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05/10/2011

Divergent (V. ROTH)

« Chez moi, il y a un miroir. »

Beatrice vient d’avoir seize ans. Elle vit avec ses parents et son frère, Caleb. Pour eux deux, la Cérémonie du Choix approche. Dans cette société futuriste, divisée en cinq castes, on choisit d’appartenir aux Altruistes, aux Sincères, aux Érudits, aux Fraternels ou aux Sincères. Chacun s’habille en fonction (bleu, gris ou noir) et exerce une tâche en rapport avec ses qualités, évaluées lors d’un test, déterminant le Choix. Les Altruistes fournissent des responsables politiques dévoués, les Sincères fournissent les responsables juridiques honnêtes, les Érudits donnent les enseignants et les chercheurs de haut niveau, les Fraternels procurent des conseillers et des soignants compréhensifs et les Audacieux protègent des menaces venant de l’intérieur comme de l’extérieur.

Sauf que le test de Beatrice pose problème à l’évaluateur : ni vraiment altruiste, ni tout à fait érudite, ni complètement audacieuse, elle est… divergente. Une faction rebelle au classement unique, et surtout résistante à l’embrigadement. Un problème, en somme. Donc un danger pour la collectivité…

D’un bout à l’autre, Divergent se révèle un roman passionnant, proposant une réflexion sur une société en apparence égalitaire et où tout irait pour le mieux si certains n’essayaient pas de manipuler la situation à leur avantage. Mais le talent de Véronica ROTH a consisté à faire passer cette réflexion à travers le prisme de son héroïne, Tris, qui fait ici son initiation à la vie adulte. Elle apprend le choix, la difficulté à échapper à son milieu, le conditionnement qu’il a pu induire (Audacieuse, elle se surprend souvent à penser en Altruiste), certaines vérités sur sa famille et va découvrir l’amour.

Avec beaucoup de sensibilité et de sensualité, l’auteur sait faire partager les émotions adolescentes, l’ambivalence entre le désir d’aller vers l’autre et la peur de l’intimité, sans toutefois sombrer dans le sentimentalisme et la bluette. On se bat, on est violent les uns envers les autres, on tue dans Divergent, mais on partage aussi un certain nombre de valeurs, comme l’amitié, la communion vers un même but, et l’amour. Le tout mené à un train d’enfer, sans jamais laisser de répit au lecteur. Divergent est un premier roman qui se révèle une réussite !

Elle soupire.

- Le fait que tu n’aies pas fui devant le chien suggérerait Audacieux. Mais, logiquement, un Audacieux aurait pris le couteau. Ta réaction réfléchie devant le chien serait plutôt celle d’un Érudit. Je ne sais pas du tout comment interpréter ton indécision dans la première étape mais…

Je l’interromps :

- Attendez, ça veut dire que vous n’avez aucune idée de mes aptitudes ?

- Oui et non. Ma conclusion est que tu manifestes des aptitudes à part égales pour Altruistes, Audacieux et Érudits. On appelle ceux qui obtiennent ce type de résultat… - Elle jette un coup d’œil par-dessus son épaule, comme si elle craignait que quelqu’un n’arrive - … des Divergents.

Elle a prononcé ce dernier mot si bas que j’ai eu du mal à l’entendre. Elle a de nouveau son air tendu, inquiet. Elle fait le tour du fauteuil et se penche vers moi.

- Beatrice, me dit-elle, tu ne dois en aucun cas faire part de cette information à qui que ce soit. C’est très important.

Je hoche la tête.

- Je sais. On n’a pas le droit d’annoncer nos résultats.

Tori s’agenouille à côté de moi et pose les bras sur les accoudoirs, le visage à quelques centimètres du mien.

- Non. Là, c’est différent. Je ne veux pas dire que tu ne peux pas en parler tout de suite. Mais tu ne devras jamais en parler à personne, jamais, quoi qu’il arrive, tu m’entends ? La divergence est quelque chose d’extrêmement dangereux. Tu comprends ?

Véronica ROTH, Divergent.

Blast - Nathan

444 pages – 15,90€

Titre original : Divergent  – Paru en 2011– Traduit en français en 2011

Feuilleter un extrait : http://www.nathan.fr/feuilletage/?isbn=9782092532300

L’auteur : Veronica ROTH, l’auteur, a 22 ans et vit à Chicago. Divergent est son premier roman.

