduit en Français en 2011
L’auteur : Susin NIELSEN fait partie de la nouvelle génération d'auteurs canadiens pour la jeunesse. Elle a écrit plusieurs romans et travaille aussi pour la télévision. Elle vit Vancouver.
Site de l’auteur : http://www.susinnielsen.com
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