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19/04/2011

Il y a quelqu'un dans la maison (S. QUADRUPPANI)

« - Il y a quelqu’un dans la maison, m’a dit Cécile, ma petite sœur de six ans. »

Lorsque sa mère, médecin, travaille la nuit, Paul garde seul son frère et sa sœur  dans la grande maison familiale. Responsable, mature, amoureux du mot juste et bien choisi, il sait rassurer les petits lorsque la vieille maison résonne de bruits inhabituels. Mais ce soir, c’est différent : Paul découvre un carreau cassé… Il y a quelqu’un dans la maison.

Serge QUADRUPPANI joue ici avec les angoisses les plus intimes de chacun : la nuit, la solitude, une grande maison pleine de recoins et des enfants. Le cauchemar s’amplifie quand la fratrie va se retrouver réellement confrontée à des individus louches et qu’il faudra déterminer qui sont les bons et qui sont les méchants. Loin de sombrer dans l’angélisme et la facilité, Il y a quelqu’un dans la maison est presque cru, direct et redoutablement efficace.

Le narrateur, Paul, va raconter à la fois l’angoissante nuit et son histoire familiale, la difficulté de faire le deuil du père dans une maison où tout le leur rappelle, et gérer les relations entre adultes et enfants afin de préserver au moins ses petits frère et sœur. Les personnages sont attachants, brossés en quelques traits, le décor troublant à souhait et on lit d’un trait ce roman d’une centaine de pages pour arriver au bout de la nuit.

- Tu crois pas qu’on devrait appeler les Pelletier ?

Je hausse les épaules.

- Encore ? Pour une vitre cassée ?

Il n’ose pas insister. Nous les avons déjà appelés deux fois en un mois, parce que Cécile avait « entendu quelqu’un ». Ils ont été très gentils, mais j’ai bien senti qu’on les dérangeait : la première fois, il n’y avait que madame pelletier à la maison, et elle était en pleine réunion de son Association des retraités actifs, et, la deuxième fois, ils regardaient un film à la télé, un de ces trucs en noir et blanc qui leur plaisent beaucoup.

Cécile a fait un pas vers moi.

- Reste où tu es. Allez dans votre chambre tous les deux, je dois balayer ça, je dis en montrant le verre brisé. Sinon, quelqu’un risque de se faire mal en marchant dessus.

Serge QUADRUPPANI, Il y a quelqu’un dans la maison.

Souris noire - Syros

105 pages – 5,95€

Paru en 2005 – 2011

Feuilleter un extrait : http://www.syros.fr/feuilletage/viewer.php?isbn=9782748511154

L’auteur : Né en 1952 dans le Var, Serge QUADRUPPANI, après avoir exercé divers petits métiers, a commencé à écrire et traduire des livres vers l’âge de trente ans. Il vit entre la campagne périgourdine, Belleville (Paris) et l’Italie du Sud. De 1988 à 1996, il a collaboré régulièrement, puis de façon épisodique, à "La Quinzaine Littéraire" et, de 1998 à 1999, il a collaboré épisodiquement, sous forme de nouvelles et de chroniques, au "Secolo XIX", quotidien de Gênes. Il a participé à la création du personnage du "Poulpe" et au lancement de la collection afférente ("Saigne-sur-Mer", "Poulpe" n°2, Baleine, 1995) et il a créé la collection "Alias" au Fleuve Noir ("Je pense donc je nuis", "Alias" n°1, 1997). De 2003 à 2007, il écrit des articles à "La Repubblica", "Liberazione", "L’Unità" et "Il Manifesto". En 2008, à "Libération" (in "Journal d’un écrivain") et au "Monde Diplomatique". Après avoir publié des essais, des enquêtes et deux romans historiques, il a surtout écrit des romans noirs, en particulier chez Anne-Marie Métailié, une trilogie : Y, Rue de la Cloche, La forcenée, 1991-1993, un roman sous pseudonyme (Andrea Gandolfo) : Le Plagiat, ainsi que Corps défendant, 2001, et La nuit de la dinde, 2003 (prix du Roman du Var 2003 et prix Interlycées professionnels de Nantes 2004). Enfin, il a participé à de nombreux ateliers d’écriture.