Blog Nathan Jeunesse : http://blog.nathan.fr/jeunesse/2011/08/divergent/#more-1915

Site internet de l’auteur (en anglais): http://veronicarothbooks.blogspot.com

01/10/2011

Ultraviolet (N. HUSTON)

« Treize ans aujourd’hui. Enfin ! »

Alberta, Canada, été 1936, la chaleur est à son comble. Lucy, fille du pasteur Larson, a treize ans. Elle grandit et commence à se sentir à l’étroit, dans son corps comme dans sa tête. Tout se bouscule et elle ne supporte plus la vie étriquée qu’elle mène, aînée de cinq enfants, entre une mère qui ressasse sa jeunesse et son père qui ne songe qu’à se conformer aux directives divines. C’est pourtant par son intermédiaire, car il a l’habitude d’ouvrir leur maison aux malheureux, qu’elle fait se lier d’amitié avec le Docteur Beauchemin…

Ce médecin « défroqué » pour reprendre les termes de la mère, radié pour avoir commis un geste interdit, va révéler Lucy à elle même : un esprit libre, une libre-penseuse. Il va également être, sans le chercher vraiment, le vecteur de son éveil à la sensualité et sera celui par qui le scandale arrive.

Ultraviolet est un roman court, un journal d’adolescente rebelle qui lit d’une traite : on y partage les exaltations et les rejets de l’héroïne, ses émois et ses chagrins. C’est également le récit d’une émancipation, mais un récit profondément sensuel, où la chaleur de l’été albertien est omniprésente, comme un troisième personnage dans cette histoire qui est presque un huis-clos.

La plume de Nancy HUSTON se révèle une fois de plus d’une acuité rare, précise tel un scalpel qui décortique les états et empires de cette très jeune fille, et sachant se faire douce lorsque son héroïne s’arrête au cours d’un repas familial sur chacun des membres de sa famille qu’elle tâche de « voir autrement ». Subtil, anticlérical, parfois dérangeant, Ultraviolet saura toucher tous les adolescents en questionnement.

Une des merveilles de ce carnet, c’est que les mots chaleur insensée, une fois qu’on les a couchés sur la page, vous rafraîchissent un peu par rapport à la chaleur insensée qu’il fait dehors. C’est étonnant mais c’est vrai. De même pour les arcs-en-ciel : si les « vrais » manquent cruellement dans l ciel de l’Alberta depuis trois ans, ceux que j’ai écrits l’autre jour répandent un peu de couleur dans mon âme quand je les relis.

On n’est pas obligé de se limiter au « vrai », au « réel ». Ce qu’on imagine est réel aussi ! Tu comprends ? C’est magique : tout change ici, du fait même de l’écrire. Un carnet c’est un vrai laboratoire de sorcière.

Nancy HUSTON, Ultraviolet.

Thierry Magnier

80 pages – 8€

Paru en 2011

L’auteur : Canadienne anglophone vivant en France, Nancy HUSTON écrit dans ses deux langues et se traduit dans les deux sens. Elle a publié de nombreux romans et essais aux Editions Actes Sud, ainsi que, chez d’autres éditeurs, quelques livres pour la jeunesse

14/09/2011

Le Soleil et la Mort (E. FONTENAILLE)

« Je m’appelle Ulysse, j’ai quinze ans et je veux mourir. »

Il n’est pas heureux, Ulysse, et il n’a pas l’intention de faire un beau voyage… Lui, ce qu’il veut, c’est mourir. En finir avec ce sentiment que tout s’acharne contre lui : la mort de son grand-père, qui l’a élevé après le décès de sa mère, puis celle de son chat, un père qu’il connaît à peine et ne le comprend pas, une belle-mère insupportable, il est seul au monde et veut le quitter. Pourtant, c’est en cherchant à en sortir qu’il va faire des rencontres inattendues…

Le roman d’Elise FONTENAILLE tente de concilier deux choses : prévenir et guérir. En choisissant d’évoquer le suicide chez les jeunes, elle met à bas l’idée reçue que, « quand on est jeune, on ne pense qu’à s’amuser ». Ici, aucune insouciance, aucune légèreté, ses personnages broient du noir et s’y complaisent. La difficulté de l’entreprise résidait dans le fait qu’il fallait se confronter à l’idée sans toutefois faire naître des vocations chez les adolescents qui la liront.

Le Soleil et la Mort s’avère de ce point plutôt réussi : en donnant la parole à Ulysse, l’adolescent mal dans sa peau, elle permet au lecteur de créer une complicité avec lui et l’entraîne peu à peu de l’autre côté, lui faisant partager son évolution. Car c’est dans la découverte des autres qu’Ulysse va peu à peu se découvrir lui-même. Le roman souligne également toute l’influence que peut exercer un aîné, plus cultivé, plus averti et… plus manipulateur.

