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11/03/2012

Brise-glace (J-P. BLONDEL)

Friedrich.jpg« Je regarde par la fenêtre la pluie qui s’abat sur la cour du lycée. »

Solitaire, secret, renfermé, Aurélien tente d’être le plus transparent possible dans sa classe. Tout le contraire de Thibaud, « avec un d », le populaire, le champion des amis sur Facebook, le bienveillant aussi. Car Thibaud s’est donné une mission : être le brise-glace d’Aurélien et le faire sortir de sa léthargie volontaire. Pour cela, il va le faire entrer dans son monde, un monde inattendu…

A son habitude, Jean-Philippe BLONDEL propose un personnage d’adolescent prisonnier de lui-même et du regard des autres. A la différence que, cette fois-ci, son héros a réellement vécu une expérience traumatisante et que Brise-Glace va être le récit d’une résilience. A travers une histoire d’apprivoisement progressif, les deux garçons vont se découvrir et partager une passion pour un mode d’expression contemporain : le slam. C’est par le slam qu’Aurélien va enfin briser sa glace et laisser fondre ses digues.

Mais Brise-Glace n’est pas pour autant un roman où la musique est omniprésente, c’est bien plutôt une ode à l’écriture, « c’est en écrivant que je me reconstitue », à l’amitié, à la maladresse aussi car, en voulant aider, on blesse parfois, et à l’égoïsme aussi, dans le sens salutaire du mot : se retrouver soi pour mieux aller vers l’autre. Le style est fluide, presque limpide, et l’écriture coule de source, comme cette vie retrouvée.

Je ferme les yeux, mais je sens sa présence. A l’intérieur de moi, c’est un festival de sentiments contradictoires. De l’inquiétude, de la fierté, de la rage, de la gratitude. C’est comme ça, les yeux fermés sur le lit de l’infirmerie, que je tente d’expliquer, à voix basse. D’expliquer que je me sens comme ce mec, en haut de la montagne, depuis quelques temps ; je ne veux pas regarder en arrière, mais devant, ça m’effraie aussi, alors je reste là, tout au bord du précipice, je joue avec l’idée de me jeter dans le vide et de trouer les nuages, mais je ne le fais pas parce qu’il y a une partie de moi qui a vraiment envie de vivre, de vivre des trucs extraordinaires, de vivre à pleins poumons, simplement, je ne sais pas comment faire.

Jean-Philippe BLONDEL, Brise-glace.

Acte Sud Junior

110 pages – 10 €

Paru en 2011

L’auteur : Jean-Philippe BLONDEL est né à Troyes, en 1964. Il est marié, a deux enfants et enseigne l’anglais dans un lycée de province depuis bientôt vingt ans. Il a aussi un vice – il aime lire. Pire encore, il aime aussi écrire. Il a publié de nombreux romans.

Un dossier sur l'auteur à télécharger.

10/03/2012

Le Carnet rouge (A. HEURTIER)

« Une sonnerie me vrille les tympans. »

Marie a seize ans. Elle vit dans la banlieue lilloise avec sa mère, Anne, qui travaille de nuit à l’hôpital. Leurs rapports n’ont pas toujours été faciles. Mère célibataire, Anne a toujours refusé sur sa famille et ses origines népalaises et c’est seule et malgré elle que Marie a tenté de se trouver une identité. Mais un jour, un mystérieux vieil homme va faire irruption dans sa vie et la bouleverser…

A travers un roman qui présente toutes les caractéristiques, à première vue, du roman pour adolescentes : une héroïne rebelle, amoureuse d’un bellâtre qui ne la voit pas tandis qu’elle s’épanche avec son meilleur ami, en conflit avec ses parents, Annelise HEURTIER a réussi un roman tout en chausse-trappe, qui nous fait voyager du nord de la France à Katmandou. En découvrant ce qu’elle a toujours rêvé de savoir, Marie va découvrir aussi ce qu’elle n’imaginait absolument et qui va bouleverser son petit univers douillet et bien rangé.

Le Carnet rouge est un roman qui dévoile un aspect des traditions népalaises tout à fait dérangeant pour nous, celui des Kumaris, ces petites filles choisies à trois ans et enlevées à leur famille afin d’incarner la déesse, traitées comme telle, puis abandonnée brutalement à l’apparition de leurs premières règles. « A la première goutte de sang versé, la déesse m’avait abandonnée pour s’incarner dans une autre petite fille qu’on adulerait à ma place ». Livrées à elles même, incapables de se prendre en charge, ce sont souvent des destinées tragiques. Et c’est ce que raconte ce roman, à travers deux voix, celle de Marie, l’adolescente d’aujourd’hui, et celle de Sajani, la narratrice du cahier rouge.

