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15/04/2012

En fuite (T. ROBBERECHT)

« Au moment précis où mon père m’a réveillé en me touchant l’épaule, mon rêve s’est envolé. »

Un divorce qui se passe mal et un père, désespéré de ne voir ses enfants qu’un week-end sur deux, qui les kidnappe. S’ensuit pour Mathieu, le narrateur, neuf ans à l’époque, et sa sœur Lucille, trois ans, une cavale de huit années à travers la France, faite de départs précipités, de rencontres fugaces et de précarité, à fuir les avis de recherche où leurs photos leur ressemblent de moins en moins en moins. Et, toujours, cette impression d’être déchirés, à devoir choisir entre l’un et l’autre des parents, à devoir trahir l’un ou l’autre…

En choisissant de s’inspirer d’un fait-divers marquant, Thierry ROBBERECHT raconte une histoire lourde, très lourde, celle de deux enfants sacrifiés sur l’autel de dissensions familiales et condamnés à l’errance, à la clandestinité et, surtout, au choix : trahir leur père ou rester à ses côtés.

La narration menée par le jeune garçon devenu adolescent, toute en subtilité et en retenue, souligne bien cet état de fait, mais on pourra regretter un fin un peu trop mélodramatique, en rupture avec le reste du roman. S’il s’adresse à des adolescents à partir de treize, certains pourront lui reprocher un « manque d’action », là où d’autres sauront apprécier l’accent mis sur les relations familiales, et le lien particulier avec Lucille, la petite sœur devenue étrangère au monde.

En fuite est un roman qui interroge, qui vient remuer le lecteur et le laisse avec une certaine amertume, celle de vies « restée[s] en suspens pendant huit ans ».

Je n’ai pas pris la peine de poursuivre la conversation et j’ai rassemblé mes affaires. Des livres, des cahiers, des carnets de notes et de dessins, voilà mes seuls trésors ?

J’ai profité de ce que Papa était en train de remplir le coffre pour griffonner quelques mots à Maman. Que lui ai-je écrit ? Que Lucille l’embrassait et qu’on ne l’oubliait pas… Jamais !

Je n’osais pas lui dire qu’on l’aimait. J’avais l’impression de ne pas être digne de ce mot. Quelque chose en moi savait bien que, par fidélité à Papa, je n’entreprenais pas tout ce qui était possible pour la revoir.

Après avoir caché le message sous des pieds de mon lit, je me suis rendus compte que Lucille ne s’était pas levée. Toujours couchée, elle pleurait en silence.

Quand j’ai soulevé la couette, j’ai découvert le visage de ma sœur baigné de larmes. Je lui ai caressé les cheveux. Je comprenais son désespoir et, pourtant, je ne pouvais rien faire pour elle.

- C’est pas juste, elle a chuchoté parce qu’elle craignait que Papa ne  l’entende.

S’il avait surpris ma sœur en pleurs, il ne se serait pas mis en colère, non, il se serait plutôt décomposé sous le choc. Depuis notre fuite, Lucille et moi, nous craignions surtout son désespoir à lui. Nous  préférions cacher notre douleur plutôt que d’affronter la sienne.

Thierry ROBBERECHT, En fuite.

Rat noir - Syros

144 pages – 12,50€

Paru en 2012

Feuilleter un extrait : http://www.syros.fr/feuilletage/viewer.php?isbn=9782748511840

L’auteur : Thierry ROBBERECHT est né à Bruxelles en 1960. Il a deux enfants très inspirants de onze et dix-sept ans. En 1993, il a gagné le prix de la communauté française dans le cadre de la Fureur de Lire, avec une nouvelle pour adultes. Depuis 1996, il est auteur jeunesse. Il a débuté avec des romans pour adolescents ou préadolescents. Il a poursuivi avec des textes illustrés, au fil de rencontres avec divers dessinateurs. Actuellement, il travaille sur un polar pour adultes.

27/11/2011

Penelope Green - La Chanson des enfants perdus (B. BOTTET)

« James Alec Green était mourant. »

Fille d’un fameux journaliste, c’est tout naturellement que Penelope se destine à la même carrière. C’est sans compter qu’elle vit à Londres, en 1880, et que l’émancipation des femmes n’est pas encore d’actualité. Surtout lorsqu’elle décide d’aller déterrer une vieille affaire de son père qui va la mener dans les bas-fonds mal famés de la ville…

Un autre roman sur le Londres de la fin du XIXème   siècle, une autre héroïne déterminée, vous penserez que les auteurs manquent un peu d’inspiration ces temps-ci. Cependant, le roman de Béatrice BOTTET n’est pas sans intérêt.

D’abord parce que sous ses dehors de roman historique, il nous offre un vrai roman policier, avec un dénouement complètement inattendu, ensuite parce que la demoiselle Green est une jeune fille qui n’a pas froid aux yeux et n’hésite pas à faire fi des conventions, un peu trop au goût de certains, enfin parce que le duo incongru qu’elle forme avec le jeune marin français mis sur son chemin n’est pas sans saveur.

Bien sûr, on pourra regretter certaines facilités du récit, des situations qui s’enchaînent un peu trop bien, au risque de rendre peu crédible certains moments, mais cette Chanson des enfants perdus se lit avec un certain plaisir. A réserver cependant à des adolescentes à partir de quatorze ans, l’histoire de fond étant finalement assez dure (trafic d’enfant, manipulation et cruauté mentale…).

Jusqu’où n’allait pas la mener son imagination délirante ? Sa mère ne l’avait-elle pas forcée à brûler dans sa cheminée, quand elle avait douze ou treize ans, des romans qui ne parlaient que de goules, de nonnes fantômes et de vampires ? Les romans pour jeunes filles n’étaient guère de son goût, mais là, vraiment, la digne et triste Mrs Green avait explosé devant la dépravation de sa fille. Ce qui n’avait pas empêché Penny de racheter en secret d’autres romans qu’elle dissimulait dans les endroits les plus improbables de la maison. Et puis, sa mère était morte – quelques jours après son petit frère – et son père se moquait complètement de ce qu’elle pouvait lire du moment qu’elle lisait, et beaucoup, et du moment qu’elle écrivait, et bien.

Béatrice BOTTET, Pénélope Green – La Chanson des enfants perdus.

Editions Casterman

315 pages – 15€

Paru en 2011

L’auteur : érudite, passionnée d’ésotérisme, Béatrice BOTTET est aussi une romancière de talent, à l’humour décapant. On lui doit, entre autres, Rififi sur le mont Olympe et Rififi pour Héraklès. Elle vit à Paris, dans le 19e arrondissement.