22/01/2011
Arno et le voleur de coeur (D. NIELANDT)
« Arno n’est toujours pas habitué. Ni à la cuisine de Papa, ou à son manque absolu de compétences en la matière. Ni aux crises de larmes de Maman, ni à ses crises en général. »
Arno a douze ans. Depuis quelques mois, il a deux maisons : celle qu’il a toujours connu, où sa maman est restée, et un appartement dans une cité, où son père s’est installé après leur séparation. Pas facile pour un garçon qui a une fâcheuse tendance à l’étourderie et qui se fait voler régulièrement son vélo… quand il ne perd pas son cartable ! Mais depuis quelques temps, un mystérieux voleur sévit dans la ville : le Voleur de Cœur. Sa particularité : voler puis déposer ses larcins dans des endroits inattendus. La Police est ridiculisée ! Or la Police, c’est le père d’Arno…
Sympathique, loufoque, facile à lire, Arno et le voleur de cœur raconte une histoire à la fois ordinaire et extraordinaire. Ordinaire car la situation d’Arno est celle de beaucoup d’enfants de son âge, partagé entre deux maisons, extraordinaire car le traitement de cette situation ne manque pas d’originalité. Sous couvert d’une intrigue policière, les histoires vont s’imbriquer et produire un récit tout à fait surprenant.
Raconté à la troisième personne, c’est cependant Arno le fil conducteur de cette histoire et c’est de lui dont on partage les pensées au fil du roman. Les dialogues sont alertes, les péripéties multiples, c’est un bon moment de lecture qu’offre ici Dirk NIELANDT.
Dans sa classe, les enfants de parents divorcés ont moins de mal à accepter la situation. Mais eux, ils ont un frère ou une sœur. Ou ils s’en trouvent un ou une parce que le nouveau conjoint de leur papa ou de leur maman a des enfants. Arno, lui, est fils unique. Et ni sa mère ni son père n’a refait sa vie avec quelqu’un qui pourrait mettre un peu d’ambiance dans ce monde de déprimés.
La moitié de la semaine, il vit avec une mère tombée dans le trente-sixième dessous au moment de la séparation et qui n’est jamais remontée d’un étage. L’autre moitié, il la passe avec son père qui ne jure que par son journal et sa série télé. Il n’y a qu’un mot pour décrire la nouvelle vie d’Arno : RASOIR !
Dirk NIELANDT, Arno et le voleur de cœur.
Mijade – Zone J
220 pages – 7 €
Titre original : Over Arne – Paru en 2008 – Traduit en français en 2011
L’auteur : Dirk Nielandt est né le 5 août 1964. Auteur de romans pour la jeunesse et d’albums pour enfants‚ il rencontre beaucoup de succès en Flandre. Ses illustrateurs de prédilection sont Marjolein Pottie et An Candaele‚ avec lesquelles il collabore régulièrement.
Site de l’auteur (en flamand) : http://www.dirknielandt.be
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05/09/2010
La vérité sur Marylou (M. SACHS)
« Si on jouait à Stanley et Marylou ? ai-je proposé à ma cousine Pam.»
Marylou doit son prénom à la sœur de sa mère, décédée à douze ans en sauvant tout les occupants de son immeuble et notamment son petit frère de six ans. Depuis, c’est l’héroïne de la famille et sa mère (la grand-mère de la narratrice) l’idolâtre. Lourd héritage pour la deuxième Marylou, fillette sans histoire aux yeux de tous, mais à la personnalité complexe et, surtout, pleine d’interrogations sur elle-même.
A travers sa narration à la fois innocente et retorse, elle décrit la vie d’une famille américaine « type », où la grand-mère a du mal à imaginer qu’elle a un gendre portoricain, une belle-fille qui ne correspond pas à ses attentes, et où tout le monde joue le jeu des apparences.
Écrit au début des années soixante-dix, La vérité sur Marylou dépeint avec finesse cet état d’enfance où l’on se « fabrique des histoires ». Sauf que les histoires que la narratrice construit prennent racine dans la légende familiale et que cette dernière n’est pas si idéale.
Le ton volontairement juvénile adoptée par l’auteur lui permet de brosser un tableau acide, presque cruel, d’une certaine réalité et le roman prend alors une certaine amertume, celle d’une vérité qui se dessine et qui est loin d’être aussi jolie que dans les histoires…
Ma mère dit que Marylou et elle se ressemblaient, sauf que Marylou était plus petite, plus maigre et plus délicate. Ma mère est grande et mince. Elle a des yeux bleus et des cheveux qui, selon elle, étaient blonds autrefois. Elle dit que je ne ressemble pas du tout à Marylou puisque je suis brune comme mon père, que je suis grande et musclée et que j’ai une santé de fer.
Pourtant, j’ai toujours pensé savoir à quoi ressemblait Marylou. Il y a un portrait de Jeanne d’Arc dans l’un des livres d’art de mon père. Elle prie, une lueur éclaire son visage. Elle est très belle. Je pense que Marylou devait ressembler à ça. J’ai montré cette reproduction à ma mère un jour, et elle m’a dit que non, Marylou ne ressemblait absolument pas à Jeanne d’Arc. Mais ça fait trente ans que Marylou est morte et je pense que ma mère a dû oublier.
