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30/06/2012

Enterrement d'une vie de cancre (H. MESTRON)

« Avant je rendais des feuilles blanches avec juste mon nom marqué en haut à gauche. »

Bruno est le cancre de sa classe, le bouffon, l’amuseur public, le « glandu ». Celui qui n’a peur de rien et surtout pas des adultes. Avec ses parents, c’est l’indifférence – ou la cohabitation. Surtout l’incompréhension. Mais tout change le jour où Madeline arrive dans sa classe. Avec sa silhouette tout droit sortie d’un film de Tim Burton, ses niveaux scolaire hors norme, elle va exploser tous les repères de Bruno et changer sa vie à jamais…

Raconté à la première personne, comme Soupçons, son précédent roman, Enterrement d’une vie de cancre raconte une histoire tout à fait originale, celle d’un adolescent vivant dans « une banlieue pourrie » comme il le dit lui même et qui va découvrir un autre univers, dans tous les sens du terme. Une fois encore, Hervé MESTRON joue avec la narration et, donnant à voir à travers les yeux de Bruno, nous laisse d’abord entrevoir une vérité qui ne l’est pas, se contentant de laisser des signes.

Roman sur la différence, le handicap, le regard de l’autre et la difficulté à s’extraire de son milieu d’origine, roman sur les relations familiales, le non-dit et l’amour inconditionnel, Enterrement d’une vie de cancre raconte une histoire généreuse et rafraîchissante. Une jolie réussite.

Puis la cloche a sonné, les portes du bahut se sont ouvertes. J’ai observé ces élèves sur le trottoir, comment ils bougeaient, comment ils se parlaient, comment ils étaient sapés, comment ils mettaient leur casque sur leurs oreilles, bref tout ça, et j’ai eu l’impression de me retrouver devant la grille de Boris-Vian. C’était tout pareil. C’était comme des clones de ce qu’on était là-bas, de notre cité pourrie. La différence peut-être, c’est que nous les iPhone on les avait piqués et que pas eux qu’avaient de la thune plein les fouilles. Mais bon ça restait les mêmes iPhones de toute façon. Je m’attendais presque à voir surgir mes ex-potes d’enfance avec leur capuche et leur démarche de pingouin. Ils ont regardé de mon côté. Ils ont tout de suite vu que j’étais pas des leurs, je me suis senti scanné des pieds à la tête. Moi, j’étais un vrai, pas eux. C’était moi l’original et eux la copie de ce que je voulais plus voir. Je me suis dit, mais pourquoi ils essaient de nous ressembler ? Pourquoi dans ce bahut de bourges ils veulent se donner l’air de sortir des cités ? ça a été mon grand mystère de la journée. Une énorme déception aussi.

Hervé MESTRON, Enterrement d’une vie de cancre.

Tempo + - Syros

105 pages – 6€

Paru en 2012

L’auteur : Hervé MESTRON est né en 1963 à Valence. Lauréat du Conservatoire national supérieur de musique de Lyon, il devient très vite un auteur aux multiples facettes, passant indifféremment du polar à la comédie, de l’écriture de scénario au roman musicologique, de la fiction radiophonique à la littérature jeunesse. Certains de ses livres ont été traduits en plusieurs langues.

31/08/2011

Silence (B. SEVERAC)

« 7h54

Les chiffres du radioréveil se croisent, montent et descendent. »

Lorsque Jules se réveille, il est à l’hôpital. Il sort d’un coma où l’ont plongé deux cachets d’extasy achetés à la sauvette, à un ami d’ami, et avalé pour impressionner une fille. Depuis, il est sourd. Il a quinze ans, il est seul dans sa chambre à ressasser ses idées noires et fâché avec ses parents qui lui reprochent de leur avoir menti et qui ne lui font plus confiance. Quand en plus la police s’en mêle…

Le roman de Benoît SEVERAC est un roman édifiant. Court et brutal comme un coup de poing en pleine poitrine, il n’épargne rien ni personne et surtout pas les bons sentiments. Par son insouciance, le héros s’est condamné et a condamné sa famille à une vie toute autre que celle qu’ils espéraient tous. Et inutile d’attendre une bonne surprise à la fin, tout se passe comme dans la vraie vie. C’est-à-dire souvent mal.

Silence est un roman d’initiation. Un roman où le héros entré adolescent plein d’inexpérience en ressort un peu plus vieux et un peu plus aguerri, mais pas nécessairement plus heureux pour autant. Car c’est le deuil de l’enfance et des illusions  qu’aura dû faire le héros. Apprendre que les amis d’enfance ne sont pas toujours que l’on aurait voulu qu’ils soient – ou qu’ils restent, que les histoires d’amour ne se déroulent pas toujours comme on le voudrait et que les parents ne sont pas toujours les empêcheurs de tourner en rond que l’on croit.

