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17/02/2012

L'Ecole est finie (Y. GREVET)

« Les tronçonneuses, les débroussailleuses et les taille-haies seront en promotion durant toute la semaine dans tous les magasins Jardins et Maisons. »

Nous sommes en 2028 et, depuis la Grande Crise du début du XXIème  siècle, rien n’est plus pareil : les enfants de pauvres, dès le CP, travaillent en alternance dans des entreprises car leurs parents ne peuvent pas payer les frais de scolarité des écoles ordinaires ; ils n’ont plus de maître, mais un « démonstrateur pédagogique » et portent l’uniforme de l’entreprise. Ils commencent tôt le matin et finissent tard le soir, essayant d’être le plus efficace possible pour rapporter à leurs parents des bons d’achat qu’ils échangeront avec ceux d’autres entreprises…

Après Matin brun de Franck PAVLOFF, L’Ecole est finie d’Yves GREVET s’inscrit dans la droite ligne de ces fables qui n’en sont pas vraiment, petits opuscules invitant à ne pas rester passifs face au présent. Le court – très court (45 pages) – roman d’Yves GREVET fait froid dans le dos par son efficacité et sa lucidité. La société qu’il dépeint, gouvernée par l’argent et constituée d’injustices, où seuls les plus forts – entendre les plus riches – survivent, est d’une troublante actualité et ne peut qu’interroger chacun sur ce qu’il attend pour son avenir et celui de ses enfants.  

Dans ce monde de 2028, on ne sait plus ce qu’est un livre – on ne connaît que les catalogues des magasins – et on doit faire partie des heureux gagnants de la loterie qui auront le droit de se faire soigner les dents. Heureusement, il existe, bien cachées, des lieux de résistance : les « écoles du maquis », où d’anciens instituteurs à la retraite enseignent « comme autrefois » dans l’échange et l’ouverture d’esprit, où l’on apprend l’histoire qui aide à mieux comprendre d’où l’on vient et où l’on arrive. Mais ces écoles sont traquées et les enfants qui les rejoignent doivent couper les ponts avec leurs familles…

Livre sur l’école, bien sûr, mais aussi sur notre société telle qu’elle est et telle qu’elle est en train de devenir, L’Ecole est finie est un livre à lire absolument. Destiné aux enfants à partir de neuf ans, ces derniers y verront une fable de science-fiction là où leurs parents sauront y voir autre chose, plus inquiétant…

(Lila) aussi fait partie des enfants de pauvres qui, dès le CP, travaillent en alternance dans des entreprises parce que leurs parents ne peuvent pas payer les frais de scolarité des écoles ordinaires. Les siens ont choisi l’autre alternative locale, un restaurant de la chaîne Speed-fooding, pour une raison bien simple : le repas de midi y est offert. Mes parents ne voulaient pas que je fasse le même choix. Selon eux, les activités de préapprentissage sont beaucoup moins variées chez Speed-fooding que chez Jardins et Maisons. Moi, je peux être initié au bricolage ou au jardinage quand il n’y a pas de tâche plus urgente à effectuer, Lila, elle, se contente d’apprendre à cuire différentes denrées surgelées, à éplucher des fruits et des légumes transgéniques ou à faire le ménage. Ma mère avait surtout peur que je ne sois sujet au surpoids ou à l’obésité, comme la grande majorité des enfants qui fréquentent cet établissement.

Yves GREVET, L’Ecole est finie.

Mini Syros

45 pages – 3€

Paru en 2012

Feuilleter un extrait : http://www.syros.fr/feuilletage/viewer.php?isbn=9782748511871

L’auteur : Yves GREVET est né en 1961 à Paris. Il est marié et père de trois enfants. Il habite dans la banlieue est de Paris, où il enseigne en classe de CM2. Il est l’auteur de romans ancrés dans la réalité sociale. Les thèmes qui traversent ses ouvrages sont les liens familiaux, la solidarité, l’apprentissage de la liberté et de l’autonomie. Tout en restant fidèle à ses sujets de prédilections, il s’essaie à tous les genres. Après Méto, une trilogie de science-fiction, il a signé avec Seul dans la ville entre 9h00 et 10h30 son premier roman d’enquête.

Site de l’auteur : http://la-charte.fr/sites/yves-grevet/

10/02/2012

Ava préfère les fantômes (M. BERNARD)

« La première fois qu’Ava vit Billie Gombrowicz, elle crut qu’elle était morte. »

Depuis ses trois ans, Ava sait qu’elle a un don. Ou plutôt une malédiction : elle voit les morts. Du moins ceux qui reviennent hanter le monde des vivants sous forme de fantômes. Autant dire que ce genre de chose ne vous facilite pas la vie sociale…

Ses parents étant sur le pont de divorcer, Ava a été envoyée passer ses vacances chez son oncle blond et glacial, Vincent Bazire, oncle qu’Ava n’a pas vu depuis ses trois ans et qui vit sur l’île de Jersey. Et qui organise l’exposition d’un trésor viking récemment découvert dans son manoir.  C’est là qu’Ava va faire la connaissance de Billie Gombrowicz.

