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07/06/2016

S'enfuir (M. BEDFORD)

« Commençons par le début, d’accord ? »

IMG_3419.jpgGloria mène une vie normale d'adolescente de 15 ans. Et elle s’ennuie. Jusqu’au jour où un garçon mystérieux fait irruption dans sa classe : Uman est drôle, intelligent, d’une assurance désarmante. Il fait ce qu’il veut sans attacher la moindre importance à ce que les autres pensent.

Il est tout ce que Gloria voudrait être. Il est la promesse de vivre enfin pleinement, de vibrer, d’aimer.

Alors quand il lui propose de partir, de camper en forêt, de choisir leurs destinations à pile ou face… Gloria s'enfuit avec lui sans regrets, et sans prévenir personne.

Le mode de narration adopté est original, puisqu’on alterne des chapitres d’entretien avec la policière et d’autres où l’héroïne se fait narratrice et raconte son récit rétrospectif, ce qui permet d’avoir un regard assez large sur l’histoire. Une histoire originale, dérangeante et qui ne laisse pas indifférent. On peut être agacé par le comportement si « typiquement adolescent » de Gloria, ses atermoiements, ou encore le mystère de son compagnon, mais force est de constater qu’on se laisse gagner par cette histoire et que le livre laisse une impression étrange, même longtemps après l’avoir refermé.

J’ai relevé le store de la fenêtre de ma chambre et j’ai contemplé les mêmes toits en vrac, les petits jardins soignés, les voitures luisantes et les arbres dénudés du seul endroit où j’ai jamais vécu… et j’ai imaginé un tsunami. (…) Je n’aurais pas su expliquer pourquoi. C’est une ville « agréable ». Sûre, calme, jolie. Des touristes y passent leurs vacances. Des gens aimeraient vivre ici. Je n’avais aucune raison de ne pas l’aimer.

Jusqu’à ce que je regarde par le fenêtre le Jour de l’An, je ne m’étais pas rendu compte que c’était le cas.

Tier a pensé que j’étais juste fatiguée à cause de la soirée. Mais c’était plus qu’une petite déprime de lendemain de fête. (…) je ressentais une impression trace d’impatience. Ou d’insatisfaction. Envers moi-même autant qu’envers tout le reste. Je suis sûre qu’un psychiatre aurait pu donner un grand nombre de bonnes raisons pour expliquer mon état. Mais notre humeur se fiche bien cela raison. (…)

— Uman a dit qu’il était entré dans ma vie parce que j’étais prête à ce qu’il y entre.

Martin BEDFORD, S’enfuir

Nathan

418 pages – 16,95 €

Titre original : 20 questions for Gloria – Paru en 2016 – Traduit en Français en 2016

L’auteur : M. BEDFORD a eu plusieurs vies. Journaliste de formation, il a beaucoup voyagé, a travaillé comme correspondant de presse, banquier, professeur d’anglais à Hong Kong, avant de se rendre compte que ce qu’il aimait par dessus tout, c’était écrire. Il donne aujourd’hui des cours d’écriture dans une université en Angleterre et intervient régulièrement dans les écoles pour des rencontres ou des ateliers d’écriture. Il est également auteur de livres pour adultes. S’enfuir est son troisième roman à destination des adolescents mais son premier publié en France.

Site internet de l’auteur (en anglais) : http://martynbedford.co

02/07/2012

Goodbye Berlin (W. HERRNDORF)

« La première chose, c’est l’odeur de sang et de café. »

Parce qu'ils sont les seuls de la classe à ne pas avoir été invités à l'anniversaire de la sublime Tatiana, Maik et Tschick, quatorze ans, se font la belle, destination la Valachie. C'est le début des vacances d'été, le père de Maik l'a abandonné pour deux semaines dans leur villa avec piscine au motif d'un voyage d'affaires avec sa secrétaire de dix-neuf ans bien roulée, tandis que sa mère subit une énième cure de désintoxication à « la ferme de beauté », comme elle l’appelle entre eux. Quant à Tschick, l'émigré russe « qui a la tête de l'invasion mongole », il est livré à lui-même comme toujours. Ce dernier vole une Lada abandonnée et embarque Maik pour le plus déroutant des road trips. Sans permis, deux cents euros en liquide laissé par le père de Maik, les voilà en partance vers le sud …

Un roman tonique, c’est le premier qualificatif que l’on pourrait attribuer à ce Goodbye Berlin. Tonique et décoiffant.  Car l’amitié entre ce fils de bonne famille, à la mère alcoolique et au père au bord de la ruine, et le jeune émigré sans racines va se révéler aussi surprenante que décoiffante. Avec un ton unique, à la fois provocateur et faussement naïf, Wolfgang HERRENDORF réussit ici un livre compétemment original, qui se démarque nettement des habituelles productions de littérature jeunesse.

Ici, les deux laissés-pour-compte vont prendre leur revanche et larguer les amarres, laissant s’amonceler derrière eux des tonnes de dégâts et d’incompréhension. Les personnages rencontrés sont tout aussi incongrus, depuis la routarde épidermique jusqu’à l’orthophoniste obèse, et les situations abracadabrantes n’empêcheront pas le retour – brutal – à la réalité. A travers la voix de Maik passent à la fois les émotions de la jeunesse et les promesses déjà bien entamées d’une autre vie.

« Le monde est mauvais et l'homme n'est pas bon. Ne te fie à personne, ne va pas avec des étrangers, et tout le bazar. Mes parents m'ont dit ça, mes profs, la télé. Et peut-être c'est vrai à quatre-vingt-dix-neuf pour cent, d'ailleurs. Mais ce qui est fou, c'est que pendant notre voyage, Tschick et moi n'avons croisé que le un pour cent restant. » Goodbye Berlin est une grande bouffée de fraicheur.