Plutôt court, facile d’accès, Silence est un roman qui se dévore d’une traite et laisse des abîmes de réflexion derrière lui. « On ne cherche pas à te faire culpabiliser. On veut que tu prennes conscience de certaines choses. Il n’y a que comme ça que tu pourras te reconstruire. »

- Je te propose de travailler à partir de cette liste.

Jules met ses sourcils en point d’interrogation.

- Tu remplaces chaque petit plaisir perdu / par un petit plaisir de substitution, / chaque activité devenue impossible / par une activité de substitution possible pour un sourd.

- De substitution ?

- De remplacement. Que tu pourras faire à la place de.

- Par exemple ?

- Ton premier point : écouter de la musique. / Remplace la musique par une autre activité artistique. Quelque chose que tu voudrais explorer. / La peinture, par exemple.

- Beurk.

Damien tourne les paumes des mains vers le ciel et incline la tête, l’air de dire : « Ah, ça, mon gars ! » puis il prend le stylet :

- Il va falloir t’intéresser à des choses nouvelles.

- Ma passion, c’est la musique.

- Tu en entretiendras le souvenir, mais…

Jules n’attend pas que Damien finisse sa phrase :

- Je ne pourrais pas vivre sans musique.

Damien essaie d’écrire aussi vite qu’il peut :

- Il te faudra pourtant.

Benoît SEVERAC, Silence.

Syros – Rat noir

150 pages –11,90€

Paru en 2011

L’auteur : Benoît SEVERAC est romancier et professeur d’anglais à l’École vétérinaire de Toulouse. Il a compris très tard qu’il écrivait depuis toujours. Il s’est trompé en se croyant un temps photographe, il a abandonné le reflex pour le clavier et s’en porte mieux, mais il en a gardé quelque chose : une efficacité dans la description peut-être, une façon de rendre une ambiance par le cadre. Quoiqu’il en soit, ses romans sont toujours très « visuels ». Silence est son premier roman-jeunesse.

Blog de l’auteur : http://benoit.severac.over-blog.com

SELECTIONNE POUR LE PRIX DES INCORRUPTIBLES 2012-2013 - CATEGORIE 3°-2nde

24/08/2011

Le Sourire de ma mère (M. SELLIER)

« La Loire coule en bouillonnant dans son lit de sable trop grand, charriant des eaux couleur de ciel, de fiel et de foin, ses eaux vives de printemps, entre les berges crayeuses, entre les îlets où se nichent les oiseaux, à l’aplomb du château d’Amboise puissamment ancré sur son éperon rocheux. »

Catarina a quinze ans. Pour tous, elle est « la simple », parce qu’elle ne parle pas, ne semble pas toujours comprendre ce qu’on lui dit et que tout semble glisser sur elle. Mais voilà que le destin va la faire entrer comme servante au château de Cloux, dernière demeure de Léonard de Vinci. Et qu’elle va vivre la dernière année du vieil homme fatigué mais néanmoins toujours clairvoyant.

Très joli roman, Le Sourire de ma mère – Une année avec Léonard de Vinci met en scène le Génie et une jeune fille un peu différente qui va, grâce à l’artiste, se découvrir et trouver sa place. Roman historique, roman intimiste, Marie SELLIER raconte à la fois l’histoire d’une jeune fille à la Renaissance et l’histoire d’une œuvre d’art, en filigrane, cette Joconde dont elle aborde le mystère sans toutefois trop en dire.

Des chapitres courts, une narration aisée, des personnages bien campés, ce Sourire de ma mère saura séduire les amateurs d’art comme les amateurs d’Histoire, et tous ceux qui auront d’en savoir plus sur cette jeune fille qui croit reconnaître sa mère dans « la dame » assise et imperturbable. Alternant les points de vue des différents personnages, chacun se glissera aisément dans l’histoire et y trouvera son bonheur.

Elle a toujours été différente, Caterina. Lorsque sa mère était vivante, on l’entendait parfois proférer quelques paroles de ce souffle rauque qui ne semble pas lui appartenir. Mais à sa mort, elle s’était tue. Plus un mot, tout au plus un chantonnement. Alors, on avait pris l’habitude de faire comme si elle n’existait pas.

Qu’importe ce qu’elle ressent – fatigue, douleur, gaieté ou tristesse ! Caterina est celle qui est toujours là, qui ne rechigne pas à la besogne et obéit aux ordres qu’on lui lance à voix trop forte : « Va ! Lave ! Coupe ! Tranche ! Balaie ! » L’impératif régit sa vie sans qu’aucune ombre ne vienne jamais troubler ses traits réguliers.

Marie SELLIER, Le Sourire de ma mère.