Marilyn SACHS, La Vérité sur Marylou.
Mijade – Zone J
222 pages – 7 €
Titre original : The Truth about Mary Rose – Paru en 1973 – Traduit en français en 2009
L’auteur : Marilyn Sachs est née à New York en 1927. Diplômée en sciences bibliothéconomiques‚ elle s’est occupée pendant une dizaine d’années de la section jeunesse de la bibliothèque municipale de Brooklyn‚ avant d’occuper les mêmes fonctions à San Francisco‚ où elle vit en compagnie de son mari. Elle se consacre désormais à son métier d’écrivain. Auteur de livres principalement dédiés à la jeunesse‚ elle rencontre un grand succès et ses ouvrages sont traduits en français‚ espagnol‚ japonais‚ allemand‚ anglais‚ suédois‚ finlandais…
Site : http://www.marilynsachs.com (en anglais)
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31/08/2010
Trop moche pour toi (E. WILWERTH)
« Un coup de fil pour moi ? Ah ?
Je m’arrache à ma sieste, à ma couette, à ma chambre-cocon.»
Pervenche est une adolescente mal dans sa peau, dépressive et boulimique, qui a l’habitude de se cacher tout le temps : elle se cache dans des vêtements informes, elle se cache derrière des cheveux sales, elle se cache derrière une insensibilité de façade. A l’opposé de Zoa, sa grand-mère paternelle, fantasque, exubérante, pleine de vie et de couleurs. Et cette justement cette grand-mère qui va lui proposer de l’accompagner avec elle en Turquie. Voyage cauchemardesque ? oui, jusqu’à ce que Zoa disparaisse…
Étonnant roman qui raconte la mue d’une jeune fille, Trop moche pour toi mérite que l’on dépasse ce titre un peu cliché. En choisissant de confronter deux femmes qui sont aux antipodes l’une de l’autre, Evelyne WILWERTH livre un joli plaidoyer pour la différence quelle qu’elle soit, physique ou sociale. En moins de cent cinquante pages, l’auteur va brosser le portrait de deux écorchées vives à leur manière et va entraîner la plus belle sur la voie de la guérison.
Le ton peut surprendre, voire déranger au début, car les points de vue alternent, même si domine celui de Pervenche, et le style est un peu haché, comme essoufflé. Mais il s’apaise au fil du texte, comme s’apaise l’héroïne, et l’on termine cet itinéraire d’une jeune fille en construction avec beaucoup de plaisir.
Nous sommes sur la Passerelle à Liège, j’ai plus ou moins cinq ans, je suis mince et pas vilaine, je souris, je suis fière d’être enlacée par mon père, je souris peut-être aussi à ma mère, je ne l’appelais pas Plastique à l’époque ! Mes parents avaient plus de temps, on riait ensemble, pourquoi ça s’est peu à peu déglingué, parents de plus en plus pris par la spirale du boulot, puis tensions entre eux, et moi, j’ai dû compenser par quelques sucreries, j’ai gonflé, plastique observait l’évolution avec des yeux froids, méprisants, dégoûtés, on s’est moins parlé, la bouffe a pris beaucoup de place, a pris toute la place.
Évelyne WILWERTH, Trop moche pour toi.
Mijade
140 pages – 9 €
Paru en 2007
L’auteur : Évelyne WILWERTH est née à Spa (Belgique). Licenciée agrégée en philologie romane‚ elle a enseigné le français pendant neuf ans avant de s’investir totalement dans l’écriture. Elle écrit des romans‚ des nouvelles‚ des pièces de théâtre‚ des essais‚ pour un public adulte et pour les jeunes. Depuis 1993‚ elle anime des ateliers d’écriture en Belgique et en France.
Site : http://users.skynet.be/evelyne.wilwerth
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30/08/2010
Tabou (F. ANDRIAT)
« Tout à coup, il y a un blanc. Un vide terrible. Comme lorsqu’explose une bombe et qu’elle détruit, en quelques secondes, une partie de notre monde.»
Trois lycéens prennent successivement la parole pour raconter leur réaction face à ce qu’ils viennent de vivre : le suicide d’un de leurs camarades, Loïc. Peu à peu, la réalité fait jour : ce dernier s’est suicidé parce qu’il ne supportait pas de se savoir homosexuel. Réginald, Philippe, son ami d’enfance, et Elsa, la « beauté » de la classe, vont raconter et se raconter…
Très court roman de moins de cent vingt pages, Tabou choisit de mettre l’accent sur une réalité souvent dérangeante, celle de l’homosexualité. Plus encore lorsque qu’elle touche ce moment-clef de l’adolescent où chacun se cherche et désire plus que tout être « comme les autres » tout en se revendiquant différent.
Frank ANDRIAT joue habilement des points de vue, du plus obtus au plus ouvert, pour dessiner la réalité au plus près. Le personnage de Philippe, aux multiples facettes, cristallise toutes les souffrances et les ambiguïtés de la situation, « maladie » pour les uns, état de fait pour d’autres.
