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20/10/2013

Mon Américain (J-P. NOZIERE)

« Je termine ma quatrième au collège Boris-Vian quand le nouveau entre dans ma classe. »

nathan,nozière, adolescents,amour,exclusion, racismeUn nouveau vient d'arriver dans la classe de quatrième de Marina. Il s'appelle Jérémie Crew, et arrive tout droit de Los Angeles. En plus, il a lu plein de livres ! Il paraît trop frimeur aux yeux de la classe, qui se met à le détester d'emblée. Sauf Marina, la narratrice, jeune martiniquaise impressionnée mais aussi charmée, surtout lorsqu'il choisit de s'asseoir à côté d'elle en lui annonçant qu'elle lui plaît. Un vrai changement pour elle, qui a peu d'amis. Bientôt, Marina et Jérémie deviennent amoureux. Mais Jérémie reste très secret et adopte parfois une attitude si bizarre que Marina commence à douter de ce qu'il prétend être…

 Une fois de plus Jean-Paul NOZIERE fait preuve de beaucoup de subtilité pour aborder un sujet délicat : l’image de soi à une époque de l’existence où cette dernière est en pleine construction. Avec Jérémie, tous les clichés sont malmenés : c’est un Américain qui parle couramment espagnol, s’habille tantôt comme un clochard tantôt comme une victime de la mode, a une culture encyclopédique et ne se souvient pas de son adresse exacte…

 Avec finesse, l’auteur nous fait partager les hésitations, les joies et les doutes de la jeune narratrice, isolée elle aussi, non par sa nationalité mais par sa couleur, et termine sur une note très émouvante. Une jolie histoire…

 Pendant que Grossein feuillette le roman d’Ajar, à la recherche de la bonne page, Kevin la ramène encore :

 - Normal que le Ricain s’installe près de Marina. Les Américains, depuis qu’ils ont Obama comme président ils adorent les Noirs.

 Je suis martiniquaise et noire. Ça me plaît que celui qui récolte deux surnoms le premier jour choisisse Blanche-Neige comme amie. Deux surnoms, parce que Jérémie le Ricain deviendra aussi, selon les jours, « Obama ».

 - Toujours aussi subtil, Kevin, note Madame Grodein, tout en continuant à chercher la bonne page.

Jean-Paul NOZIERE, Mon Américain.

Nathan

110 pages – 5 €

Paru en 2013

L’auteur : Né en 1943 dans le Jura, Jean-Paul NOZIERE a enseigné l’histoire et la géographie durant dix ans – dont deux en Algérie puis à travaillé comme documentaliste pendant vingt-cinq ans. En 1979, il rencontre sa femme qui écrivait des histoires pour enfants, et c’est le déclic pour Jean-Paul NOZIERE qui se lance dans l’écriture de récits. Désormais, il consacre tout son temps à l’écriture de romans pour adolescents et de romans policiers pour adultes. Il a publié une soixante de titres à ce jour.

Blog de l’auteur : http://jpnoziere.com/index2.htm

 

15/07/2013

Sweet Sixteen (A. HEURTIER)

« Ms Carter jeta un regard circulaire dans la classe. »

IMG_0455.JPGMolly Costello est une jeune noire de quinze ans qui vit à Little Rock, en Arkansas. Comme huit autres jeunes gens, elle a accepté de participer au « processus d’intégration » qui vise à les faire entrer dans le prestigieux lycée central de Little Rock parmi deux mille cinq cents autres lycées. Tous blancs. Et bien peu disposés à abandonner leurs privilèges. Durant un an, elle va connaître le harcèlement, l’humiliation, la peur et la mise en danger permanente, malgré la surveillance de l’armée à l’intérieur du lycée. Ce sera une année d’une violence inouïe et où ces adolescents feront preuve d’un incroyable courage, reniés à la fois par « les blancs » mais aussi leur communauté, qui leur reproche de vouloir aller là où ils n’ont pas à être.

La plupart des événements retracés dans le roman d’Annelise HEURTIER sont fictionnels, néanmoins elle s’est inspirée de faits avérés et notamment du témoignage de Melba Patillo, qui poursuivit ses études en Californie et devint journaliste. En 1999, elle et les huit autres étudiants reçurent « the Congressionnal Gold Medal » et ils furent invités en décembre 2008 par Barack Obama afin d’assister à son investiture.

