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14/04/2012

Ce que j'ai vu et pourquoi j'ai menti (J. BLUNDELL)

gallimard jeunesse, blundell, adolescente, meutre, Floride, années quarante« L’allumette a craqué et s’est embrasée. »

Ça commence avec des cigarettes en chocolat et se termine à la manière d’un film noir américain des années quarante. Un hôtel de luxe qui se révèle bien défraîchi, la chaleur étouffante de septembre en Floride, c’est là que se déroule un quasi huis-clos entre un ancien soldat au passé trouble, une femme trop belle, un homme aussi séduisant qu'énigmatique, sous le regard d’une jeune fille de quinze ans... Evie voit tout, observe tout et va quitter l’âge de l’innocence dans une sourde brutalité.

Ce que j’ai vu et pourquoi j’ai menti évolue dans cet univers où les femmes portaient des robes-corolle à la taille étranglée, fumaient avec élégance de longues cigarettes et buvaient des cocktails en fin de journée avec leur mari et des amis. La jeune Evie, fille d’une de ces femmes, une sorte de Lana Turner qui sait dérouler ses jambes interminables pour sortir des voitures décapotables, n’a qu’un rêve : porter du rouge à lèvres et fumer de vraies cigarettes en écoutant Frank Sinatra. Entretenant une relation fusionnelle avec sa mère, elle se sent vilain petit canard et désespère de remplir un jour ses pull over. La rencontre avec le beau et mystérieux Pete va la faire grandir tout à coup, en même temps qu’elle va voir tomber les masques autour d’elle et découvrir une Amérique qu’elle ne soupçonnait pas : ségrégationniste, bien sûr, mais aussi antisémite et puritaine, et des adultes qui ne sont pas du tout ce qu’ils paraissaient être.

Le roman de Judy BLUNDELL se déroule à la manière d’un film noir, avec de belles créatures, des hommes inquiétants, une violence sous-jacente et de la dissimulation partout, jusque dans la narration, puis qu’en adoptant le point de vue d’Evie, l’auteur nous livre une narration biaisée, tout en sous-entendus, et où chacun doit lire – et relire, une fois le rideau tombé – entre les lignes.

Couronné par le National Book Award 2008, Ce que j’ai vu et pourquoi j’ai menti (comment j’ai mentigallimard jeunesse, blundell, adolescente, meutre, Floride, années quarante dans le titre original) est une redoutable mécanique qui vous tient en haleine d’un bout à l’autre de sa lecture.

Maman m’a apporté la robe en la tenant dans ses bras comme un nouveau-né et, délicatement, elle me l’a passée au dessus de la tête. Elle a accroché les agrafes dans le dos et arrangé la jupe d’une main professionnelle. Mrs Grayson a choisi une paire de sandales blanches à talons. J’ai glissé mes pieds dedans mais je chancelais.

- Ne baisse jamais les yeux, m’a lancé Mrs Grayson. Tiens-toi droite !

Je me suis redressée et j’ai relevé le menton.

- Bien !

- Regarde-toi maintenant, a ajouté maman.

J’ai levé les yeux vers le miroir. Je m’attendais à voir une seconde version de maman et, d’une certaine façon, j’espérais que la robe serait avantageusement mise en valeur sur moi. Hélas, ce n’était pas le cas.

- Souris, m’a dit Mrs Grayson. (J’ai souri.) Voilà, tu es superbe.

Elle était sérieuse, pas comme Joe. D’ailleurs, soudain, j’ai pris conscience que lorsqu’il me disait que j’étais jolie, il m’associait toujours à maman, comme si j’étais le lot de consolation et elle le vrai prix. « Bien sûr que tu es jolie, ma fille, tu as vu ta mère ? »

J’ai croisé le regard de Mrs Grayson dans le miroir et j’ai eu la surprise d’y saisir un petit air triste.

- C’est ton tour, Evelyn. A toi de saisir ta chance, m’a-t-elle chuchoté à l’oreille.

Juste une danse. Un seul tour de piste. C’est tout ce que je demandais.