Cette alternance permet d’adhérer complètement au récit, de découvrir des coutumes et une civilisation inconnue – merci au lexique – et de suivre l’évolution de la jeune fille qui doit apprendre à vivre avec une réalité qui n’est pas celle qu’elle aurait souhaitée.

Vif, curieux, parfois insolent voire dérangeant, ce Carnet rouge est une lecture enrichissante à de nombreux points de vue.

- Pourquoi maintenant ? Pendant seize ans, je ne vous intéresse pas et puis, un matin, vous vous levez en vous disant : « Tiens, après les courses au supermarché, si on débarquait dans la vie de notre petite-fille ? » Et d’abord, comment saviez-vous que j’existais ?

- On ne savait pas, on espérait.

Il me tend un petit carnet rouge, recouvert de papier lokta.

- Prends. C’est pour toi.

Ses yeux se voilent. Je le regarde sans comprendre.

- Sajani est morte il y a quelques mois. Un cancer. Elle pensait que si elle avait des petits-enfants, ils voudraient peut-être en savoir plus sur leurs origines. Elle caressait l’idée de rester vivante dans la tête de quelqu’un d’autre. Comme… comme dans une vraie famille.

J’ouvre le cahier. Sur la première page, deux petites phrases écrites en lettres régulières sur du papier brun.

Je suis Sajany Shakya, douzième Kumari royale de Katmandou. Et, quoi qu’il se passe, je le resterai toute ma vie.

Annelise HEURTIER, Le Carnet rouge.

Feeling - Casterman

192 pages – 12€

Paru en 2011

L’auteur : Annelise HEURTIER est l’auteure d’une dizaine d’ouvrages pour la jeunesse dont Le Carnet rouge et La Fille aux cheveux d’encre, chez Casterman.

Blog de l'auteur : http://histoiresdelison.blogspot.com

06/03/2012

L'Enlèvement de Perséphone (H. MONTARDRE)

« Perséphone lève la tête et respire avec délice. »

La fille de Déméter, déesse de la moisson, a été enlevée. Perséphone a été choisie par Hadès, dieu des Enfers, pour devenir sa femme, avec la bénédiction de Zeus. Furieuse, Déméter va alors  à négliger son travail et les hommes vont se retrouver plongés dans l'hiver. Les négociations avec Hadès vont de voir commencer...

La collection « Petites Histoires de la mythologie » permet d’aborder les grands mythes de la mythologie, à travers de courts récits, facilement accessibles. Ici, c’est l’histoire de Déméter et sa fille qui est relatée en sept chapitres, complétée par un petit dossier documentaire.

Le style est clair, les personnages bien campés, L’Enlèvement de Perséphone constitue une bonne entrée en matière sur les textes fondateurs pour les petits lecteurs – ou les passionnés de mythologie !

-    Tu étais au courant ! s’exclame Déméter. Et tu ne m’as rien dit ! Vous êtes biens tous pareils… Un beau parti. Comment peux-tu proférer des âneries pareilles ? Que veux-tu que ça me fasse ? Je me fiche de toutes ces filles qui, selon toi, seraient heureuses de partager la vie d’Hadès ! Je veux ma fille, Perséphone !

-    C’est trop tard, tranche Zeus qui a retrouvé ses esprits. Perséphone est aux enfers, elle va devenir l’épouse d’Hadès, et tu ne la reverras pas !
-    Et pourquoi ça ?

-    Parce que j’en ai décidé ainsi ! tonne Zeus.
Déméter lui lance un regard aigu.

-    Comme tu veux, dit-elle d’une voix soudain très calme. Dans ce cas, moi non plus, tu ne me reverras pas. Tant que Perséphone ne m’aura pas été rendue, je ne veux plus rien avoir à faire avec aucun d’entre vous, dieux et déesses de l’Olympe !

Hélène MONTARDRE, L’Enlèvement de Perséphone.

Petites Histoires de la mythologie - Nathan

65 pages – 4,95€

Paru en 2011

L’auteur : Née à Montreuil en 1954, ses racines se trouvent dans les monts du Forez. Petite, quand on demandait à Hélène MONTARDRE ce qu’elle voudrait faire plus tard, elle répondait : écrire, voyager, avoir des enfants. Cela ne correspondait à aucun métier précis… Alors j’en ai exercé plusieurs…

18:44 Publié dans Mythologie | Lien permanent | Tags : nathan, montardre, perséphone, enfers, déméter | |  Facebook | | |

03/03/2012

Ce qu'ils n'ont pas pu nous prendre (R. SEPETYS)

« Ils m’ont arrêtée en chemise de nuit. »