Sweet Sixteen  est un roman qui réussit parfaitement à nous faire entrer dans cette époque des Fifties, trop souvent idéalisée (les trente Glorieuses, le rock, etc…) alors qu’elle étaient aussi celle des préjugés presque médiévaux, d’une ségrégation raciale intolérable dans les états du sud des Etats-Unis et d’un Klan omniprésent. En nous faisant partager le quotidien de deux jeunes filles, l’une noire, l’autre blanche, elle nous confronte à cette double réalité dans laquelle vivait la population de l’époque et amène à la réflexion.

Inspiré de faits réels, plaisant à lire dans son style mais glaçant dans les faits, ce Sweet Sixteen est une vraie réussite.

Elle suivit le groupe dans le couloir de marbre. Les regards malveillants et les insultes s’abattirent autour d’eux :

- Ça pue !

– Dehors les nègres !

- Putain, vous n’allez pas laisser entrer ces ratons laveurs ici ?

Molly n’était pas tellement surprise. Elle savait pertinemment que la majorité des Blancs n’était pas favorable à la mixité. Mais elle avait pensé que des jeunes se montreraient plus ouverts d’esprit, plus… civilisés.

Ce n’est que dans le bureau de lire Leroy Thompson, le principal, que Molly put enfin souffler. Ses jambes tremblaient. Elle croisa son reflet dans une glace dorée et se trouva déjà un air lamentable.

– Voici vos emplois du temps, expliqua Thomson après des brèves salutations d’usage. J’ai chargé des professeurs de vous accompagner jusque dans vos classes.

Bien qu’il lui semblat aussi cordial qu’une lame de rasoir, Molly envie d’embrasser. Jamais elle n’aurait osé affronter seule ces centaines de Blancs remonté comme des pendules.

Les neufs étudiants examinèrent les documents qu’on leur avait remis. Molly fronça les sourcils :

– Pourquoi ne sommes-nous pas tous ensemble, dans la même classe ?

– Vous avez voulu l’intégration ? Vous l’avez, rétorqua le principal, la voix tranchante.

Annelise HEURTIER, Sweet Sixteen.

Casterman

224 pages – 12€

Paru en 2013

Blog de l’auteur : http://histoiresdelison.blogspot.fr

L’auteur : Annelise HEURTIER est l’auteure d’une dizaine d’ouvrages pour la jeunesse dont Le Carnet rouge et La Fille aux cheveux d’encre, chez Casterman.

02/06/2013

Le Banc (S. KAO)

« Oui, Sybille, j’aimerais que tu me laisses tranquille... »

IMG_0382.JPGLe midi, Alex mange incognito dans le parc le repas que lui a préparé sa mère. Mais depuis quelque temps, une main anonyme s’amuse à tracer sur son banc des inscriptions au Tipp-Ex qui le visent directement. « Alex, tronche de nem », « Alex, bol de riz »... Alex est d’origine taïwanaise. Blessé et en colère, il efface chaque nouvelle insulte. Heureusement, son amie Sybille a d'autres idées pour affronter ce problème délicat…

Après La Roue, Sandrine KAO nous fait entendre encore une fois sa petite musique si personnelle, tout en touches délicates et cependant bien ancrée dans la réalité. Ici, c’est au racisme ordinaire que son héros est confronté. A la solitude aussi, car son père est rentré à Taiwan et les a laissés sans nouvelles, sa mère et lui, dans leur quartier asiatique où il se sent chaque jour plus isolé.

Sandrine KAO réussit encore une fois à brosser le portrait d’un très jeune adolescent, à décrire le subtil réseau de liens qui peut se tisser – ou pas – entre collégiens, la montée des sentiments… C’est dépeint avec beaucoup de tendresse et de légèreté, tout en abordant une réalité qui l’est beaucoup moins.

Oui, c’est courant que l’on se moque de moi et de mes traits typés d’Asiatique. Il arrive que des inconnus me ricanent au nez en me traitant de « chinetoque » dans la rue, sans même connaître mes origines. Ou bien ils tirent le coin de leurs yeux, prennent un accent idiot en ânonnant des « ching, chang, chong ». Je les laisse dire, ce ne sont que des abrutis qui s’ennuient. En même temps, avec tout ce qu’on entend aux infos, comment pourrait-on avoir une bonne image des Chinois ? On dit sans cesse qu’à cause d’eux les entreprises sont délocalisées, qu’ils ne respectent pas les droits de l’homme, qu’ils ne protègent pas l’environnement, qu’ils s’enrichissent dans le commerce et son trop nombreux... Ça fait peur. Pourtant, la plupart n’y sont pour rien, victimes d’un gouvernement qui encourage la productivité à tout prix, sans se soucier des inégalités. Et puis, on oublie que les pays occidentaux eux aussi sont passés par là pour se développer. Que la recherche effrénée du profit a de lourdes conséquences, quel que soit le pays.