Récit d’une rébellion, récit d’initiation, Le Soleil et la Mort a le mérite d’interroger et de susciter le débat. De surcroît, sa brièveté saura attirer les lecteurs plus occasionnels, désireux cependant de lire l’histoire d’un adolescent mal dans sa peau et qui ne sait où se cacher.

Je me levais la nuit pour chercher à manger, je bouffais n’importe quoi devant mon écran, je m’en foutais, je passais ma vie en ligne, seul avec mes idées noires… Je tapais des mots cool comme : suicide, mort, comment-mettre-fin-à-ses-jours-sans-(trop)-souffrir… Le nombre de sites consacrés au suicide… on n’imagine pas. Dès qu’on a les mots clés, on a l’impression que la planète ado ne pense qu’à se flinguer. Les gens croient qu’on ne pense qu’au sexe à quinze ans, eh bien pas du tout : on ne pense qu’à la mort. Photos de cadavres partout, faits-divers atroces, vidéos horribles…

Une nuit, je suis tombé sur un site moins gore que les autres : le Soleil et la Mort. C’était comme un club. Sur le Soleil, il y en avait toujours un qui était réveillé, même au milieu de la nuit, on chattait 24 heures sur 24.

Elise FONTENAILLE, Le Soleil et la Mort.

Grasset – Jeunesse

100 pages –8€

Paru en 2011

L’auteur : Élise FONTENAILLE a suivi des études de sociologie et est devenue journaliste à Vancouver au Canada, puis à Paris pour le magazine Actuel.

En 1995, elle se concentre sur l’écriture avec un premier roman publié chez Grasset, La gommeuse. Son style y est percutant, composé de phrases très courtes et de mots simples.  (source Ricochet)

Pace Facebook du livre: http://www.facebook.com/pages/Le-soleil-et-la-mort-Elise-Fontenaille/256743181018092?sk=wall

10/09/2011

Instinct 2 (V. VILLEMINOT)

« Le halètement de sa respiration emplissait son crâne, comme un beat. »

La « bande des quatre » est désormais bien soudée : Tim, Flora, Shariff et le Professeur Mc Intyre, le père de substitution. Le carnage du bunker (voir Instinct 1) a cependant laissé des traces : personnelles d’abord, puisque les relations entre Tim et Flora ont changé, et sur la vie de l’Institut de Lycanthropie enfin, puisque désormais deux camps s’affrontent à l’intérieur même de l’Institut, ceux qui veulent vivre leur instinct animal jusqu’au meurtre et ceux qui cherchent à le maîtriser. La lutte sera fratricide et sans merci…

Si Instinct 1 était un roman qui se dévorait d’une traite et vous laissait impatient de connaître la suite, le deuxième volume est un peu moins réussi. Certes les personnages sont toujours aussi attachants et la narration s’attache à en creuser plus encore les motivations, mais la construction, point fort du premier volume, semble ici moins maîtrisée. Là où la multiplicité des chapitres apportait dynamisme et suspense à la narration, l’auteur se perd à travers trop de points de vue et perd le lecteur à sa suite.

Il faut attendre presque la moitié du livre pour comprendre qui parle et cet éclatement des narrations casse le rythme. Le lecteur en est réduit finalement à se concentrer sur ce qu’il connaît, à savoir les trois personnages adolescents, seul point de repère stable pour lui, et Instinct 2 devient davantage un roman sur les amours adolescentes, l’apprentissage de la trahison et la découverte de la filiation sur fond de métamorphoses, que le thriller haletant que le premier volume nous avait offert.

Ne reste qu’à souhaiter que le troisième volume, dont la sortie est prévue au printemps 2012, retrouve la veine initiale.

La fureur et l’ivresse de l’assaut coulaient encore dans les veines du prédateur, comme de l’adrénaline. De la chimie organique. C’était une grande imprudence que d’avoir suscité une nouvelle métamorphose dans ce contexte, mais le chasseur en avait besoin pour retrouver les sensations de l’affût, les secondes délicieuses qui avaient précédé le meurtre.

Et cependant, il devait rester lucide ; le moment d’une deuxième attaque n’était pas venu. Il devait guider les autres, ceux de l’Alpage. Si Timothy Blackhills l’avait identifié, il faudrait l’éliminer, très vite. On lui règlerait son compte. Il n’y avait plus d’obstacle à cela, plus rien qui l’en empêche : il avait atteint un stade supérieur d’évolution ; il était désormais parfaitement libre, dominant, dans une guilde gouvernée par les espèces supérieures.

