31/08/2011
De l'autre côté du soleil (P. DAVY)
« Traoré sait qu’il commet une imprudence en permettant à son troupeau de chèvres d’aller s’abreuver à la source d’Aïn Kala. »
Afrique, dix-huitième siècle. Traoré, un jeune berger peuhl, croise un jour sur sa route Vanidia, une femme d’une autre ethnie. Leur amour étant condamné, ils décident de s’enfuir tous les deux mais seront capturés et vendus comme esclaves, avant d’être envoyés en Guadeloupe. Et séparés.
A travers son roman, Pierre DAVY choisit de raconter la traite des noirs, ce commerce florissant qui dura de la fin du seizième siècle au début du dix-neuvième. Son héros, Traoré, est un jeune homme respectueux de chacun et qui ne parvient pas à se résigner à devenir moins qu’un homme, un animal, une marchandise. Celle qu’il aime, Vanidia, est son guide dans le malheur, ayant déjà connu l’expérience de l’esclavage en Afrique. A travers ces deux individus, Pierre DAVY nous montre la difficulté à choisir son destin : se résigner ou mourir.
La narration est habilement menée en faisant alterner l’histoire de Traoré et le journal de bord d’Yvon de Kerven, nobliau breton parti chercher l’aventure de l’autre côté de l’océan et passager du bateau qui transporte les esclaves. Ses réflexions sont révélatrices de l’époque et elles permettent également de souligner plus effacement la dénonciation de l’esclavage. « J’ai été un moment désorienté, car sans conteste, il s’agit bien d’êtres humains. »
Facile à lire, poignant et sans concession, De l’autre côté du soleil saura frapper les esprits des jeunes lecteurs et ouvrir la réflexion. De surcroît, le livre propose un dossier très intéressant sur la traite, l’esclavage et la culture créole.
- Ne bouge plus. Ferme les yeux et essaie de dormir. Une seule chose compte désormais : il faut survivre et être fort. Ceux qui faiblissent sont condamnés. Que faisais-tu quand une de tes chèvres s’était brisé une patte ?
- Je la tuais.
- Voilà. Nous n’avons qu’un seul espoir : avoir un prix, être une bonne marchandise. Car maintenant, nous sommes une marchandise, que ces hommes ont achetée pour la revendre.
- Comment sais-tu cela ?
- Tu oublies que ça m’est déjà arrivé. J’étais petite, mais je me souviens. Il faut dormir, Traoré, pour ne plus penser.
Pierre DAVY, De l’autre côté du soleil.
Nathan Poche Histoire
220 pages – 5,50€
Paru en 2011
L’auteur : Pierre DAVY a vécu dix ans aux Antilles. C'est insuffisant pour se dire Antillais, mais c'est assez pour comprendre ce que cela veut dire. L'histoire parle, à condition de lui donner la parole. Ce livre n'a pas d'autre but. La traite a été une tragédie, l'esclavage a été un crime. Quand on vit aux Antilles, il ne s'agit pas de se lamenter, de se repentir ou de se révolter ; mais il faut savoir. Pierre DAVY n'est pas arrière-petit-fils d'esclave, il n'est pas noir : il lui arrive de le regretter.
24/08/2011
Le Sourire de ma mère (M. SELLIER)
« La Loire coule en bouillonnant dans son lit de sable trop grand, charriant des eaux couleur de ciel, de fiel et de foin, ses eaux vives de printemps, entre les berges crayeuses, entre les îlets où se nichent les oiseaux, à l’aplomb du château d’Amboise puissamment ancré sur son éperon rocheux. »
Catarina a quinze ans. Pour tous, elle est « la simple », parce qu’elle ne parle pas, ne semble pas toujours comprendre ce qu’on lui dit et que tout semble glisser sur elle. Mais voilà que le destin va la faire entrer comme servante au château de Cloux, dernière demeure de Léonard de Vinci. Et qu’elle va vivre la dernière année du vieil homme fatigué mais néanmoins toujours clairvoyant.
Très joli roman, Le Sourire de ma mère – Une année avec Léonard de Vinci met en scène le Génie et une jeune fille un peu différente qui va, grâce à l’artiste, se découvrir et trouver sa place. Roman historique, roman intimiste, Marie SELLIER raconte à la fois l’histoire d’une jeune fille à la Renaissance et l’histoire d’une œuvre d’art, en filigrane, cette Joconde dont elle aborde le mystère sans toutefois trop en dire.
Des chapitres courts, une narration aisée, des personnages bien campés, ce Sourire de ma mère saura séduire les amateurs d’art comme les amateurs d’Histoire, et tous ceux qui auront d’en savoir plus sur cette jeune fille qui croit reconnaître sa mère dans « la dame » assise et imperturbable. Alternant les points de vue des différents personnages, chacun se glissera aisément dans l’histoire et y trouvera son bonheur.