Nathan Poche Histoire

150 pages – 4,90€

Paru en 2011

L’auteur : Marie SELLIER a été journaliste pendant plusieurs années, dont dix ans chez Bayard Presse jeune, avant de passer du côté de l'édition. Voilà maintenant plus de quinze ans qu'elle explore, en direction des enfants, un champ vaste comme le monde, l’ART sous toutes ses formes, avec un enthousiasme qui ne se dément pas.Cela se traduit par plus de quarante livres, quatre collections (L’Enfance de l’Art et Mon petit musée aux éditions de la Réunion des musées nationaux, Des mains pour créer aux éditions Paris-musées et Entrée libre aux éditions Nathan) et cinq films pour la télévision.

Un entretien chez Ricochet : http://www.ricochet-jeunes.org/invites/invite/43-marie-se...

Site de l’auteur : http://www.la-charte.fr/sites/marie-sellier

11/08/2011

Rien que ta peau (C. YTAK)

« Tais-toi, écoute, il y a des gens qui marchent sur la berge. »

Elle s’appelle Ludivine, déteste son prénom et, pour tout le monde, est un peu simplette. Elle a dix-sept ans, est obsédée par les couleurs et va dans un « lycée pour débiles ». En revenant un soir, elle a rencontré Mathis et ce fut le coup de foudre. Brutal, dérangeant et irrépressible. Parce qu’elle est différente, un peu lente, on lui dénierait le droit de désirer, de choisir, de se donner ?

Court roman d’à peine quatre-vingt pages, Rien que ta peau est une histoire sensuelle, presque sauvage et absolument pure. La parole est donnée à Louvine, cette adolescente un peu différente qui se raconte peu à peu, et cette parole fluide, à la fois limpide et obstinée, nous donne à voir, à comprendre une histoire que l’on aurait pu un peu trop rapidement juger autrement.

Cathy YTAK sait trouver les mots justes ; les émotions sont restituées au millimètre près, et l’âpreté du paysage jurassien enneigé est si bien suggérée que l’on croit sentir encore l’odeur du feu de bois longtemps après avoir refermé le livre. Parents qui ne comprennent rien, hostilité du monde entier, l’histoire de Mathis et Louvine, nouveaux Roméo et Juliette, ne laissera indifférent ni grands adolescents ni jeunes adultes. Ni adultes tout courts, d’ailleurs…

Ce qui m’a décidée, c’est l’oiseau… Tu te souviens ? Un soir, alors que la lune brillait sur la neige et éclairait comme un lampadaire, tu as trouvé un oiseau sur le bord du chemin. Son aile était casée et il allait mourir de froid, ou bien être mangé par un autre animal. Tu l’as recueilli dans tes mains. Il s’est un peu débattu et tu t’es mis à lui parler, tout doucement. Tu lui as dit : « Tu n’as rien à craindre de moi. J’ai de grandes mains mais elles sont chaudes et, tu sais, elles ne te feront pas de mal. Tu as eu peur, tu as senti le froid t’engourdir, mais c’est fini, je suis là, je ne te laisserai pas tout seul. Là, je ne peux pas réparer ton aile, alors je vais t’emmener avec moi. Mais tu verras : tout ira bien. Et tu pourras voler de nouveau, bientôt. » Et de ta main libre tu as caressé très doucement la tête du petit oiseau blessé, et il s’est apaisé, comme s’il avait compris. Et c’est pour ça que je t’ai dit oui. Pour ta douceur envers l’oiseau. Je savais qu’avec moi ce serait pareil.

Cathy YTAK, Rien que ta peau.

Acte Sud Junior

80 pages – 7,80€

Paru en 2008

L’auteur : Cathy YTAK écrit aussi bien pour les enfants (Rendez-vous sur le lac, éditions de La cabane sur le chien) que pour les ados, dans la collection « D'une seule voix » (Rien que ta peau et 50 minutes avec toi) et les adultes (Le cimetière d'Arhus, éd. Thierry Magnier, 2004). Elle partage son temps entre la région parisienne et un petit village du Haut-Doubs.

Site de l’auteur : http://www.cathy-ytak.net

Blog de l’auteur : http://www.ytak.fr

A propos de la collection « D’une seule voix » : « J’avais depuis longtemps l’idée de cette collection avec Thierry MAGNIER. J’ai toujours pensé que le monologue intérieur était justement adapté à l’adolescence, cet âge où on oscille entre le silence derrière la porte close et le cri jeté. C’est un âge où la parole a besoin de trouver son souffle, son chemin. Une parole forte, le plus souvent née d’une émotion contenue. La difficulté avec le monologue intérieur, c’est qu’il se situe sur un territoire d’écriture particulier : ce n’est pas un récit à la première personne même si on y « raconte » quelque chose ; c’est une forme exigeante – courte car l’intense ne peut pas s’étaler – qui doit garder le souffle juste, tout en acceptant le cheminement d’une pensée qui cherche à exister hors du silence. Pour en faire une émotion partageable. Les auteurs sont libres des sujets qu’ils veulent aborder. Ce qui nous intéresse, c’est la justesse et la singularité d’une écriture. » Jeanne BENAMEUR, auteur notamment du magnifique Ramadan de la parole, dans la même collection.