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02/03/2013

La Guerre des épices (F. LAMY)

IMG_0092.JPG« Le sommeil, ce soir-là, ne voulait pas venir. »

1771, dans l’océan Indien, au temps des comptoirs et des rivalités coloniales : à bord de L’Hirondelle, le capitaine de Villemort quitte Port Louis et les côtes de ce qui deviendra l’île Maurice pour accomplir une mission secrète aux confins du Pacifique : voler aux Hollandais des plants de girofle et de muscade dans le seul endroit au monde où on les trouve : les Moluques. Benjamin, jeune botaniste de seize ans, fait partie de cette expédition qui regroupe savants, cartographes en quête d’épices et de terres lointaines. Le voyage n’est pas de tout repos et, tandis que tempête, tremblement de terre, combat naval se succèdent, Benjamin découvre qu’il y a un traître à bord…

A travers son héros de seize ans, botaniste passionné, Florence LAMY nous fait découvrir l’épopée des voyages scientifiques au XVIII° siècle. C’est le moment où la cartographie se met en place et où les épices sont autant de denrées précieuses et recherchées. Car si ces voyages favorisent la connaissance de « l’Autre » dans ses façons de vivre, de croire et de gouverner, ils sont aussi l’occasion d’agrandir le territoire, d’augmenter les royaumes européens et trouver de nouvelles matières premières.

La Compagnie des Indes françaises était en concurrence directe avec ses homologues anglaise et hollandaise et la guerre sur les mers était sans merci, comme le montre un des épisodes du livre. Cependant, si instructif qu’il soit, La Guerre des épices se révèle également un passionnant roman d’aventures où le héros montrera sa valeur autant que son grand cœur. On se laisse transporter avec bonheur à ses côtés, à bord de l’Hirondelle.

Le jeune garçon avait encore du mal à réaliser ce qui lui arrivait. Et pourtant, depuis déjà quatre jours, il voguait sur la mer, passager d’une frégate de la Compagnie des Indes française, perdu quelque part au milieu de l’Océan Indien ! Lui qui, un an auparavant, habitait encore dans un immeuble de la rue des Saints-Pères, en plein cœur de Paris… Aurait-il pu imaginer un jour qu’il partirait vivre à des milles et des milles de cet endroit familier où il avait grandi ?

Florence LAMY, La Guerre des épices.

Oskar Edition

136 pages – 12,95€

Paru en 2012

L’auteur : Florence LAMY a longtemps vécu sur les bords de la Méditerranée, à Marseille, avant que les hasards de la vie ne la conduisent en région parisienne, puis sur les bords de Loire, où elle vit toujours aujourd’hui. Professeur de Lettres à la retraite, elle se consacre désormais pleinement à l’écriture.

Blog de l’auteur : http://florencelamy.blogspot.fr

12/02/2013

Dans la nuit blanche et rouge (JM. PAYET)

« Dix fois elle avait essayé, et dix fois elle avait renoncé. »

les grandes personnes,payet,russie,révolution,communisme,adolescentePétrograd, février 1917. Dans une Russie épuisée par des années de guerre, où grondent la famine et le mécontentement, où sévit la police secrète du tsar, la comtesse Tsvetana Kolipova, dix-sept ans, rêve d’un monde qu’elle voudrait plus juste et moins arbitraire. Contribuant à une revue clandestine, la jeune fille découvre bientôt un secret familial qui va balayer ses repères et, avec eux, les vestiges d’un empire qui vit ses derniers instants. Des contreforts de l’Oural à la Sibérie Occidentale, des premières émeutes populaires à l’exécution sommaire des Romanov, Tsvetana cherchera ainsi à retrouver la trace de sa demi-sœur, Natacha, dont tout la sépare, à mettre la main sur un étrange bijou aux vertus surnaturelles pour lequel certains seraient capables de tuer et, surtout, à rejoindre Roman Vrabec, ce jeune homme sans âge dont le destin semble irrémédiablement lié au sien…

Traversé de part en part par un souffle épique, le roman de Jean-Michel PAYET est absolument captivant : qu’il s’agisse de la reconstitution historique, aussi pointue que fidèle, des personnages, humains, très humains, trop humains, ou encore de cette intrigue tout à fait particulière, aux frontières du fantastique, le lecteur est emporté dans un tourbillon dont il ne pourra s’arracher qu’une fois tournée la dernière page. Et encore, car on ne peut qu’implorer de connaître la suite…

Son héroïne est aussi jolie qu’audacieuse, intelligente et pleine d’empathie pour les autres, militante sans être manichéenne, et c’est à sa suite que l’on s’engouffre dans cette révolution russe, en priant pour qu’elle retrouve son bel inconnu, voleur à ses heures, danseur à d’autres, mais toujours mystérieux, et le fameux bijou...