Tout au plus pourra-t-on reprocher certaines longueurs, notamment sur la fin, mais Tabou reste néanmoins un roman, presque un témoignage, tout à fait intéressant.
Tu t’es dit que, bientôt, tu ne pourrais rien dissimuler à personne, qu’il était inscrit en grand sur ton visage que tu étais une tapette ; ta discrétion, tous les efforts que tu faisais pour paraître normal ne suffirait plus à dissimuler la réalité aux autres. Faudrait-il que tu agisses comme Loïc, que tu inventes sur les homos des blagues ignobles dont tu rirais plus fort que tout le monde ?
Frank ANDRIAT, Tabou.
Mijade
110 pages – 7 € Paru en 2003
L’auteur : Frank ANDRIAT est né en 1958 à Bruxelles (Belgique). Il s’oriente vers l’écriture dès quatorze ans et lance en 1973 une revue littéraire‚ « Cyclope ». Après des études de philologie romane à l’Université de Bruxelles‚ il exerce depuis 1980 le métier de professeur de français. Frank ANDRIAT aborde divers registres littéraires : poésie‚ fantastique‚ romans policiers‚ nouvelles…
Dans ses livres‚ il dit l’importance de l’ouverture : le Journal de Jamila exprime son rejet de toute attitude raciste‚ La remplaçante est un vibrant appel au dialogue entre enseignants et enseignés‚ Tabou aborde la question de l’homosexualité.
Site : http://www.frankandriat.com
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16/08/2010
Biture express (F. AUBRY)
« Quelque chose frôle mon visage. C’est métallique, c’est glacé, qu’est-ce que ça peut être ? »
Depuis dix ans, tous les étés, Sarah et sa famille se retrouvent au camping de la Kabylie, dans le sud de la France. Là, tout le monde se connaît, les parents ont vu grandir les enfants des uns et des autres, on s’amuse, on bronze, on fait la fête. Tous les soirs. Les parents partent ensemble et les enfants ont le camping pour eux. Et les bouteilles.
Sarah, comme la plupart de ses amis, fait la fête tous les soirs. Et boit. Beaucoup. Cela fait un an que cela dure et chaque matin ou presque de cet été, elle se réveille plus amnésique que la veille pendant que sa petite sœur de treize ans assiste, impuissante, à ce carnage. Et qu’elle la « couvre », lavant les vêtements qui empestent le vomi…
Aussi provoquant dans son titre que dans son histoire, Biture express est un récit-miroir car il renvoie chacun à quelque chose qu’il a pu vivre, de près ou de loin. C’est une réalité presqu’anodine que dépeint Florence AUBRY : l’été, les apéros festifs qui s’éternisent, les parents qui ne voient pas leur enfants grandir, l’aveuglement généralisé de tous. Car c’est toujours « aux autres » que cela arrive, jamais à soi, jamais chez soi. Jusqu’au drame.
L’auteur joue habilement des points de vue pour faire percevoir la réalité de la situation : celui de Sarah, celui de Gaby, sa sœur, celui de Lucas, l’amoureux de Sarah à la lourde histoire. Si son roman n’est pas pesant ou moralisateur, c’est qu’il n’accable personne, pas plus qu’il ne défend l’un ou l’autre. Chacun a toujours ses bonnes raisons pour faire ce qu’il fait. Mais ce que décrit parfaitement Florence AUBRY, c’est l’implacable enchaînement de circonstances qui peut mener à la catastrophe.
Biture express est un roman que l’on « descend » d’un trait, mais dont on ne sort pas indemne. C’est une lecture salutaire. Et édifiante.
L’alcool a pénétré mon sang, directement. J’entends moins bien. Je vois moins bien. Je me sens moins tout. Moins triste moins vulnérable. Je me sens plus. Plus belle plus drôle plus forte. C’était une bonne idée finalement, ce verre obligé. Plus triste plus amoureuse. Je voudrais qu’il soit là. Je m’en fiche qu’il ne soit pas là.
Et soudain c’est fini le ni oui ni non et on y va, tout le monde se lève, on décolle, on part, on bouge. Je voudrais un dernier verre, avant la route. Je n’ai pas envie que l’effet se dissipe. Je veux rester où l’alcool m’a emmenée. Tout y est doux. Il n’y a pas d’angles là-bas. J’y suis bien. Même le chagrin y est doux.
Florence AUBRY, Biture express.
Mijade
192 pages – 8 €
Paru en 2010
L’auteur : née à Besançon, Florence Aubry y a fait toutes ses études : licence de lettres modernes et licence de sciences du langage, puis elle intègre une licence de géographie, jusqu’au DEA. Florence Aubry a passé ensuite le Capes de documentation et sa première affectation a été un collège de la Somme où elle restera cinq ans avant de rejoindre le Languedoc Roussillon. Elle est professeur documentaliste en collège et habite actuellement un petit village à quelques kilomètres de Narbonne.
Un autre extrait "Nous, c'est pas pareil".
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