Sandrine KAO, Le Banc.

Tempo - Syros

96 pages – 6€

Paru en 2013

Feuilleter un extrait : http://www.syros.fr/feuilletage/viewer.php?isbn=9782748513523

L’auteur : Née en France en 1984, Sandrine Kao, d’origine taïwanaise, a grandi en banlieue parisienne. Après des études en métiers du livre, elle se tourne vers l'écriture jeunesse et l'illustration. Elle est diplômée de l'École supérieure d'art d'Épinal, ville où elle habite. Après La Roue,  Le Banc est son deuxième roman.

Blog de l’auteur : http://sandrinekao.blogspot.com

16:03 Publié dans Vie quotidienne | Lien permanent | Tags : syros, kao, adolescents, racisme, asie | |  Facebook | | |

03/05/2013

Norlande (J. LEROY)

« Non, ma chère Emilie, je ne peux pas dire que j’aille beaucoup mieux. »

IMG_0109.JPGDans un pays de Scandinavie qui ressemble presque trait pour trait à la Norvège, la jeune Clara Pitiksen est en convalescence depuis huit mois à la clinique de la Reine-Astrid, retirée tout au fond d’elle-même, de ce qu’il reste d’elle-même. Dans une longue lettre adressée à Émilie, sa correspondante française, elle raconte et se raconte par petites touches, avec pudeur, donnant à entrevoir comment l’horreur absolue a pu naître en Norlande, ce pays de contes de fées...

Transposant dans un pays imaginaire la tragédie qui a eu lieu le 22 juillet 2011 sur l’île d’Utoya, en Norvège, à savoir le massacre de soixante-neuf jeunes militants de la Ligue des Jeunes Travaillistes par Anders Breivic, Jérôme LEROY donne la parole à une jeune rescapée qui va se révéler au fil du récit plus qu’une simple militante venue participer au camp d’été de son parti.

Le roman se présente sous la forme d’un long monologue : c’est la lettre que Clara adresse à sa correspondante française, Emilie, découverte dans un précédent roman de l’auteur, La Grande Môme, afin de « faire son deuil » et accepter ce qui s’est passer et sa part, éventuelle, de responsabilité. Ce choix narratif permet d’offrir le point de vue d’une jeune adolescente sur un pays qui n’avait jusqu’ici connu aucune guerre, si ce n’est « quand sa neutralité fut violée par les nazis en 1940 » et qui va découvrir la montée des extrémismes, le racisme et l’intolérance.

Avec de nombreuses références à la mythologie nordique et notamment Yggdrasil, l’arbre du monde figurant en couverture, Norlande est un roman à la fois très contemporain et pourtant universel. Car il ouvre la réflexion sur nombre de thèmes : la conscience de l’autre, le rôle du politique dans la cité, sa place (à travers notamment la description du système politique nordique), la liberté d’expression et les nouvelles technologies. Jérôme LEROY a réussi un magnifique roman sur la folie des hommes et la force de quelques uns, capables de se dresser face au reste du monde grâce à la force de leurs idéaux pour témoigner.

L' « événement », l'Autre toujours été là.

À attendre sur un point du cercle. Et c'est moi, nous, toute la Norlande, qui allions à la rencontre de ce point sans le savoir et sans pouvoir l'éviter. D’une certaine manière, cela avait déjà eu lieu auparavant avec l'assassinat douze ans plus tôt de Sigur Hansteen, mon père inconnu, mon père secret.

Je ne faisais que recommencer un tour de cercle. La différence avec mon père, c’est que moi j’ai survécu. Au moins physiquement. Même si je peux me défaire de cette impression d’être un fantôme, un peu moins forte il est vrai au fur et à mesure que je t’écris ce cahier. Maintenant, il y a ce poids sur le plexus solaire. Il m’empêche de respirer à fond. Parfois c’est le signe d’une grande angoisse, parfois celui d’une grande tristesse qui me laisser effondrée sur mon lit. Le moindre geste me demande un incroyable effort qui provoque des crises de larmes.