18:47 Publié dans Policier | Lien permanent | Tags : syros, souris noire, quadruppani, polar, enfant, peur, deuil | |  Facebook | | |

30/01/2011

Chroniques du monde émergé (L. TROISI)

« Le soleil inondait la plaine. C’était un automne particulièrement clément : l’herbe, encore d’un vert vif, ondulait autour des murs de la cité comme les vagues d’une mer tranquille. »

Nihal est une fille étrange. Orpheline de mère, elle est élevée par son père, célèbre armurier. Elle évolue dans un univers de garçons, qu’elle mène à la baguette. Jusqu’au jour où l’un d’eux va venir la défier : Sennar, qui se révèlera magicien et deviendra son meilleur ami. Cependant, lorsque le Tyran va venir envahir la Terre du vent, c’est tout son univers protégé qui va voler en éclats. Nihal va devenir une guerrière, déterminée à venger à son peuple.

Roman de fantasy, roman d’aventure, c’est aussi un roman d’apprentissage que nous livre Licia TROISI. Son héroïne, Nihal, se révèle aussi attachante qu’insupportable, meurtrie dans sa chair et dans son âme, aussi avide de vengeance que de reconnaissance. Au fil des rencontres, elle va découvrir peu à peu qui elle est vraiment, apprendre les autres et le monde, grandir en somme.

Pleine de rebondissements,  la narration est alerte, alternant moments d’actions et moments plus contemplatifs, et l’écriture – quoique traduite – est plaisante. L’émotion point tout autant que la violence, et cette héroïne, garçon manqué, saura séduire filles comme garçons.

Toute petite déjà, Nihal fréquentait la bande des garçons avec qui elle arpentait Salazar en fomentant d’innombrables sales coups. Et si, au début, elle avait été accueillie avec une certaine méfiance, parce qu’elle tait une fille et parce qu’elle avait un aspect pour le moins étrange, il ne lui avait pas fallu longtemps pour se faire accepter. Quelques  duels avaient suffi pour démontrer que pour l’exubérance, bien qu’elle appartînt au sexe féminin, elle n’avait rien à envier aux autres membres du clan.

Dès lors qu’elle fut admise, sa cote ne cessa d’augmenter. Les garçons l’admiraient ; et lorsqu’elle battit Barod, le chef, en combat singulier à l’épée, ils se mirent carrément à l’idolâtrer et l’élirent chef de la bande.

Licia TROISI, Chroniques du monde émergé

Livre I. Nihal de la Terre du Vent

Pocket Jeunesse

443 pages – 19 €

Titre original : Cronache del Mondo Emerso – Paru en 2004 – Traduit en français en 2008

La suite : Livre II. La mission de Sennar ; Livre III. Le Talisman du pouvoir

Lire un extrait : http://widget.yodawork.com/book/viewer2.aspx?largeur=865&...

L’auteur : Licia vit et travaille à Rome où elle est astrophysicienne. Elle écrit des histoires depuis qu’elle est toute petite et ces Chroniques du Monde émergé, une trilogie de fantasy, sont ses premiers romans publiés en Italie et traduits en français.

Blog de l’auteur (en italien) : http://www.liciatroisi.it

19/11/2010

Un Endroit où se cacher (J. C. OATES)

un-endroit-ou-se-cacher-10.jpg« Suis allée quelque part et, à mon retour, maman n’était plus là. »

Jenna est l’unique rescapée d’un accident de voiture qui a vu périr sa mère. Lorsqu’elle revient à elle, baignant « dans le bleu » de l’inconscience médicamenteuse, elle est en miettes, physiquement et moralement. Sa famille éclatée se presse autour d’elle et, déjà, elle exprime ce qu’elle veut : ne pas partir vivre avec son père, parti refaire sa vie en Californie et qui les a tant fait souffert, sa mère et elle. C’est donc sa tante Caroline qui va l’accueillir dans sa famille. Changement de maison, de lycée, d’amis, de vie, tout est brutal pour Jenna qui ne parvient pas à s’adapter. Sans compter la douleur, physique et morale, et les calmants auxquels elle n’a bientôt plus droit…

Joyce Carol OATES a réussi avec cet Endroit où se cacher à se glisser dans la peau d’une adolescente meurtrie qui ne parvient pas à saisir les mains qui se tendent. A la fois entourée et très seule, son héroïne se débat entre la tentation du vide et la lucidité qui fait qu’elle se voit agir mais ne peut s’empêcher de se laisser glisser sur la pente dangereuse.

L’écriture est hachée, mêlant monologue intérieur et narration plus classique, mais cependant jamais le lecteur n’est perdu car un fil invisible sous-tend l’ensemble.  Et c’est de cette tension entre le désir de retour vers « le bleu », cet état d’origine, celui où elle retrouverait sa mère, et l’appel de la vie, avec l’amour des siens, qu’elle perçoit ne peut accepter, que naît tout l’intérêt de l’histoire. Roman subtil, difficile parfois, c’est un très beau témoignage du travail de deuil et de résilience.

