11/06/2011
Coeur cerise (C. CASSIDY)
« Il y a des choses qui vont me manquer, quand j’aurai quitté la Clyde Academy… comme les macaronis au fromage, les frites, le pudding au sirop et à la crème anglaise, ou contempler la nuque de Ryan Clegg en cours de dessin."
Depuis l’âge de quatre ans, Cherry vit seule avec son père à Glasgow, dans leur petit appartement. Mais voilà que tout va changer en cette fin d’année scolaire : Paddy a retrouvé une ancienne amie et lui et sa fille partent s’installer chez elle, dans le sud de l’Angleterre où elle possède une vaste bâtisse qu’elle a transformé en bed and breakfast. Là, Cherry va faire la connaissance de ses futures demi-sœurs, Coco, la benjamine, les jumelles Skye et Summer et surtout Honey, de quelques mois plus âgée qu’elle, qui n’a jamais accepté le divorce de ses parents et refuse de faire bonne figure aux nouveaux venus…
Cœur cerise est le premier volume d’une série, les Filles au chocolat, qui devrait en compter cinq. Dans celui-ci, on découvre la narratrice, Cherry Costello, adolescente rêveuse qui a tendance à se réfugier dans l’imaginaire pour pallier une réalité qui est loin de lui être favorable. Jamais intégrée dans aucun groupe, maladroite, un peu menteuse, elle va essayer de trouver sa place dans la nouvelle famille que son père et Charlotte veulent recomposer. Le problème, c’est qu’elle est attirée par Shay, le petit copain d’Honey. Et que c’est réciproque.
A première vue, qu’il s’agisse de la quatrième de couverture ou de la couverture elle même, tout sent le roman girly à souhait. Ce qu’il est. Mais il est cependant un peu plus profond qu’il n’en a l’air, abordant la question des relations familiales dans un sens large, du décès d’un proche à la difficulté de s’intégrer au sein d’une fratrie déjà constituée lorsqu’on est une enfant unique et solitaire par la force des choses. De surcroît, Cœur cerise a le mérite de poser également le problème des relations amoureuses lorsqu’on se trouve être des filles du même âge et, donc, en rivalité…
Les personnages adolescents sont attachants, même si l’accent dans ce volume est davantage mis sur les quatre aînées, au détriment de la plus jeune et des adultes, un peu effacés, malgré la création de leur entreprise chocolatière qui va constituer un des éléments de l’action. Le ton est un peu naïf, mais les situations s’enchaînent sans discontinuer et le tout est tout à fait plaisant à découvrir.
Effectivement, je revois très bien le visage fatigué et soucieux de Charlotte qui nous faisait signe de sortir, le téléphone à la main.
- C’est pour ça que Honey est sur les nerfs. Il n’y a vraiment qu’elle pour ne pas se rendre compte que papa est nul…
- Ah, d’accord. Je suis désolée…
- Pas la peine, répond Skye en haussant les épaules. Il n’a jamais vraiment assuré, comme père. Il fait de son mieux, mais je crois qu’il est trop égoïste, au fond. Et il était odieux avec maman. Il n’est jamais revenu nous voir. Une fois, il devait venir passer le week-end avec nous, quand maman était à Glasgow avec Paddy et toi, mais il a annulé au dernier moment et c’est une copine de maman qui a dû nous garder.
J’ouvre et referme la bouche sans réussir à dire un mot.
- Tu vois, quand tu disais le premier jour que était parfait ici, bah pas vraiment. Honey est en colère contre tout le monde. Par moments, on a l’impression de vivre avec une tornade. Et on dirait que maman a peur de lui dire quoique ce soit. Maintenant que vous êtes là, Paddy et toi, il va bien falloir que ça change.
Cathy CASSIDY, Coeur cerise.
Nathan
300 pages – 13,90 €
Titre original : Cherry Crush – Paru en 2010 – Traduit en français en 2011
L’auteur : Cathy CASSIDY a écrit son premier livre à l’âge de huit ou neuf ans, pour son petit frère, et elle ne s’est pas arrêtée depuis.
Elle a souvent entendu dire que le mieux, c’est d’écrire sur ce qu’on aime. Comme il n’y a pas grand-chose qu’elle aime plus que le chocolat… ce sujet lui a longtemps trotté en tête. Puis, quand une amie lui a parlé de sa mère qui avait travaillé dans une fabrique de chocolat, l’idée de la série « les Filles au chocolat » est née !
Cathy vit en Ecosse avec sa famille. Elle a exercé beaucoup de métiers, mais celui d’écrivain est de loin son préféré, car c’est le seul qui lui donne une bonne excuse pour rêver !
