05/05/2012
Luz (M. LEDUN)
« Des éclats de rire et des bruits de pas résonnent quelque part dans la maison. »
C’est l’après-midi du premier dimanche des vacances d’été. Luz s’ennuit, lassée de ces adultes qui restent à table jusqu'au milieu de l'après-midi, qui rient et qui boivent trop. Elle finit par claquer la porte de chez elle et partir retrouver ses soeurs. Légèrement grisée par le soleil brûlant, l'adolescente gagne les rives de la Volte où se prélassent des groupes de baigneurs. Elle rencontre bientôt Thomas, un élève de troisième qu’elle connaît peu mais qui lui plaît, accompagné d’une amie. Tous trois décident de se rendre jusqu’à un point d’eau difficile d’accès, mais beaucoup moins fréquenté…
Luz est un roman qui pourra apparaître un peu agaçant, à tourner autour du pot sans vraiment entrer dans le vif du sujet. Mais d’ailleurs quel sujet ? Les descriptions des dimanches en famille sont réalistes, les réactions de l’adolescente, partagée entre moralisme et tentation, également, cependant, le roman tarde à prendre son envol.
La narration s’organise autour d’une attente : Luz a quatorze ans, veut jouer avec son corps mais ne sait trop comment s’y prendre, avance et recule en même temps, tout ceci contribue à créer une atmosphère irritante, où le lecteur ne cesse d’attendre quelque chose et est presque déçu de la chose lorsqu’elle arrive, s’attendant à plus. Ou à pire.
Reste un roman qui procède par petites touches, dépeint avec justesse les incertitudes adolescentes et brosse une peinture au vitriol de la famille !
Thomas se crispe. Luz lui adresse un clin d’œil dans le dos de Manon. Il lui répond par un sourire qui semble vouloir dire : « Merci de ne pas avoir insisté. » Le cœur de Luz fait un bond dans sa poitrine. Elle pense à la bouteille d’alcool dans son sac et à son nouveau maillot de bain. Elle se dit qu’elle a rudement bien fait de descendre se baigner aujourd’hui et aussi que, si Manon n’était pas là, les choses seraient plus simples. Un sentiment confus de liberté l’envahit. Son MP3 diffuse à présent la mélopée mielleuse d’un tube de Lady gaga. Elle enfouit la main dans la poche de son sac, presse un bouton jusqu’à ce que retentissent les premières notes de California Girls de Katy Perry et rajuste ses écouteurs. Puis elle rattrape ses compagnons.
Marin LEDUN, Luz.
Rat noir - Syros
120 pages – 14€
Paru en 2012
L’auteur : Né à Aubenas le 07 mai 1975, Marin LEDUN a publié deux romans Au Diable Vauvert : Modus Operandi (Prix des lecteurs 2008 du Livre de Poche) et Marketing Viral (sélection pour le Prix d'adaptation cinématographique 2009 de la Région Rhône-Alpes) ainsi qu'un volet des épopées de la journaliste Mona Cabriole aux éditions La Tengo : Le Cinquième clandestin.
Adepte de l'ultra-marathon (une épopée au choix de cent kilomètres ou de 24 heures de course, dépourvue de l'esprit de compétition qui anime le marathon ou beaucoup d'autres sports), Marin LEDUN est avant tout un romancier héritier du néo-polar, du « roman noir violent ». Il pose la question des limites du progrès et de la maîtrise des corps dans la société industrielle. Car avant de donner libre court à sa vocation d'écritures, Marin LEDUN a obtenu un Doctorat en communication politique. Il est d'ailleurs l'auteur de La Démocratie assistée par ordinateur, et il poursuit ses recherches sur la thématique de la souffrance au travail. (Source Ricochet)
Site internet de l’auteur : http://www.pourpres.net/marin
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16/08/2010
Biture express (F. AUBRY)
« Quelque chose frôle mon visage. C’est métallique, c’est glacé, qu’est-ce que ça peut être ? »
Depuis dix ans, tous les étés, Sarah et sa famille se retrouvent au camping de la Kabylie, dans le sud de la France. Là, tout le monde se connaît, les parents ont vu grandir les enfants des uns et des autres, on s’amuse, on bronze, on fait la fête. Tous les soirs. Les parents partent ensemble et les enfants ont le camping pour eux. Et les bouteilles.
Sarah, comme la plupart de ses amis, fait la fête tous les soirs. Et boit. Beaucoup. Cela fait un an que cela dure et chaque matin ou presque de cet été, elle se réveille plus amnésique que la veille pendant que sa petite sœur de treize ans assiste, impuissante, à ce carnage. Et qu’elle la « couvre », lavant les vêtements qui empestent le vomi…
Aussi provoquant dans son titre que dans son histoire, Biture express est un récit-miroir car il renvoie chacun à quelque chose qu’il a pu vivre, de près ou de loin. C’est une réalité presqu’anodine que dépeint Florence AUBRY : l’été, les apéros festifs qui s’éternisent, les parents qui ne voient pas leur enfants grandir, l’aveuglement généralisé de tous. Car c’est toujours « aux autres » que cela arrive, jamais à soi, jamais chez soi. Jusqu’au drame.
L’auteur joue habilement des points de vue pour faire percevoir la réalité de la situation : celui de Sarah, celui de Gaby, sa sœur, celui de Lucas, l’amoureux de Sarah à la lourde histoire. Si son roman n’est pas pesant ou moralisateur, c’est qu’il n’accable personne, pas plus qu’il ne défend l’un ou l’autre. Chacun a toujours ses bonnes raisons pour faire ce qu’il fait. Mais ce que décrit parfaitement Florence AUBRY, c’est l’implacable enchaînement de circonstances qui peut mener à la catastrophe.
Biture express est un roman que l’on « descend » d’un trait, mais dont on ne sort pas indemne. C’est une lecture salutaire. Et édifiante.
L’alcool a pénétré mon sang, directement. J’entends moins bien. Je vois moins bien. Je me sens moins tout. Moins triste moins vulnérable. Je me sens plus. Plus belle plus drôle plus forte. C’était une bonne idée finalement, ce verre obligé. Plus triste plus amoureuse. Je voudrais qu’il soit là. Je m’en fiche qu’il ne soit pas là.
Et soudain c’est fini le ni oui ni non et on y va, tout le monde se lève, on décolle, on part, on bouge. Je voudrais un dernier verre, avant la route. Je n’ai pas envie que l’effet se dissipe. Je veux rester où l’alcool m’a emmenée. Tout y est doux. Il n’y a pas d’angles là-bas. J’y suis bien. Même le chagrin y est doux.
Florence AUBRY, Biture express.
Mijade
192 pages – 8 €
Paru en 2010
L’auteur : née à Besançon, Florence Aubry y a fait toutes ses études : licence de lettres modernes et licence de sciences du langage, puis elle intègre une licence de géographie, jusqu’au DEA. Florence Aubry a passé ensuite le Capes de documentation et sa première affectation a été un collège de la Somme où elle restera cinq ans avant de rejoindre le Languedoc Roussillon. Elle est professeur documentaliste en collège et habite actuellement un petit village à quelques kilomètres de Narbonne.
Un autre extrait "Nous, c'est pas pareil".
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