Ne me parlez pas ne me touchez pas !

Je m’efforce de me rappeler que je l’aime, ma « nouvelle » famille.

Ma tante Caroline et mon oncle, Dwight McCarty. Mes petits cousins Becky et Mikey.

Et ma nouvelle chambre, la chambre d’amis du premier étage, où j’avais coutume de dormir quand maman et moi venions rendre visite aux McCarty. Soudain, alors que je commence à défaire mes bagages et à pendre mes affaires dans le placard, je réalise que la dernière fois que je me suis trouvée dans cette même chambre à défaire ma valise, en août il y a un an de ça, maman était tout près… En train de défaire ses bagages dans sa chambre à elle, peut-être, ou en bas, avec tante Caroline. J’ai reformulé mon souhait, rouge de colère : je veux qu’on me rende ces moments-là !

Le temps présent, je le déteste. Je tremble et j’ai la nausée.

Joyce Carol OATES, Un Endroit où aller.

Wiz – Albin Michel

300 pages – 13,50 €

Titre original : After the Wreck, I picked myself up, spread my wings and flew away – Paru en 2006 – Traduit en français en 2010

L’auteur : Auteur de nombreux best-sellers, Joyce Carol OATES a commencé à écrire à quatorze ans. Elle a publié des romans, des essais, des nouvelles et de la poésie. Son roman  Blonde, inspiré de la vie de Marylin Monroe, a connu un immense succès. Joyce Carol Oates enseigne également la littérature à l'université de Princeton.

Site internet : http://www.harpercollins.com/author/microsite/about.aspx?authorid=7275

05/09/2010

La vérité sur Marylou (M. SACHS)

La vérité sur Marylou.jpg« Si on jouait à Stanley et Marylou ? ai-je proposé à ma cousine Pam.»

Marylou doit son prénom à la sœur de sa mère, décédée à douze ans en sauvant tout les occupants de son immeuble et notamment son petit frère de six ans. Depuis, c’est l’héroïne de la famille et sa mère (la grand-mère de la narratrice) l’idolâtre. Lourd héritage pour la deuxième Marylou, fillette sans histoire aux yeux de tous, mais à la personnalité complexe et, surtout, pleine d’interrogations sur elle-même.

A travers sa narration à la fois innocente et retorse, elle décrit la vie d’une famille américaine « type », où la grand-mère a du mal à imaginer qu’elle a un gendre portoricain, une belle-fille qui ne correspond pas à ses attentes, et où tout le monde joue le jeu des apparences.

Écrit au début des années soixante-dix, La vérité sur Marylou dépeint avec finesse cet état d’enfance où l’on se « fabrique des histoires ». Sauf que les histoires que la narratrice construit prennent racine dans la légende familiale et que cette dernière n’est pas si idéale.

Le ton volontairement juvénile adoptée par l’auteur lui permet de brosser un tableau acide, presque cruel, d’une certaine réalité et le roman prend alors une certaine amertume, celle d’une vérité qui se dessine et qui est loin d’être aussi jolie que dans les histoires…

Ma mère dit que Marylou et elle se ressemblaient, sauf que Marylou était plus petite, plus maigre et plus délicate. Ma mère est grande et mince. Elle a des yeux bleus et des cheveux qui, selon elle, étaient blonds autrefois. Elle dit que je ne ressemble pas du tout à Marylou puisque je suis brune comme mon père, que je suis grande et musclée et que j’ai une santé de fer.

Pourtant, j’ai toujours pensé savoir à quoi ressemblait Marylou. Il y a un portrait de Jeanne d’Arc dans l’un des livres d’art de mon père. Elle prie, une lueur éclaire son visage. Elle est très belle. Je pense que Marylou devait ressembler à ça. J’ai montré cette reproduction à ma mère un jour, et elle m’a dit que non, Marylou ne ressemblait absolument pas à Jeanne d’Arc. Mais ça fait trente ans que Marylou est morte et je pense que ma mère a dû oublier.

Marilyn SACHS, La Vérité sur Marylou.