Les sueurs nocturnes, elles aussi, sont toujours là. Bien entendu.

Mais quelque chose change en moi.

Jérôme LEROY, Norlande.

Rat noir - Syros

224 pages – 14€

Paru en 2013

Feuilleter un extrait :  http://www.syros.fr/feuilletage/viewer.php?isbn=9782748513851

L’auteur : Né à Rouen en 1964, Jérôme LEROY vit à Lille. Professeur de lettres, il est un grand amateur de musique soul et grand lecteur. Il publie son premier roman en 1990. Outre des romans et des nouvelles où se mêlent souvent polar, science-fiction et fantastique, il a aussi écrit pour la radio et a réalisé de nombreux articles sur le roman noir. Incontournable aujourd’hui dans les salons polar les plus reconnus, Jérôme LEROY a le vent en poupe. Très bon orateur, ses projets personnels et ses activités sur la scène littéraire et dans le monde de l’édition le poussent sur le devant de la scène.

19/01/2011

Lune indienne (A. BABENDERERDE)

« Je courais à travers la nuit. Il pleuvait, les rues de la ville étaient presque désertes»

A quinze ans, Oliver vient d’apprendre la pire nouvelle de son existence : sa mère l’emmène avec lui rejoindre son futur mari dans une réserve indienne, au fond du Dakota du Sud ! Oliver est révolté : pourquoi devrait-il,  lui, abandonner ce qu’il a de plus précieux, sa petite amie, ses amis, sa vie en Allemagne, pour devenir un étranger à qui l’on reprochera toujours d’être un Wasicun, un blanc ?

C’est ainsi qu’Oliver va entrer dans une nouvelle famille, une nouvelle société, une nouvelle civilisation. Au cœur des Etats-Unis d’Amérique et cependant en périphérie, celle des laissés-pour-compte du rêve américain…

Comme dans Le Chant des orques, Antje BABENDERERDE se penche une nouvelle fois sur la culture indienne. C’est le personnage d’un adolescent déraciné qui va cette fois être notre guide et nous offrir une palette de sentiments, depuis le rejet en bloc jusqu’à une forme d’apprivoisement mutuel. En découvrant progressivement ce peuple et, surtout, ses représentants, Oliver va faire l’apprentissage d’un certain nombre de notions, d’idées qui n’étaient alors pour lui que des concepts abstraits.

L’écriture d’Antje BABENDERERDE, moins poétique que dans Le Chant des orques, est sans doute plus fidèle aux pensées et réactions d’un adolescent de quinze ans. Là où Le Chant des orques abordait la question du deuil et des rapports père-fille, Lune indienne traite des familles recomposées et des relations au sein d’une fratrie que les parents ont « imposée ». Avec finesse mais sans angélisme, Antje BABENDERERDE soulève un certain nombre de questions tout à fait pertinentes.

Joe a allumé une touffe de sauge et nous a éventés avec la fumée, Ryan et moi, pendant qu’il marmonnait une prière disant que nous étions tous parents : les animaux, les hommes, les arbres et les pierres.

Ryan a saisi la fumée blanche dans ses mains ouvertes, qu’il a fait glisser sur son corps. Il prenait visiblement ce tintouin très au sérieux. Pour finir, Rodney s’est emparé de la sauge roussie et a purifié son père avec la fumée. Puis il a tendu la main vers moi et a dit :

- Tes lunettes, Oliver. Je vais te les garder.

A ce moment-là, j’aurais encore pu partir. Il m’aurait suffi de dire : « Hé, vous, là, je ne marche pas ! Je ne suis pas un maudit Peau-Rouge qui doit se purifier de quoi que ce soit. Mon cœur est pur. » Au lieu de cela, j’ai donné docilement mes lunettes à Rodney et me suis courbé pour me faufiler dans la cahute.

Antje BABENDERERDE, Lune indienne.

Bayard Jeunesse - Millézime

346 pages – 11,90 €

Titre original : Lakota Moon  – Paru en 2005

Traduit en français en 2007

L’auteur : Antje BABENDERERDE est née en 1963 à Jena, en Allemagne. Elle a travaillé comme psychologue du travail dans un hôpital spécialisé en psychiatrie et neurologie. Elle est auteur depuis 1996, et porte un intérêt tout particulier à la culture indienne, comme le montrent ses romans Lune indienne et Le Chant des orques.

Son site (en allemand) : http://antje-babendererde.de