Elle a toujours été différente, Caterina. Lorsque sa mère était vivante, on l’entendait parfois proférer quelques paroles de ce souffle rauque qui ne semble pas lui appartenir. Mais à sa mort, elle s’était tue. Plus un mot, tout au plus un chantonnement. Alors, on avait pris l’habitude de faire comme si elle n’existait pas.
Qu’importe ce qu’elle ressent – fatigue, douleur, gaieté ou tristesse ! Caterina est celle qui est toujours là, qui ne rechigne pas à la besogne et obéit aux ordres qu’on lui lance à voix trop forte : « Va ! Lave ! Coupe ! Tranche ! Balaie ! » L’impératif régit sa vie sans qu’aucune ombre ne vienne jamais troubler ses traits réguliers.
Marie SELLIER, Le Sourire de ma mère.
Nathan Poche Histoire
150 pages – 4,90€
Paru en 2011
L’auteur : Marie SELLIER a été journaliste pendant plusieurs années, dont dix ans chez Bayard Presse jeune, avant de passer du côté de l'édition. Voilà maintenant plus de quinze ans qu'elle explore, en direction des enfants, un champ vaste comme le monde, l’ART sous toutes ses formes, avec un enthousiasme qui ne se dément pas.Cela se traduit par plus de quarante livres, quatre collections (L’Enfance de l’Art et Mon petit musée aux éditions de la Réunion des musées nationaux, Des mains pour créer aux éditions Paris-musées et Entrée libre aux éditions Nathan) et cinq films pour la télévision.
Un entretien chez Ricochet : http://www.ricochet-jeunes.org/invites/invite/43-marie-se...
Site de l’auteur : http://www.la-charte.fr/sites/marie-sellier
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14/08/2011
Du Sang sur la Via Appia (C. LAWRENCE)
« Flavia Gemina résolut sa première énigme au mois de juin. »
Quatre enfants issus de milieux différents (Flavia Gemina, jeune Romaine, fille d’un riche armateur ; Jonathan, jeune chrétien ; Nubia, une jeune esclave africaine ; Lupus, un petit mendiant muet car on lui a coupé la langue) vont unir leurs efforts pour résoudre un mystère et aider à capturer un impitoyable tueur…
Ce premier épisode, qui en compte plus de quatorze, des Mystères romains se révèle une jolie réussite : des personnages attachants, une réalité historique dépeinte avec beaucoup de vivacité, une intrigue bien menée, tout concourt à faire de ce Du Sang sur la Via Appia une agréable lecture.
S’adressant à de très jeunes adolescents, Caroline LAWRENCE a su trouver la bonne distance, entre proximité et érudition, permettant ainsi une entrée dans le monde antique sans toutefois être didactique ou pesant. Nul doute que les aventures de ces quatre amis n’ont pas fini de passionner les dix-douze ans.
Ostia, la ville où vit Flavia, est la zone portuaire de Rome. Elle est parfois, tôt le matin, noyée dans la brume.
C’était le cas, ce matin-là, celui de l’anniversaire de Flavia. Trois jours avaient passé depuis qu’elle avait retrouvé la bague de son père. En guise de cadeau d’anniversaire, Marcus Flavius avait proposé à sa fille de l’emmener chez un orfèvre. Peut-être pourrait-elle vendre le petit trésor qu’elle avait trouvé dans le nid de la pie.
Le soleil venait de se lever quand Flavia et son père quittèrent la maison. Ils descendirent la rue des Boulangers, tout embrumée, en direction du fleuve.
Caroline LAWRENCE, Du Sang sur la Via Appia.
Milan poche – Junior - Histoire
220 pages – 6,70€
Titre original : The Thieves of Ostia – Paru en 2001– Traduit en français en 2010
Du Sang sur la Via Appia est le premier volume de la série Les Mystères romains.
L’auteur : Caroline LAWRENCE est américaine. Elle a grandi en Californie et vit aujourd'hui à Londres après avoir obtenu une bourse pour étudier l'archéologie à Cambridge. La série " Les Mystères romains " est son premier travail en tant qu'écrivain.