Mijade – Zone J

222 pages – 7 €

                               Titre original : The Truth about Mary Rose  – Paru en 1973 – Traduit en français en 2009

L’auteur : Marilyn Sachs est née à New York en 1927. Diplômée en sciences bibliothéconomiques‚ elle s’est occupée pendant une dizaine d’années de la section jeunesse de la bibliothèque municipale de Brooklyn‚ avant d’occuper les mêmes fonctions à San Francisco‚ où elle vit en compagnie de son mari. Elle se consacre désormais à son métier d’écrivain. Auteur de livres principalement dédiés à la jeunesse‚ elle rencontre un grand succès et ses ouvrages sont traduits en français‚ espagnol‚ japonais‚ allemand‚ anglais‚ suédois‚ finlandais…

Site : http://www.marilynsachs.com (en anglais)

13/08/2010

Ne plus vivre avec lui (E. KAVIAN)

Ne plus vivre avec lui.jpg« Tu dirais quoi, si je te demandais de pouvoir vivre ici ? »

Parce qu’elle en a assez de cette garde alternée qu’elle subit depuis ses treize ans, parce qu’elle n’en peut plus d’être une semaine sur deux la baby-sitter attitrée de ses petites sœurs, celle qui nourrit tout le monde et fait tourner les machines à laver, Sylvia a décidé de vivre désormais chez sa mère à plein temps. Et parce qu’il a accepté avant de décéder peu après, Sylvia se reproche sa décision…

Le roman d’Eva KAVIAN restitue admirablement le bouleversement que représente le décès d’un proche : chagrin, culpabilité, incompréhension et impossibilité à imaginer la  vie sans lui. Toute la subtilité de Ne plus vivre avec lui réside dans son ambivalence : Sylvia ne pare pas son père de toutes les qualités, ainsi  qu’a l’habitude de le faire l’amnésique mémoire des vivants, au contraire, elle cherche tous les moyens d’atténuer son chagrin en empilant les reproches. Mais cela ne marche pas. Car en creusant toujours plus loin dans sa douleur, elle va faire émerger un « autre » père, un homme, tout simplement, avec ses défauts, ses faiblesses, ses angoisses et… ses qualités.

Histoire d’une reconstruction, l’héroïne va « faire son deuil » durant les presque deux cents pages du roman. Livre-fouillis au début, qui semble compresser les mots après les avoir fait sortir par saccades, puis qui va progressivement trouver sa voie, comme Sylvia va trouver les signes qui vont l’aider à continuer. Paradoxalement, c’est en se plongeant dans les rites funéraires en Asie, dernier livre lu par son père, que la jeune fille va retrouver le goût de vivre, en paix avec le souvenir des défunts. C’est le texte écrit qui va la guider sur le chemin de la renaissance.

Dur, sensible, avec des mots qui sonnent justes sans pleurnicherie,  ce roman ne pourra que toucher les grands adolescents (à partir de quinze ans), qu’ils aient ou non connu pareille épreuve initiatique pour entrer dans l’âge adulte.

J’ai envie de crier c’était mon père et vous me l’avez volé ! Vous avez sucé sa force, son temps, son énergie, mais vous avez oublié qu’il avait une famille ! Ça ne vous pas traversé l’esprit, ça ? Faites le calcul et dites-moi qui, selon vous, va payer l’addition, pour tout ce que le saint homme des bois vous a apporté ? Savez-vous que je faisais tourner une lessive pendant qu’il réparait votre clôture, savez-vous que pendant qu’il donnait des cours particuliers à vos enfants je devais faire mes devoirs toute seule ? Savez-vous qu’il avait tout prévu pour son décès, mais qu’il n’était pas foutu de remplir le frigo quand nous arrivions chez lui pour une semaine ? Mon Dieu, Papa, d’où me vient toute cette rage ? Je ne pourrais pas pleurer, comme tout le monde ?

Eva KAVIAN, Ne plus vivre avec lui.

Mijade

192 pages – 8 €

Paru en 2009

L’auteur : Née en 1964 en Belgique, Eva Kavian anime des ateliers d'écriture depuis 1985.

Après quelques années de travail en hôpital psychiatrique, une formation psychanalytique et une formation à l'animation d'ateliers d'écriture, elle a fondé l'association Aganippé, au sein de laquelle elle anime des ateliers d'écriture, des formations pour animateurs, et organise des rencontres littéraires.

Elle a reçu en 2004 le prix Horlait-Dapsens, décerné par l'Académie des Lettres pour son travail dans le secteur des ateliers d'écriture.

Complément : une fiche d’exploitation pédagogique de Ne plus vivre avec lui, est disponible sur le site du Prix des Lycéens allemands : http://www.institut-francais.fr/prixdeslyceens/spip.php?rubrique2

15:04 Publié dans Vie quotidienne | Lien permanent | Tags : mijade, adolescence, mort, deuil, kavian, renaissance | |  Facebook | | |