Judy BLUNDELL, Ce que j’ai vu et pourquoi j’ai menti

Gallimard jeunesse

290 pages – 12,20 €

Sorti en poche en 2011 – Pôle fiction – 6,70€

Titre original : What I Sax and How I Lied  – Paru en 2008– Traduit en Français en 2009

L’auteur : Judy BLUNDELL a écrit plusieurs romans pour enfants, adolescents et adultes sous différents pseudonymes. Elle est notamment connue sous le nom de Judy WATSON par les fans des romans dérivés de «La Guerre des Étoiles», car elle est l'auteur des séries à succès des Apprentis Jedi et du Dernier Jedi. Elle a également écrit de nombreuses novélisations de films. Avec Ce que j'ai vu et pourquoi j'ai menti, elle signait sous son véritable nom son premier vrai roman qui obtint, l'année de sa publication, en 2008, le National Book Award. Judy Blundell vit à Katonah, dans l'État de New York, avec sa fille et son mari.

Site de l’auteur : http://www.judyblundell.com

10/02/2012

Ava préfère les fantômes (M. BERNARD)

« La première fois qu’Ava vit Billie Gombrowicz, elle crut qu’elle était morte. »

Depuis ses trois ans, Ava sait qu’elle a un don. Ou plutôt une malédiction : elle voit les morts. Du moins ceux qui reviennent hanter le monde des vivants sous forme de fantômes. Autant dire que ce genre de chose ne vous facilite pas la vie sociale…

Ses parents étant sur le pont de divorcer, Ava a été envoyée passer ses vacances chez son oncle blond et glacial, Vincent Bazire, oncle qu’Ava n’a pas vu depuis ses trois ans et qui vit sur l’île de Jersey. Et qui organise l’exposition d’un trésor viking récemment découvert dans son manoir.  C’est là qu’Ava va faire la connaissance de Billie Gombrowicz.

Avec son air de déjà-vu (le film Sixième Sens utilisait le même procédé), Maïté BERNARD réussit un excellent roman, à la fois drôle, policier, historique et truffé de références – celles au Cluedo ne sont pas les moindres. En choisissant de planter son décor sur l’Île de Jersey, elle nous fait découvrir des lieux enchanteurs et propices aux histoires étranges, aux rencontres inattendues et aux décors superbes. Il y a du Club des cinq explorant l’île de Kernach dans cet Ava préfère les fantômes, des trésors vikings, des morts mal élevés et tout cela forme un ensemble hétéroclite et très joyeux, malgré le sujet qui pourrait ne pas l’être. Car on meurt beaucoup dans ce roman…

Le personnage d’Ava est une jolie variation autour du thème de la différence et de l’acceptation de soi. Complexée, timide, sage pour se faire oublier, elle doit apprendre à gérer cet encombrant don et vivre avec. La rencontre avec une autre « consolatrice » va lui ouvrir de nouvelles perspectives et la réconcilier avec elle même.

Plume alerte, personnages loufoques (dont un Viking farouche mais avide de savoir) et paysages magnifiques, ce Ava préfère les fantômes est une vraie réussite.

… mais elle avait continué à se taire et à observer et elle en était arrivée à la conclusion que, pour rendre tout le monde heureux, il suffisait de cacher ce qu’elle était.

Pour ce faire, la première règle à respecter était de ne surtout pas attirer l’attention. D’élève moyenne, elle était devenue bonne. De sauvage, elle était passée à polie et réservée. Quant à sa nervosité, elle l’avait apprivoisée, puis domptée. Il est difficile de se comporter comme on attend qu’une petite fille se comporte en haut d’un toboggan ou à un goûter d’enfants quand on est seule à voir la vieille femme qui pleure sans larmes au bord du bac à sable ou la fillette qui convoite les gâteaux et les présents alors qu’elle ne fête plus son anniversaire depuis plus d’un siècle, si l’on en juge par le col Claudine, la robe à smocks, les pantalons de dentelle et les souliers vernis qu’elle porte. Difficile mais pas impossible.

Maïté BERNARD, Ava préfère les fantômes.

Syros

288 pages – 14,90€

Paru en 2012

Feuilleter les premières pages : http://www.syros.fr/feuilletage/viewer.php?isbn=9782748511901

L’auteur : Maïté BERNARD est née le 11 septembre 1973 à Nîmes. C’est un écrivain français de romans noirs et de romans de littérature générale. Elle a passé son enfance dans le Sud de la France. À l’adolescence, elle est partie vivre en Argentine, à Buenos Aires. Pendant ses études supérieures, elle a aussi vécu deux ans aux États-Unis, à East Lansing dans le Michigan, et à New York. Depuis dix ans, elle est de retour en France, et travaille comme documentaliste à Versailles. Maïté BERNARD a obtenu le prix du polar 2003 de Montigny-lès-Cormeilles pour son premier roman, Fantômes, paru à la « Série Noire » en 2002. Son roman le plus récent, Monsieur Madone, est paru en 2009 aux éditions Le Passage. Aux éditions Syros, elle est l’auteur de Un cactus à Versailles (2009) et de Trois baisers (2010), tous deux dans la collection « Tempo+ ».