Site de l’auteur (en anglais) : http://www.cathycassidy.com
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19/11/2010
Un Endroit où se cacher (J. C. OATES)
« Suis allée quelque part et, à mon retour, maman n’était plus là. »
Jenna est l’unique rescapée d’un accident de voiture qui a vu périr sa mère. Lorsqu’elle revient à elle, baignant « dans le bleu » de l’inconscience médicamenteuse, elle est en miettes, physiquement et moralement. Sa famille éclatée se presse autour d’elle et, déjà, elle exprime ce qu’elle veut : ne pas partir vivre avec son père, parti refaire sa vie en Californie et qui les a tant fait souffert, sa mère et elle. C’est donc sa tante Caroline qui va l’accueillir dans sa famille. Changement de maison, de lycée, d’amis, de vie, tout est brutal pour Jenna qui ne parvient pas à s’adapter. Sans compter la douleur, physique et morale, et les calmants auxquels elle n’a bientôt plus droit…
Joyce Carol OATES a réussi avec cet Endroit où se cacher à se glisser dans la peau d’une adolescente meurtrie qui ne parvient pas à saisir les mains qui se tendent. A la fois entourée et très seule, son héroïne se débat entre la tentation du vide et la lucidité qui fait qu’elle se voit agir mais ne peut s’empêcher de se laisser glisser sur la pente dangereuse.
L’écriture est hachée, mêlant monologue intérieur et narration plus classique, mais cependant jamais le lecteur n’est perdu car un fil invisible sous-tend l’ensemble. Et c’est de cette tension entre le désir de retour vers « le bleu », cet état d’origine, celui où elle retrouverait sa mère, et l’appel de la vie, avec l’amour des siens, qu’elle perçoit ne peut accepter, que naît tout l’intérêt de l’histoire. Roman subtil, difficile parfois, c’est un très beau témoignage du travail de deuil et de résilience.
Ne me parlez pas ne me touchez pas !
Je m’efforce de me rappeler que je l’aime, ma « nouvelle » famille.
Ma tante Caroline et mon oncle, Dwight McCarty. Mes petits cousins Becky et Mikey.
Et ma nouvelle chambre, la chambre d’amis du premier étage, où j’avais coutume de dormir quand maman et moi venions rendre visite aux McCarty. Soudain, alors que je commence à défaire mes bagages et à pendre mes affaires dans le placard, je réalise que la dernière fois que je me suis trouvée dans cette même chambre à défaire ma valise, en août il y a un an de ça, maman était tout près… En train de défaire ses bagages dans sa chambre à elle, peut-être, ou en bas, avec tante Caroline. J’ai reformulé mon souhait, rouge de colère : je veux qu’on me rende ces moments-là !
Le temps présent, je le déteste. Je tremble et j’ai la nausée.
Joyce Carol OATES, Un Endroit où aller.
Wiz – Albin Michel
300 pages – 13,50 €
Titre original : After the Wreck, I picked myself up, spread my wings and flew away – Paru en 2006 – Traduit en français en 2010
L’auteur : Auteur de nombreux best-sellers, Joyce Carol OATES a commencé à écrire à quatorze ans. Elle a publié des romans, des essais, des nouvelles et de la poésie. Son roman Blonde, inspiré de la vie de Marylin Monroe, a connu un immense succès. Joyce Carol Oates enseigne également la littérature à l'université de Princeton.
Site internet : http://www.harpercollins.com/author/microsite/about.aspx?authorid=7275
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05/09/2010
La vérité sur Marylou (M. SACHS)
« Si on jouait à Stanley et Marylou ? ai-je proposé à ma cousine Pam.»
Marylou doit son prénom à la sœur de sa mère, décédée à douze ans en sauvant tout les occupants de son immeuble et notamment son petit frère de six ans. Depuis, c’est l’héroïne de la famille et sa mère (la grand-mère de la narratrice) l’idolâtre. Lourd héritage pour la deuxième Marylou, fillette sans histoire aux yeux de tous, mais à la personnalité complexe et, surtout, pleine d’interrogations sur elle-même.
A travers sa narration à la fois innocente et retorse, elle décrit la vie d’une famille américaine « type », où la grand-mère a du mal à imaginer qu’elle a un gendre portoricain, une belle-fille qui ne correspond pas à ses attentes, et où tout le monde joue le jeu des apparences.
Écrit au début des années soixante-dix, La vérité sur Marylou dépeint avec finesse cet état d’enfance où l’on se « fabrique des histoires ». Sauf que les histoires que la narratrice construit prennent racine dans la légende familiale et que cette dernière n’est pas si idéale.
Le ton volontairement juvénile adoptée par l’auteur lui permet de brosser un tableau acide, presque cruel, d’une certaine réalité et le roman prend alors une certaine amertume, celle d’une vérité qui se dessine et qui est loin d’être aussi jolie que dans les histoires…
Ma mère dit que Marylou et elle se ressemblaient, sauf que Marylou était plus petite, plus maigre et plus délicate. Ma mère est grande et mince. Elle a des yeux bleus et des cheveux qui, selon elle, étaient blonds autrefois. Elle dit que je ne ressemble pas du tout à Marylou puisque je suis brune comme mon père, que je suis grande et musclée et que j’ai une santé de fer.
Pourtant, j’ai toujours pensé savoir à quoi ressemblait Marylou. Il y a un portrait de Jeanne d’Arc dans l’un des livres d’art de mon père. Elle prie, une lueur éclaire son visage. Elle est très belle. Je pense que Marylou devait ressembler à ça. J’ai montré cette reproduction à ma mère un jour, et elle m’a dit que non, Marylou ne ressemblait absolument pas à Jeanne d’Arc. Mais ça fait trente ans que Marylou est morte et je pense que ma mère a dû oublier.