Le 14 Juin 1941 débutèrent les premières déportations des habitants des « Etats baltes », jugés anti-soviétiques par Staline et condamnés à être réduits en esclavage. Ce soir-là, alors qu’elle s’apprête à aller se coucher, Lina est arrêtée avec sa mère et son petit frère de dix ans. Elle a quatorze ans. Elle ne rentrera de Sibérie qu’en 1954…

Entassés dans un camion le temps d’arrêter « tous ceux qui sont sur la liste », puis dans un wagon de train, le groupe composé de femmes seules ou séparées de leur mari dans un autre convoi, d’enfants et de vieillards va d’abord traverser l’Oural jusqu’à un premier camp de travail, dans l’Altaï, avant de finir leur voyage, quatre-cent-quarante jours plus tard, en Sibérie. Traités comme des esclaves, affamés, souffrant de malnutrition et de manque de soins, ils vont tout endurer, l’instinct de vie chevillé au corps. C’est une enfance massacrée, celle de Jonas, le petit frère, devenu grand trop tôt par la force des choses, c’est une adolescence brisée, celle de l’héroïne, Lina, qui devait faire sa rentrée dans une grande école artistique,  c’est, enfin, une famille écartelée où la force de l’amour tente chaque jour de préserver l’essentiel : être ensemble.

Le roman de Ruta SEPETYS est un magnifique roman, aussi brûlant que sont glaciales les steppes sibériennes, où la violence, l’injustice et le Mal sont omniprésents, mais où l’humanité est partout. On suit les aventures de Lina, qui ne lâche jamais, opiniâtre et obstinée jusqu’au bout, la gorge serrée et les larmes aux yeux. Ce qu’ils n’ont pas pu nous prendre met l’accent sur un aspect méconnu de la dictature stalinienne : l’extermination des peuples baltes. Lituanie, Lettonie et Estonie ont perdu plus du tiers de leur population pendant le génocide soviétique et certains, lorsqu’ils rentrèrent chez eux, trouvèrent des Soviétiques installés, s’étant même parfois emparés jusqu’à leur nom !

A la frontière entre la littérature « adulte » et la littérature de jeunesse, Ce qu’ils n’ont pas pu nous prendre est un roman brutal souvent, presque aride, mais emporté par la voix de sa narratrice Lina, qui sait s’emparer du moindre morceau d’écorce pour dessiner et dessiner encore, à la manière de son artiste favori, Munch, laissant autant de cris derrière elle. Et c’est sans doute une des grandes leçons de ce roman poignant : l’art et l’humain tenteront toujours de s’élever contre la violence et la brutalité. « Mon mari, Andrius, dit que le mal gouvernera le monde jusqu’à ce que les hommes et les femmes de bonne volonté se décident à agir. Je le crois. Ce témoignage a été écrit pour laisser une trace ineffaçable et tenter l’impossible : parler dans un monde où nos voix ont été éteintes. »

Récit de la déportation d’un peuple, Ce qu’ils n’ont pas pu nous prendre est surtout un récit universel, le récit de tous les peuples bafoués dans leurs droits d’êtres humains, quelle que soit leur nationalité, leur culture ou leur religion. En donnant la parole à une jeune fille, en brossant des portraits aussi variés que la petite fille que l’on a privé de  sa poupée et frappée parce qu’elle pleurait trop, ou celui de l’ancienne institutrice qui se morfond de ne pouvoir enseigner à des enfants dans la désespérance, Ruta SEPETYS a réussi un roman superbe, dont l’écho résonne longtemps la dernière page tournée.

Mère sort une liasse de roubles de sa poche et la montre discrètement à l’officier qui tend le bras pour la prendre. Après quoi, il dit quelque chose à Mère, ponctuant ses paroles de petits mouvements de tête. Je vois maintenant la main de Mère voltiger pour arracher le pendentif qu’elle porte à son cou et le déposer dans la main de l’officier. Il ne semble pas satisfait. Ce n’est que de l’ambre. Tout en continuant de lui parler en russe, Mère sort de la poche de son manteau une montre à gousset en or. Je connais bien cette montre. C’est celle de son père ; il y a même son nom gravé au dos. L’officier s’en empare d’un geste vif et lâche Jonas pour se mettre à crier après ceux qui se trouvent près de nous.

Vous êtes-vous jamais demandé ce que vaut une vie humaine ? Ce matin-là, mon petit frère ne valait pas plus qu’une montre à gousset.