Vincent VILLEMINOT, Instinct 2.

Blast - Nathan

330 pages – 13,90€

Paru en 2011

 

 

 

Feuilleter un extrait : (lien invalide pour l’instant)

Page Facebook du roman : http://fr-fr.facebook.com/pages/Instinct-par-Vincent-Vill...

Interview de l’auteur : http://blog.nathan/jeunesse

L’auteur : Vincent VILLEMINOT a 39 ans et vit dans les Alpes françaises où il a d’ailleurs situé l’action de son roman. Ancien professeur d’écriture au Caire et ancien journaliste, il est désormais écrivain à plein temps.

31/08/2011

Silence (B. SEVERAC)

« 7h54

Les chiffres du radioréveil se croisent, montent et descendent. »

Lorsque Jules se réveille, il est à l’hôpital. Il sort d’un coma où l’ont plongé deux cachets d’extasy achetés à la sauvette, à un ami d’ami, et avalé pour impressionner une fille. Depuis, il est sourd. Il a quinze ans, il est seul dans sa chambre à ressasser ses idées noires et fâché avec ses parents qui lui reprochent de leur avoir menti et qui ne lui font plus confiance. Quand en plus la police s’en mêle…

Le roman de Benoît SEVERAC est un roman édifiant. Court et brutal comme un coup de poing en pleine poitrine, il n’épargne rien ni personne et surtout pas les bons sentiments. Par son insouciance, le héros s’est condamné et a condamné sa famille à une vie toute autre que celle qu’ils espéraient tous. Et inutile d’attendre une bonne surprise à la fin, tout se passe comme dans la vraie vie. C’est-à-dire souvent mal.

Silence est un roman d’initiation. Un roman où le héros entré adolescent plein d’inexpérience en ressort un peu plus vieux et un peu plus aguerri, mais pas nécessairement plus heureux pour autant. Car c’est le deuil de l’enfance et des illusions  qu’aura dû faire le héros. Apprendre que les amis d’enfance ne sont pas toujours que l’on aurait voulu qu’ils soient – ou qu’ils restent, que les histoires d’amour ne se déroulent pas toujours comme on le voudrait et que les parents ne sont pas toujours les empêcheurs de tourner en rond que l’on croit.

Plutôt court, facile d’accès, Silence est un roman qui se dévore d’une traite et laisse des abîmes de réflexion derrière lui. « On ne cherche pas à te faire culpabiliser. On veut que tu prennes conscience de certaines choses. Il n’y a que comme ça que tu pourras te reconstruire. »

- Je te propose de travailler à partir de cette liste.

Jules met ses sourcils en point d’interrogation.

- Tu remplaces chaque petit plaisir perdu / par un petit plaisir de substitution, / chaque activité devenue impossible / par une activité de substitution possible pour un sourd.

- De substitution ?

- De remplacement. Que tu pourras faire à la place de.

- Par exemple ?

- Ton premier point : écouter de la musique. / Remplace la musique par une autre activité artistique. Quelque chose que tu voudrais explorer. / La peinture, par exemple.

- Beurk.

Damien tourne les paumes des mains vers le ciel et incline la tête, l’air de dire : « Ah, ça, mon gars ! » puis il prend le stylet :

- Il va falloir t’intéresser à des choses nouvelles.

- Ma passion, c’est la musique.

- Tu en entretiendras le souvenir, mais…

Jules n’attend pas que Damien finisse sa phrase :

- Je ne pourrais pas vivre sans musique.

Damien essaie d’écrire aussi vite qu’il peut :

- Il te faudra pourtant.

Benoît SEVERAC, Silence.

Syros – Rat noir

150 pages –11,90€

Paru en 2011

L’auteur : Benoît SEVERAC est romancier et professeur d’anglais à l’École vétérinaire de Toulouse. Il a compris très tard qu’il écrivait depuis toujours. Il s’est trompé en se croyant un temps photographe, il a abandonné le reflex pour le clavier et s’en porte mieux, mais il en a gardé quelque chose : une efficacité dans la description peut-être, une façon de rendre une ambiance par le cadre. Quoiqu’il en soit, ses romans sont toujours très « visuels ». Silence est son premier roman-jeunesse.

Blog de l’auteur : http://benoit.severac.over-blog.com

SELECTIONNE POUR LE PRIX DES INCORRUPTIBLES 2012-2013 - CATEGORIE 3°-2nde