Avec son air de déjà-vu (le film Sixième Sens utilisait le même procédé), Maïté BERNARD réussit un excellent roman, à la fois drôle, policier, historique et truffé de références – celles au Cluedo ne sont pas les moindres. En choisissant de planter son décor sur l’Île de Jersey, elle nous fait découvrir des lieux enchanteurs et propices aux histoires étranges, aux rencontres inattendues et aux décors superbes. Il y a du Club des cinq explorant l’île de Kernach dans cet Ava préfère les fantômes, des trésors vikings, des morts mal élevés et tout cela forme un ensemble hétéroclite et très joyeux, malgré le sujet qui pourrait ne pas l’être. Car on meurt beaucoup dans ce roman…

Le personnage d’Ava est une jolie variation autour du thème de la différence et de l’acceptation de soi. Complexée, timide, sage pour se faire oublier, elle doit apprendre à gérer cet encombrant don et vivre avec. La rencontre avec une autre « consolatrice » va lui ouvrir de nouvelles perspectives et la réconcilier avec elle même.

Plume alerte, personnages loufoques (dont un Viking farouche mais avide de savoir) et paysages magnifiques, ce Ava préfère les fantômes est une vraie réussite.

… mais elle avait continué à se taire et à observer et elle en était arrivée à la conclusion que, pour rendre tout le monde heureux, il suffisait de cacher ce qu’elle était.

Pour ce faire, la première règle à respecter était de ne surtout pas attirer l’attention. D’élève moyenne, elle était devenue bonne. De sauvage, elle était passée à polie et réservée. Quant à sa nervosité, elle l’avait apprivoisée, puis domptée. Il est difficile de se comporter comme on attend qu’une petite fille se comporte en haut d’un toboggan ou à un goûter d’enfants quand on est seule à voir la vieille femme qui pleure sans larmes au bord du bac à sable ou la fillette qui convoite les gâteaux et les présents alors qu’elle ne fête plus son anniversaire depuis plus d’un siècle, si l’on en juge par le col Claudine, la robe à smocks, les pantalons de dentelle et les souliers vernis qu’elle porte. Difficile mais pas impossible.

Maïté BERNARD, Ava préfère les fantômes.

Syros

288 pages – 14,90€

Paru en 2012

Feuilleter les premières pages : http://www.syros.fr/feuilletage/viewer.php?isbn=9782748511901

L’auteur : Maïté BERNARD est née le 11 septembre 1973 à Nîmes. C’est un écrivain français de romans noirs et de romans de littérature générale. Elle a passé son enfance dans le Sud de la France. À l’adolescence, elle est partie vivre en Argentine, à Buenos Aires. Pendant ses études supérieures, elle a aussi vécu deux ans aux États-Unis, à East Lansing dans le Michigan, et à New York. Depuis dix ans, elle est de retour en France, et travaille comme documentaliste à Versailles. Maïté BERNARD a obtenu le prix du polar 2003 de Montigny-lès-Cormeilles pour son premier roman, Fantômes, paru à la « Série Noire » en 2002. Son roman le plus récent, Monsieur Madone, est paru en 2009 aux éditions Le Passage. Aux éditions Syros, elle est l’auteur de Un cactus à Versailles (2009) et de Trois baisers (2010), tous deux dans la collection « Tempo+ ».

18:08 Publié dans Policier | Lien permanent | Tags : syros, ava, bernard, fantome, mort, jersey | |  Facebook | | |

19/10/2011

Monsieur Stan n'a qu'à bien se tenir (C. AUBRUN-D. PERRET)

« Mon cœur bat à dix mille tours minute. »

Antoine n’a vraiment pas de chance : il vit avec le chien le plus horripilant du monde. Stan sait toujours tout sur tout, monopolise l’attention de tout le monde et excelle dans les coups en douce. Heureusement, Antoine tient sa revanche : il vient d’obtenir un rôle dans le spectacle de l’école. Sauf que Stan, lui, va faire du cinéma…

Roman graphique, ce Stan n’a qu’à bien se tenir fait suite aux premières aventures dudit chien, Oust ou l’insupportable Monsieur Stan. La narration de Claudine AUBRUN, vive et pleine d’acuité, s’associe à merveille aux dessins malicieux de Delphine PERRET et le tout produit un roman qui séduira petits et grands.