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26/05/2011
Guet-apens au cimetière (A. TENOR)
« Tournemain méritait bien son nom. »
Parce que Dominique, l’apprentie alchimiste, et son fidèle Tournemain, habitué de la Cour des Miracles, ont voulu défendre Bondo, un jeune homme bossu maltraité par de riches jeunes gens pour leur plaisir, ils vont se trouver entraîner dans le Paris du début du XIVème siècle, du cimetière des Innocents aux riches maisons des banquiers florentins…
Sixième volume d’une série « médiévale », Guet-apens au cimetière fait découvrir aux jeunes lecteurs le monde médiéval, sa société bigarrée et ses codes souvent brutaux. L’intrigue est bien menée, avec des personnages attachants auxquels chacun pourra s’identifier, fille ou garçon, et les rebondissements sont nombreux.
D’un accès facile, avec des chapitres courts et bien découpés, le roman déroule sa trame historico-policière sans oublier l’humour et la dénonciation de certains états de fait, à travers des personnages de petites gens. Vocabulaire accessible, personnages audacieux, Guet-apens au cimetière saura satisfaire les jeunes lecteurs, même les moins chevronnés.
- Nous nous demandions…
- … à quoi peut ressembler l’antre d’un sorcier ? la coupa le bossu. Eh bien, sûrement pas à cela, puisque papa n’est pas plus sorcier que maître Trigestre n’est usurier.
- Je m’en doutais bien, avoua Dominique avec un grand sourire.
- En vérité, expliqua Kylian Kerkéroux en réapparaissant à son tour, une bouteille de terre cuite à la main, je suis une sorte de prêtre, ou plutôt j’étais, avant d’être obligé de quitter ma chère Bretagne.
- Vous avez été excommunié ? s’inquiéta Dominique, que cette hypothèse, malgré son attachement à la tolérance, effrayait.
- Oh non ! C’est bien pire que cela ! J’étais druide.
Arthur TENOR, L’Apprentie Alchimiste – Guet-apens au cimetière.
Nathan poche - Histoire
190 pages – 6,25€
Paru en 2011
L’auteur : Arthur Ténor est écrivain pour la jeunesse depuis 1998. Il a publié des romans pour toutes les tranches d’âge et pratiquement dans tous les domaines. Il est cependant plus connu pour ses récits historiques, notamment sur les deux guerres mondiales, Versailles et Louis XIV ou encore le Moyen Age. Il réside en Bourbonnais, tout près de Vichy. Dans une présentation personnelle, il se décrit comme un « explorateur de l'imaginaire» Sa passion de l'écriture est pour lui « semblable à celle d'un aventurier sans cesse en quête de contrées inconnues, de rencontres inoubliables, de péripéties palpitantes ». L'esprit qui anime ses récits est résolument positif « L'action et le suspense se mêlent toujours à l'étonnement et à la tendresse, à l'humour et à la fantaisie ». Son souhait est surtout d'exprimer son amour et son respect indéfectibles de la vie. (source Ricochet)
Site de l’auteur : http://arthurtenor.canalblog.com
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06/01/2011
Les Demoiselles de la Louisiane (J-E. SINGER)
« Sur un brick naviguant vers les rivages de Louisiane, comment une demoiselle peut-elle occuper les heures et les jours ? »
Les demoiselles touchent au but : elles ont accosté en Louisiane. C’est la découverte des plantations, du Mississipi et des « indigènes ». Mandaté par le régent, le duc de Gaumont doit surveiller le gouverneur, M. de Bienville, soupçonné de complots, et ses filles et nièces vont le seconder habilement, tout en découvrant les coutumes locales et nouant des amitiés avec la population locale.
Après un début un peu lent, car ressassant les événements passés, la seconde partie du roman devient tout à fait intéressante car elle propose une excursion dans les terres indiennes : nouveaux paysages, nouveaux comportements, dénonciation encore d’un certain esprit de colonisation, ce troisième volume propose une fois de plus un regard intelligent sur une période historique mal connue.
Blanche avait répliqué avait une violence qui ne lui était pas coutumière :
- Nous aussi nous avons été contraintes de quitter Paris, sans qu’on nous demande notre avis ! La Louisiane a beau être française, or je crains fort qu’elle ne soit surtout le pays des Indiens et que nous n’y ayons pas vraiment notre place. D’après ce que m’a raconté Sophie, nous avons fait beaucoup de mal aux Indiens… Je me souviens d’un poème de Dumont de Montigny : « Qui donc habitait ici avant la colonie ? C’étaient des habitants qui passaient leur vie à vivre de la chasse, et passaient tout leur temps sans envies ni chagrins, étaient tout contents. »
Je trouve que ces vers résument parfaitement la situation.
J. Esther SINGER, Les Demoiselles de la Louisiane.
Seuil
250 pages – 12€
Paru en 2010
Rappel : le tome 1 Les demoiselles du Palais-Royal ; le tome 2 : Les demoiselles de la Nouvelle-France ; le tome 3 Les demoiselles de la Louisiane
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