Marilyn SACHS, La Vérité sur Marylou.
Mijade – Zone J
222 pages – 7 €
Titre original : The Truth about Mary Rose – Paru en 1973 – Traduit en français en 2009
L’auteur : Marilyn Sachs est née à New York en 1927. Diplômée en sciences bibliothéconomiques‚ elle s’est occupée pendant une dizaine d’années de la section jeunesse de la bibliothèque municipale de Brooklyn‚ avant d’occuper les mêmes fonctions à San Francisco‚ où elle vit en compagnie de son mari. Elle se consacre désormais à son métier d’écrivain. Auteur de livres principalement dédiés à la jeunesse‚ elle rencontre un grand succès et ses ouvrages sont traduits en français‚ espagnol‚ japonais‚ allemand‚ anglais‚ suédois‚ finlandais…
Site : http://www.marilynsachs.com (en anglais)
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13/08/2010
Ne plus vivre avec lui (E. KAVIAN)
« Tu dirais quoi, si je te demandais de pouvoir vivre ici ? »
Parce qu’elle en a assez de cette garde alternée qu’elle subit depuis ses treize ans, parce qu’elle n’en peut plus d’être une semaine sur deux la baby-sitter attitrée de ses petites sœurs, celle qui nourrit tout le monde et fait tourner les machines à laver, Sylvia a décidé de vivre désormais chez sa mère à plein temps. Et parce qu’il a accepté avant de décéder peu après, Sylvia se reproche sa décision…
Le roman d’Eva KAVIAN restitue admirablement le bouleversement que représente le décès d’un proche : chagrin, culpabilité, incompréhension et impossibilité à imaginer la vie sans lui. Toute la subtilité de Ne plus vivre avec lui réside dans son ambivalence : Sylvia ne pare pas son père de toutes les qualités, ainsi qu’a l’habitude de le faire l’amnésique mémoire des vivants, au contraire, elle cherche tous les moyens d’atténuer son chagrin en empilant les reproches. Mais cela ne marche pas. Car en creusant toujours plus loin dans sa douleur, elle va faire émerger un « autre » père, un homme, tout simplement, avec ses défauts, ses faiblesses, ses angoisses et… ses qualités.
Histoire d’une reconstruction, l’héroïne va « faire son deuil » durant les presque deux cents pages du roman. Livre-fouillis au début, qui semble compresser les mots après les avoir fait sortir par saccades, puis qui va progressivement trouver sa voie, comme Sylvia va trouver les signes qui vont l’aider à continuer. Paradoxalement, c’est en se plongeant dans les rites funéraires en Asie, dernier livre lu par son père, que la jeune fille va retrouver le goût de vivre, en paix avec le souvenir des défunts. C’est le texte écrit qui va la guider sur le chemin de la renaissance.
Dur, sensible, avec des mots qui sonnent justes sans pleurnicherie, ce roman ne pourra que toucher les grands adolescents (à partir de quinze ans), qu’ils aient ou non connu pareille épreuve initiatique pour entrer dans l’âge adulte.
J’ai envie de crier c’était mon père et vous me l’avez volé ! Vous avez sucé sa force, son temps, son énergie, mais vous avez oublié qu’il avait une famille ! Ça ne vous pas traversé l’esprit, ça ? Faites le calcul et dites-moi qui, selon vous, va payer l’addition, pour tout ce que le saint homme des bois vous a apporté ? Savez-vous que je faisais tourner une lessive pendant qu’il réparait votre clôture, savez-vous que pendant qu’il donnait des cours particuliers à vos enfants je devais faire mes devoirs toute seule ? Savez-vous qu’il avait tout prévu pour son décès, mais qu’il n’était pas foutu de remplir le frigo quand nous arrivions chez lui pour une semaine ? Mon Dieu, Papa, d’où me vient toute cette rage ? Je ne pourrais pas pleurer, comme tout le monde ?
Eva KAVIAN, Ne plus vivre avec lui.
Mijade
192 pages – 8 €
Paru en 2009
L’auteur : Née en 1964 en Belgique, Eva Kavian anime des ateliers d'écriture depuis 1985.
Après quelques années de travail en hôpital psychiatrique, une formation psychanalytique et une formation à l'animation d'ateliers d'écriture, elle a fondé l'association Aganippé, au sein de laquelle elle anime des ateliers d'écriture, des formations pour animateurs, et organise des rencontres littéraires.
Elle a reçu en 2004 le prix Horlait-Dapsens, décerné par l'Académie des Lettres pour son travail dans le secteur des ateliers d'écriture.
Complément : une fiche d’exploitation pédagogique de Ne plus vivre avec lui, est disponible sur le site du Prix des Lycéens allemands : http://www.institut-francais.fr/prixdeslyceens/spip.php?rubrique2
15:04 Publié dans Vie quotidienne | Lien permanent | Tags : mijade, adolescence, mort, deuil, kavian, renaissance | | Facebook | |