Dix minutes plus tard, on chargeait la Lada à fond. De notre garage, on a accès direct à la maison. On a  transbahuté tous les trucs qui nous paraissaient utiles d’une manière ou d’une autre. D’abord du pain, des biscottes, et de la confiture, puis des boîtes de conserve, au cas où. (…)

On a foutu le bazar grave. On s’est par exemple disputés pour savoir si on avait besoin ou non de rollers. Tschick argumentait qu’en cas de panne d’essence, l’un de nous pouvait aller à la prochaine station service avec, mais moi je disais que puisqu’on y était, on pouvait tout aussi bien emporter le vélo pliable. Ou aller directement en Valachie à vélo, d’ailleurs. Tout à la fin, on a eu l’idée d’emporter un bac d’eau, et ça, ça s’est avérée la meilleure de nos idées. Ou plutôt la seule bonne idée. Parce que tout le reste, c’était de la pure débilité mentale. Des raquettes de badminton, un énorme tas de mangas, quatre paires de chaussures, la boîte à outils démon père, six pizzas surgelés. Le truc qu’on a pas emporté, en tout cas, c’était nos portables.

Wolfgang HERRNDORF, Goodbye Berlin.

Thierry Magnier

330 pages – 14,50€

Titre original : Tschick – Paru en 2010 – Traduit en Français en 2012

L’auteur : Wolfgang HERNNDORF, né en 1965 à Hambourg, a fait des études de peinture et a notamment dessiné pour le mensuel satirique Titanic. Depuis sa parution en septembre dernier, Tschick a déjà fait l’objet de critiques extrêmement favorables dans les plus prestigieux journaux d’Allemagne.

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15/08/2010

La Face cachée de Margo (J. GREEN)

La face cachée de Margo.jpg« Voilà comment je vois les choses, tout le monde a droit à son miracle. »

Quentin termine sa dernière année du lycée. Pas très sportif, plutôt « intello », il appartient au clan de ceux qui ne sont pas populaires, les souffre-douleur qui rasent les murs pour éviter d’attirer sur eux les foudres des vedettes. Tout le contraire de Margo, la star du lycée. Voisine de Quentin, ils partagent également un secret enfoui dans leur enfance. Depuis, ils se côtoient, de loin. Jusqu’au soir où Margo va faire irruption dans la chambre de Quentin pour l’entraîner dans une expédition nocturne qui va le faire changer à jamais.

Roman initiatique, roman qui signe la fin de l’adolescence, La Face cachée de Margo tourne autour du personnage à la fois fascinant et agaçant de la fameuse Margo Roth Spiegelman. Ni toute à fait la même, ni toute à fait une autre, elle semble pivoter sur elle-même pour offrir à chacun la facette de ce qu’il a envie de voir. Quentin ne fera pas exception, choisissant de se mirer dans le miroir qu’elle lui tend pour devenir ce qu’il a toujours rêvé d’être : plus fort, plus audacieux.

Choisissant de confier la narration à son personnage masculin, John GREEN propose un récit qui ressemble à un périple vers la connaissance et l’âge adulte. Des poèmes de Walt WHITMAN tissent un réseau de fils qui permettront à Quentin de parvenir à la vérité sur Margo, une vérité où réalité et littérature s’entremêlent pour brosser un tableau d’une certaine adolescence, celle de lycéens américains dans leur banlieue douillette, celle – aussi – des séries américaines qu’affectionnent les adolescents de tous pays.

Une remarque : pourquoi n’avoir pas conservé le titre original de Villes de papier, beaucoup plus représentatif du roman que cette Face cachée de Margo ?

Voilà ce qui est laid dans cette ville, a-t-elle dit. D’ici, on ne voit pas la rouille ni la peinture écaillée ni je ne sais quoi, en revanche on peut dire avec certitude ce qu’elle est. Voir à quel point elle est factice, même pas assez solide pour être en plastique. C’est une ville de papier. Mais regarde là, Q. Regarde toutes ces impasses, ces rues qui tournent sur elles-mêmes, toutes ces maisons construites pour ne pas durer. Tous ces gens de papier vivant dans leur maison de papier, brûlant l’avenir pour avoir chaud. Tous ces gosses de papier buvant la bière qu’un clochard est allé acheter pour eux à l’épicerie en papier du coin. Tous atteints de possessite aiguë. Toute chose aussi fine que du papier, aussi fragile que du papier. Et les gens, idem. Ça fait dix-huit ans que je vis ici et je n’ai jamais rencontré personne qui s’intéresse vraiment aux choses importantes.

John GREEN, La Face cachée de Margo.

Scripto – Gallimard

390 pages – 14€

Titre original : PaperTowns – Paru en 2009 – Traduit en français en 2009

L’auteur : John GREEN est un écrivain américain qui a grandi en Floride avant de partir étudier dans l’Alabama. Il a été commentateur sur la radio nationale NPR et critique pour le «New York Times» et a écrit pour plusieurs magazines. Diplômé de l'université en 2000, il a travaillé comme aumônier dans un hôpital pour enfants. C'est là que l'envie lui est venue d'écrire pour les adolescents un roman sincère sur le désir de transgresser les règles et sur l'expérience de la perte. Il vit actuellement à New York avec sa femme. Après Qui es-tu Alaska ?, son premier roman publié en français, La Face cachée de Margo est son troisième roman, mais le second traduit.

Site internet : http://johngreenbooks.com