18:08 Publié dans Policier | Lien permanent | Tags : syros, ava, bernard, fantome, mort, jersey | |  Facebook | | |

27/11/2011

Penelope Green - La Chanson des enfants perdus (B. BOTTET)

« James Alec Green était mourant. »

Fille d’un fameux journaliste, c’est tout naturellement que Penelope se destine à la même carrière. C’est sans compter qu’elle vit à Londres, en 1880, et que l’émancipation des femmes n’est pas encore d’actualité. Surtout lorsqu’elle décide d’aller déterrer une vieille affaire de son père qui va la mener dans les bas-fonds mal famés de la ville…

Un autre roman sur le Londres de la fin du XIXème   siècle, une autre héroïne déterminée, vous penserez que les auteurs manquent un peu d’inspiration ces temps-ci. Cependant, le roman de Béatrice BOTTET n’est pas sans intérêt.

D’abord parce que sous ses dehors de roman historique, il nous offre un vrai roman policier, avec un dénouement complètement inattendu, ensuite parce que la demoiselle Green est une jeune fille qui n’a pas froid aux yeux et n’hésite pas à faire fi des conventions, un peu trop au goût de certains, enfin parce que le duo incongru qu’elle forme avec le jeune marin français mis sur son chemin n’est pas sans saveur.

Bien sûr, on pourra regretter certaines facilités du récit, des situations qui s’enchaînent un peu trop bien, au risque de rendre peu crédible certains moments, mais cette Chanson des enfants perdus se lit avec un certain plaisir. A réserver cependant à des adolescentes à partir de quatorze ans, l’histoire de fond étant finalement assez dure (trafic d’enfant, manipulation et cruauté mentale…).

Jusqu’où n’allait pas la mener son imagination délirante ? Sa mère ne l’avait-elle pas forcée à brûler dans sa cheminée, quand elle avait douze ou treize ans, des romans qui ne parlaient que de goules, de nonnes fantômes et de vampires ? Les romans pour jeunes filles n’étaient guère de son goût, mais là, vraiment, la digne et triste Mrs Green avait explosé devant la dépravation de sa fille. Ce qui n’avait pas empêché Penny de racheter en secret d’autres romans qu’elle dissimulait dans les endroits les plus improbables de la maison. Et puis, sa mère était morte – quelques jours après son petit frère – et son père se moquait complètement de ce qu’elle pouvait lire du moment qu’elle lisait, et beaucoup, et du moment qu’elle écrivait, et bien.

Béatrice BOTTET, Pénélope Green – La Chanson des enfants perdus.

Editions Casterman

315 pages – 15€

Paru en 2011

L’auteur : érudite, passionnée d’ésotérisme, Béatrice BOTTET est aussi une romancière de talent, à l’humour décapant. On lui doit, entre autres, Rififi sur le mont Olympe et Rififi pour Héraklès. Elle vit à Paris, dans le 19e arrondissement.

14/08/2011

Du Sang sur la Via Appia (C. LAWRENCE)

« Flavia Gemina résolut sa première énigme au mois de juin. »

Quatre enfants issus de milieux différents (Flavia Gemina, jeune Romaine, fille d’un riche armateur ; Jonathan, jeune chrétien ; Nubia, une jeune esclave africaine ; Lupus, un petit mendiant muet car on lui a coupé la langue) vont unir leurs efforts pour résoudre un mystère et aider à capturer un impitoyable tueur…

Ce premier épisode, qui en compte plus de quatorze, des Mystères romains se révèle une jolie réussite : des personnages attachants, une réalité historique dépeinte avec beaucoup de vivacité, une intrigue bien menée, tout concourt à faire de ce Du Sang sur la Via Appia une agréable lecture.

S’adressant à de très jeunes adolescents, Caroline LAWRENCE a su trouver la bonne distance, entre proximité et érudition, permettant ainsi une entrée dans le monde antique sans toutefois être didactique  ou pesant. Nul doute que les aventures de ces quatre amis n’ont pas fini de passionner les dix-douze ans.

Ostia, la ville où vit Flavia, est la zone portuaire de Rome. Elle est parfois, tôt le matin, noyée dans la brume.

