06/01/2011
Les Demoiselles de la Louisiane (J-E. SINGER)
« Sur un brick naviguant vers les rivages de Louisiane, comment une demoiselle peut-elle occuper les heures et les jours ? »
Les demoiselles touchent au but : elles ont accosté en Louisiane. C’est la découverte des plantations, du Mississipi et des « indigènes ». Mandaté par le régent, le duc de Gaumont doit surveiller le gouverneur, M. de Bienville, soupçonné de complots, et ses filles et nièces vont le seconder habilement, tout en découvrant les coutumes locales et nouant des amitiés avec la population locale.
Après un début un peu lent, car ressassant les événements passés, la seconde partie du roman devient tout à fait intéressante car elle propose une excursion dans les terres indiennes : nouveaux paysages, nouveaux comportements, dénonciation encore d’un certain esprit de colonisation, ce troisième volume propose une fois de plus un regard intelligent sur une période historique mal connue.
Blanche avait répliqué avait une violence qui ne lui était pas coutumière :
- Nous aussi nous avons été contraintes de quitter Paris, sans qu’on nous demande notre avis ! La Louisiane a beau être française, or je crains fort qu’elle ne soit surtout le pays des Indiens et que nous n’y ayons pas vraiment notre place. D’après ce que m’a raconté Sophie, nous avons fait beaucoup de mal aux Indiens… Je me souviens d’un poème de Dumont de Montigny : « Qui donc habitait ici avant la colonie ? C’étaient des habitants qui passaient leur vie à vivre de la chasse, et passaient tout leur temps sans envies ni chagrins, étaient tout contents. »
Je trouve que ces vers résument parfaitement la situation.
J. Esther SINGER, Les Demoiselles de la Louisiane.
Seuil
250 pages – 12€
Paru en 2010
Rappel : le tome 1 Les demoiselles du Palais-Royal ; le tome 2 : Les demoiselles de la Nouvelle-France ; le tome 3 Les demoiselles de la Louisiane
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15/07/2010
Le Chant des orques (A. BABENDERERDE)
« Les genoux remontés sous le menton et les bras serrés autour de mes jambes, j’étais pelotonnée sur le banc de bois bleu, ma place favorite. »
Sofie est une adolescente de quinze ans qui vit seule avec son père depuis le décès de sa mère six mois plus tôt. Sensible et timide, peu confiante en elle, elle se réfugie dans la compagnie de ses peintures et dessins, fréquentant les cimetières et fuyant la compagnie des gens de son âge, qui d’ailleurs ne la recherchent pas… Photographe reconnu, son père n’a jamais été très présent et se sent désarmé face à cette enfant qui n’en est plus une.
Il va lui proposer de l’accompagner en reportage dans le nord-est des États-Unis, afin de photographier sur les Indiens Makah qui se préparent pour la grande fête traditionnelle. Là, Sofie va faire la connaissance d’un peuple et d’une culture dont elle ne connaissait que des bribes de clichés et, surtout, va rencontrer Javid, le fils de la propriétaire de leur motel…
Magnifique roman que celui d’Antje BABENDERERDE : roman sur le deuil, l’amour naissant, la difficulté de grandir, les relations parent-enfant et, finalement, l’environnement. Annoncé ainsi l’ensemble peut paraître pesant, or c’est tout le contraire. Les fils de la narration s’entrecroisent sans jamais perdre le lecteur et l’empathie envers les personnages est omniprésente. Il est fascinant de voir peu à peu Sofie, la narratrice, se métamorphoser au contact de Javid, de suivre son initiation pour la regarder, finalement, prendre son envol. Rarement un cheminement intérieur aura été retranscrit avec autant de subtilité et de sensibilité.
L’écriture d’Antje BABENDERERDE est parfaitement traduite, tout à tour précise, lumineuse, écorchée, et son fil mène tout naturellement vers une fin ouverte, qui laisse le sentiment d’une expiration sereine. La connaissance profonde qu’a l’auteur de la culture indienne permet encore d’ouvrir la réflexion : c’est un roman qui reste longtemps dans le cœur et la tête.
J’ai rouvert les paupières et l’orque a stoppé très près du canot, ce qui l’a fait tanguer. Aussitôt après, il s’est retrouvé à côté de nous et de la vapeur a jailli de son orifice respiratoire comme un petit geyser. Des éclaboussures sont retombées sur nous. Je les ai senties sur mon visage et mes bras nus.
Une deuxième orque s’est approchée du bateau, tandis que les trois autres restaient à une distance prudente. La lumière du soleil formait de petits arcs-en-ciel dans le souffle des animaux. Des couleurs incroyables chatoyaient dans l’air. Mon corps vibrait de joie et d’excitation ; mon mal de mer avait bel et bien disparu.
Antje BABENDERERDE, Le Chant des orques.
Bayard Jeunesse - Millézime
390 pages – 11,90 €
Titre original : Der Gesang Der Orcas – Paru en 2003
Traduit en français en 2010
L’auteur : Antje BABENDERERDE est née en 1963 à Jena, en Allemagne. Elle a travaillé comme psychologue du travail dans un hôpital spécialisé en psychiatrie et neurologie. Elle est auteur depuis 1996, et porte un intérêt tout particulier à la culture indienne, comme le montrait déjà son précédent livre Lune indienne, paru en 2007.
Son site (en allemand) : http://antje-babendererde.de
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