A travers le biais du chien, c’est la question des relations au sein de la famille, et plus précisément à l’intérieur de la fratrie, qui est mise en lumière et le livre le fait avec beaucoup de justesse et de sensibilité. A travers la voix d’Antoine, le narrateur, c’est toute notre société qui est mise en lumière, avec ses excès, ses petitesses et ses injustices. Et la célébrité fugace n’en est pas la moindre…

Papa applaudit, Stan monte sur s chaise, pousse des petits cris idiots et fait tourner sa serviette au-dessus de sa tête. Mon estomac se noue, je serre les poings, mes yeux sont comme des aquariums trop pleins. Mais je ne veux pas pleurer devant eux, je me concentre sur la quiche, je le fixe. Au bout d’un moment, maman s’aperçoit que je boude :

- Antoine, pourquoi tu fais la tête ? C’est génial, non ? Stan, notre Stan, va devenir une star !

- Nous allons avoir une vedette sous notre toit ! insiste papa. Tu ne devrais pas être jaloux, Antoine, mais au contraire t’en réjouir.

Je ne dis rien. Je ne réponds pas. Enfin Stan se calme et s’approche de moi. Sous les yeux attendris de mes parents, il me tapote la main :

- Si tu veux, je te donnerai des conseils pour ton petit rôle dans ton petit spectacle, me propose-t-il sur un ton doucereux.

Les lèvres serrées, je m’agrippe à la table. Je me tais. J’écoute. J’écoute l’appel de la quiche. Elle me dit : »Ecrabouille-moi sur Stan, il le mérite. »

Claudine AUBRUN – Delphine PERRET, Monsieur Stan n’a qu’à bien se tenir.

Syros

96 pages – 13,50€

L’auteur : Claudine Aubrun est née dans le Sud-Ouest de la France, dans l’Ariège précisément. Après des études aux Beaux-Arts de Toulouse, elle travaille dans la communication et l’édition de livres sur le patrimoine historique. Aujourd’hui, elle vit à Paris. Depuis 2000, elle écrit, essentiellement pour la jeunesse, des romans, des nouvelles, des scénarios et anime ateliers d’écriture et rencontres. Ses deux domaines de prédilection sont le roman noir et l’humour. Elle trousse des histoires drôles et jubilatoires aux touches grinçantes et fait pointer l’espoir dans des romans sombres qu’elle assaisonne d’une bonne dose d’humanité. Auteur de la série « Les aventures d’Emma la poule », histoires désopilantes d’une poule dans un poulailler déjanté, Claudine Aubrun a publié plusieurs policiers pour la jeunesse et un épisode du Poulpe.

Site internet de l’auteur : http://claudine-aubrun.fr

L’illustratrice : Delphine Perret est diplômée des Arts décoratifs de Strasbourg. Elle est l'auteur de plusieurs albums à l'Atelier du Poisson Soluble et aux éditions Thierry Magnier.

Site internet de l’auteur : http://www.chezdelphine.net

31/08/2011

Silence (B. SEVERAC)

« 7h54

Les chiffres du radioréveil se croisent, montent et descendent. »

Lorsque Jules se réveille, il est à l’hôpital. Il sort d’un coma où l’ont plongé deux cachets d’extasy achetés à la sauvette, à un ami d’ami, et avalé pour impressionner une fille. Depuis, il est sourd. Il a quinze ans, il est seul dans sa chambre à ressasser ses idées noires et fâché avec ses parents qui lui reprochent de leur avoir menti et qui ne lui font plus confiance. Quand en plus la police s’en mêle…

Le roman de Benoît SEVERAC est un roman édifiant. Court et brutal comme un coup de poing en pleine poitrine, il n’épargne rien ni personne et surtout pas les bons sentiments. Par son insouciance, le héros s’est condamné et a condamné sa famille à une vie toute autre que celle qu’ils espéraient tous. Et inutile d’attendre une bonne surprise à la fin, tout se passe comme dans la vraie vie. C’est-à-dire souvent mal.

Silence est un roman d’initiation. Un roman où le héros entré adolescent plein d’inexpérience en ressort un peu plus vieux et un peu plus aguerri, mais pas nécessairement plus heureux pour autant. Car c’est le deuil de l’enfance et des illusions  qu’aura dû faire le héros. Apprendre que les amis d’enfance ne sont pas toujours que l’on aurait voulu qu’ils soient – ou qu’ils restent, que les histoires d’amour ne se déroulent pas toujours comme on le voudrait et que les parents ne sont pas toujours les empêcheurs de tourner en rond que l’on croit.

Plutôt court, facile d’accès, Silence est un roman qui se dévore d’une traite et laisse des abîmes de réflexion derrière lui. « On ne cherche pas à te faire culpabiliser. On veut que tu prennes conscience de certaines choses. Il n’y a que comme ça que tu pourras te reconstruire. »

- Je te propose de travailler à partir de cette liste.