C’était  le cas, ce matin-là, celui de l’anniversaire de Flavia. Trois jours avaient passé depuis qu’elle avait retrouvé la bague de son père. En guise de cadeau d’anniversaire, Marcus Flavius avait proposé à sa fille de l’emmener chez un orfèvre. Peut-être pourrait-elle vendre le petit trésor qu’elle avait trouvé dans le nid de la pie.

Le soleil venait de se lever quand Flavia et son père quittèrent la maison. Ils descendirent la rue des Boulangers, tout embrumée, en direction du fleuve.

Caroline LAWRENCE, Du Sang sur la Via Appia.

Milan poche – Junior - Histoire

220 pages – 6,70€

Titre original : The Thieves of Ostia  – Paru en 2001– Traduit en français en 2010

Du Sang sur la Via Appia est le premier volume de la série Les Mystères romains.

L’auteur : Caroline LAWRENCE est américaine. Elle a grandi en Californie et vit aujourd'hui à Londres après avoir obtenu une bourse pour étudier l'archéologie à Cambridge. La série " Les Mystères romains " est son premier travail en tant qu'écrivain.

27/07/2011

Le Petit Sommeil (B. et J. GUERIF)

« J’ai envie de rester au lit. »

Pierre vit seul avec sa mère dans leur petit appartement. Lui dort dans la chambre, elle dans le salon où elle replie le lit tous les matins avant de partir travailler dans une maison de retraite. Il est discret, solitaire, effacé et ne sait pas trop quoi faire de sa vie. Surtout que leur professeur d’économie vient de leur demander de se trouver un stage. Sans solution, en dernière limite, Pierre va le faire avec sa mère. Mais il va rencontrer un homme qui va changer sa vie…

Roman un peu dérangeant que ce Petit Sommeil. Traitant de l’influence, de la limite entre bien et mal, des rapports parent-enfant, de la transmission, d’héritage, il est à la fois lourd et léger. Lourd car tous ces thèmes ne sont pas anodins, et presque léger car l’ensemble est traité plutôt rapidement, sans appesantissement, en cent cinquante pages.

Choisissant de mettre au centre de l’histoire le narrateur, un adolescent qui se cherche, que ce soit dans sa relation aux autres ou en lui-même, les auteurs parviennent à nous faire entrer dans sa tête et l’on oscille avec lui entre la tentation du bien et celle du mal. Le personnage de Braun est vénéneux, diabolique presque, mais cependant il va être l’initiateur que Pierre attendait, la figure masculine qui va l’inciter à se révéler, à s’assumer, à affronter ses peurs… et l’initier à la littérature.

Le Petit Sommeil est à réserver plutôt à de grands adolescents qui se retrouveront dans nombre de réflexions du personnage principal.

- Tu sais, la plupart des gens qui bossent ici, je ne les aime pas. Ils me disent des choses gentilles et font semblant de des soucier de moi, mais je sais très bien qu’ils seront heureux de se débarrasser de ma vieille carcasse.

Là-dessus, t’as pas vraiment tort.

- Faut pas penser des choses comme ça, monsieur…

- Te fatigue pas, Pierre. Je n’ai que ce que je mérite. J’ai toujours fait ce que je voulais, toute ma vie, sans me soucier de personne. Quand j’avais envie de quelque chose, je m’arrangeais pour l’obtenir. C’était toujours moi qui passais en premier. Alors maintenant, ce n’est pas étonnant que je sois tout seul. C’est même normal, tu ne trouves pas ?

 

Benjamin et Julien GUERIF, Le Petit Sommeil.

Syros – Rat noir

150 pages – 11,90€

Paru en 2011

Feuilleter un extrait : http://www.syros.fr/feuilletage/viewer.php?isbn=978274851...

Les auteurs : (source RICOCHET)

Julien GUERIF est titulaire d’un Master of Fine Arts de l’université de South California à Los Angeles. Cinéphile, il est l’auteur de plusieurs courts-métrages. Il est également monteur et professeur à l’Université américaine de Paris. Avec son frère Benjamin, il travaille depuis plusieurs années comme traducteur et scénariste. Ensemble, ils ont publié plusieurs romans.

Benjamin GUERIF est docteur en Histoire. Passionné par la Norvège, il est l’auteur de Pietro Querini (Rivages), roman d’aventure médiévale et maritime inspiré de faits réels et lauréat du prix Gens de mer 2007. Avec son frère Julien, il travaille depuis plusieurs années comme traducteur et scénariste. Ensemble, ils ont publié plusieurs romans.

14:52 Publié dans Policier | Lien permanent | Tags : rat noir, syros, guérif, initiation, adolescent, crime | |  Facebook | | |