Ruta SEPETYS, Ce qu’ils n’ont pas pu nous prendre

Scripto - Gallimard

430 pages – 14€

Titre original : Between Shades of Gray  – Paru en 2011– Traduit en Français en 2011

Feuilleter un extrait : http://www.edenlivres.fr/p/11280

L’auteur : Ruta SEPETYS est née dans le Michigan où elle a été élevée dans l'amour de la musique et des livres par une famille d'artistes. Elle étudie la finance internationale et vit quelque temps en Europe (Paris). Puis elle part pour Los Angeles afin de travailler dans l'industrie de la musique. Aujourd'hui mariée, elle vit dans le Tennessee, à Nashville, avec sa famille.

Site du livre : http://www.betweenshadesofgray.com

Interview de l’auteur :


Une rencontre avec Ruta Sepetys par GallimardJeunesse

22/02/2012

Au nom du Père, du Fils et de John Lennon (L. SCHAACK-G. HAMEL)

« Quand j’ai rencontré Cornelius Caine, je rentrais juste d’un concert dans la ville de High Wycombe, pas très loin de Londres. »

Celui qui prononce ces mots, c’est Chris, un des multiples narrateurs de cette histoire. Lui, c’est un mods, un prolo, dont la route va croiser un soir celle d’un gosse de riche, Cornelius Caine, un jeune aristocrate bègue et névrosé qui se morfond dans un collège huppé jusqu’à ce que sa grand-mère Théodora l’en extirpe. Elle va charger sa nièce Alice, une jeune londonienne mannequin à ses heures, de l’initier à ce « swinging London » qui débute. Cornélius va alors rencontrer les Beatles et notamment le plus imprévisible d’entre eux, John Lennon, avec qui il va nouer une drôle de relation…

« Roman Pop Sixties », tel est sous-titré cet étonnant Au nom du père, du fils et de John Lennon qui nous fait entrer, à la suite du jeune Cornelius Caine, dans l’univers des Beatles, de Bob Dylan et des Rolling Stones. C’est tout un pan de l’histoire de la musique qui défile sous nos yeux, mais avec personnages qui ne sont pas encore des légendes, seulement de jeunes adultes un peu trop vite poussés en graine.

Si la peinture de ce Londres de 1964-1965 est remarquablement bien restituée, on s’attache surtout au personnage de Cornélius, pauvre petit garçon riche, fils d’un soldat américain reparti retrouver sa famille en 1945) et qui ne cesse de se chercher. Affligé d’un handicap – il est bègue – trop grand, trop long, il va devenir photographe, guidé par sa passion de la musique rock. Autour de lui gravite une galerie de personnages représentative de l’époque, pauvres et riches mêlés, mannequins et garagistes, managers et musiciens ratés, qui chacun à leur tour prenne la parole pour donner leur version des faits.

Cela donne un sympathique roman, bien rythmé (c’est la moindre des choses), qui restitue la fraîcheur et la naïveté de cette époque, cette manière de croire que tout était possible et que le monde appartenait à ceux qui voulaient le changer.

Historique et musical, pop et « in », ce Au nom du père, du fils et de John Lennon est aussi instructif que divertissant.

Je ne sais pas si les gens s’en rendent vraiment compte, mais c’est une telle aubaine de pouvoir vivre sa jeunesse dans l’Angleterre de 1964 !

Il me suffit de regarder comment tous ces jeunes gens sont vêtus aujourd’hui. La métamorphose est flagrante lorsqu’on se promène dans Londres. Il y a quelques mois encore, les hommes d’affaires s’habillaient comme des hommes d’affaires, les ouvriers comme des ouvriers et les ménagères… eh bien, comme de vieilles ménagères ! Tout était bien rangé, étiqueté depuis des lustres. Les femmes étaient des femmes, et les hommes, des hommes. A présent, tout se mélange et se confond. Et je me régale… Cela fait tant d’années que je me bats pour que tombent les barrières qui séparent les sexes ! Les jeunes garçons se maquillent les yeux, les filles se coupent les cheveux. Plus vous avez l’air androgyne, plus vous êtes « in », comme dit cette génération… Les jeunes mods qui travaillent dans les usines sont plus élégants que les paris du Royaume. Les dactylos sont plus à la mode que les riches héritières.

Laurence SCHAACK – Goulven HAMEL, Au nom du Père, du Fils et de John Lennon.

Backstage -

240 pages – 10,50€

Paru en 2012

Feuilleter les premières pages : http://www.nathan.fr/feuilletage/?isbn=9782092528679

Les auteurs :

Laurence SCHAACK est auteure de romans adultes et jeunesse et de documentaires pour enfants. Elle a également été journaliste radio et de presse écrite pendant quinze ans.

Goulven HAMEL est musicien rock, journaliste pigiste, auteur de plusieurs romans. Il enseigne également l’histoire de la musique.