Jules met ses sourcils en point d’interrogation.

- Tu remplaces chaque petit plaisir perdu / par un petit plaisir de substitution, / chaque activité devenue impossible / par une activité de substitution possible pour un sourd.

- De substitution ?

- De remplacement. Que tu pourras faire à la place de.

- Par exemple ?

- Ton premier point : écouter de la musique. / Remplace la musique par une autre activité artistique. Quelque chose que tu voudrais explorer. / La peinture, par exemple.

- Beurk.

Damien tourne les paumes des mains vers le ciel et incline la tête, l’air de dire : « Ah, ça, mon gars ! » puis il prend le stylet :

- Il va falloir t’intéresser à des choses nouvelles.

- Ma passion, c’est la musique.

- Tu en entretiendras le souvenir, mais…

Jules n’attend pas que Damien finisse sa phrase :

- Je ne pourrais pas vivre sans musique.

Damien essaie d’écrire aussi vite qu’il peut :

- Il te faudra pourtant.

Benoît SEVERAC, Silence.

Syros – Rat noir

150 pages –11,90€

Paru en 2011

L’auteur : Benoît SEVERAC est romancier et professeur d’anglais à l’École vétérinaire de Toulouse. Il a compris très tard qu’il écrivait depuis toujours. Il s’est trompé en se croyant un temps photographe, il a abandonné le reflex pour le clavier et s’en porte mieux, mais il en a gardé quelque chose : une efficacité dans la description peut-être, une façon de rendre une ambiance par le cadre. Quoiqu’il en soit, ses romans sont toujours très « visuels ». Silence est son premier roman-jeunesse.

Blog de l’auteur : http://benoit.severac.over-blog.com

SELECTIONNE POUR LE PRIX DES INCORRUPTIBLES 2012-2013 - CATEGORIE 3°-2nde

07/08/2011

Au Bord de la ville (R. FUENTES)

« Podagre était mon meilleur ami. »

Depuis sa naissance, Sylvère vit au bord de la ville, sur un terrain vague où se sont installés ses ancêtres jadis. Au loin, il aperçoit les tours blanches, premier rempart de « la Ville ». Pas question pour « le peuple des cabanes » de rencontrer les deux autres populations. Pourtant régulièrement, des habitants du terrain vague disparaissent, aspirés par cette ville. A commencer par le timide Podagre…

Etrange histoire que ce roman de Roland FUENTES, à mi-chemin entre l’utopie, le fantastique et le réel. Le lecteur ne sait où se situer dans cette histoire où chaque population peut en symboliser d’autres. Comment ne pas penser, par exemple, aux sans-papiers venus émigrer quand on évoque le sort des habitants du terrain vague de retour («  Ce n’est pas votre travail ! Vous êtes un renégat ! Vous avez volé ce travail ! »).

Les deux adolescents héros de l’histoire sont attirés comme des papillons par cette ville étrange et ils s’y sentiront d’autant plus étrangers lorsqu’ils y seront : jamais de gratuité, pas de don, tout doit se monnayer, et les fraudeurs sont impitoyablement traqués. Roland FUENTES restitue très bien ce sentiment de tout puissance qui les gagne face à cette offre de consommation mais, en même, ce désir profond de revenir aux sources.

La priorité est donnée à l’humain, finalement, et c’est toute la leçon de ce Au Bord de la ville, joli message utopiste. Une lecture plutôt facile pour des adolescents de 13-14 ans.

-          Je vais vous parler du travail. Avant toute chose, jeunes gens, il faut conserver un principe très nettement gravé à l’esprit. Celui qui régit chaque action, chaque comportement à la ville :

Tout travail mérite salaire !

Celui qu’on prend en faute de travailler sans demander de rémunération peut être banni. De même, celui qu’on surprend à donner sans rien exiger en retour. Ici, chaque action, et même chaque être humain valent un prix. Les spectacles sont à vendre, les chansons, les histoires, les services, la vue qu’on a par la fenêtre de chez soi. Le prix assure l’équilibre de la ville.

N’ouvrez pas des yeux horrifiés… Les gens d’ici ne sont pas des monstres ! Ils n’obéissent à ces principes que par souci de préserver cet équilibre que leurs ancêtres ont créé.

Roland FUENTES, Au Bord de la ville.

Syros

240 pages – 14,90€

Paru en 2011

Feuilleter un extrait : http://www.syros.fr/feuilletage/viewer.php?isbn=9782748510942

L’auteur : Né à Oran en 1971, Roland FUENTES a passé son enfance en Algérie et sa jeunesse en Provence. Il enseigne l'allemand à mi-temps depuis dix ans et emploie l'autre partie de son temps à écrire des nouvelles, des romans, et, depuis quelque temps, des livres pour enfants.

Site internet : http://rolandfuentes.hautetfort.com