Il y a du Maurice LEBLANC chez Jean-Michel PAYET, dans cette manière de mêler la petite et la grande histoire, l’humour et la noirceur humaine,  le romantisme et la nécessité, souhaitons-lui donc qu’à la manière de ce dernier, il nous réserve de nouvelles aventures de cette jolie comtesse Tsvetana Kolipova. En attendant, cette saga romanesque époustouflante est à lire absolument !

Tandis que la comtesse retouchait son maquillage et que Katia avait retrouvé une amie, Tsvetana éprouva un brusque sentiment de solitude. Elle se dévisagea dans un miroir, comme surprise de se découvrir entourée de ces femmes qui représentait tout ce contre quoi elle luttait. Cependant, presque malgré elle, elle contemplait les fourreaux, les diadèmes, les rangées de diamant, et toutes ces tenues audacieuses qu'on avait réussi à faire venir de Paris malgré la guerre qui paralysait l'Europe. En comparaison, elle mesurait encore combien sa robe paraissait datée.(…) Comprimée par son corset, la jeune fille ne se reconnaissait pas dans cette silhouette élégante, cette taille affinée et ce buste épanoui. D’étudiante en uniforme, elle se découvrait jeune aristocrate et cela la troublait. Ce n'était pas seulement la robe qui la faisait comtesse, mais surtout dix-sept années d’éducation et d’évolution dans ce monde privilégié. Elle imaginait qu’une paysanne de son âge, parée de la même tenue, n’aurait peut-être pas eu les mêmes gestes et le port qui vont avec. C’était d’ailleurs pour cela aussi qu’elle se battait. Pour que tous ceux qui mettaient pied sur cette terre aient les mêmes chances de goûter au plaisir de la vie. Comtesse, l’était-elle? Le serait-elle réellement un jour ? Elle l’ignorait et, surtout, elle ne savait pas si elle le souhaitait.

Jean-Michel PAYET, Dans la nuit blanche et rouge.

Editions Les Grandes Personnes

512 pages – 18€

Paru en 2012

L’auteur : JEAN-MICHEL PAYET est né en 1955 et vit tout près de Paris. Architecte, illustrateur et écrivain, il est notamment l’auteur de  Ærkaos  et de Mademoiselle Scaramouche aux Éditions des Grandes Personnes, et des séries Blue Cerises et 2065, parues chez Milan.

Blog de l’auteur : http://jean-michelpayet.hautetfort.com

10/01/2013

Swing à Berlin (C. LAMBERT)

« Wilhelm Dussander terminait son solo au piano quand il vit les hommes en noir entrer dans le club. »

Tandis que la guerre s'enlise en 1942, les Allemands commencent à sentir que l'issue ne sera pas victorieuse. Joseph Goebbels, ministre de la Propagande, cherche alors un moyen de remonter le moral de la population. Et quoi de plus joyeux que le jazz ? Mais, considéré comme une « musique dégénérée » ou « musique de nègres », il est interdit par le régime. Le ministre va donc ordonner que l'on crée un groupe de « musique de danse accentuée rythmiquement », un jazz qui valoriserait les thèses aryennes. C’est le vieux pianiste Wilhelm Dussander, à la retraite depuis que les membres juifs de son groupe ont été arrêtés, qui est choisi pour mener à bien cette tâche. S'il estime que la politique n'est pas l'affaire des musiciens, il n'a jamais aimé les nazis. Pourtant, lorsque Goebbels le sollicite, Dussander n'aura d'autre choix que d'accepter...

Sur un sujet complètement méconnu, Christophe LAMBERT réussit un roman plein de charme et de gravité. On succombe avec bonheur à l’énergie de ces « quatre en or », on s’émeut de leur maître, Dussander, on s’indigne du traitement réservé aux plus fragiles dans l’Allemagne nazie et, peu à peu, avec le groupe, on découvre une partie de la vérité sur ce régime.

L’habileté de la narration consiste à donner des personnalités (et des opinions politiques) très différentes à chacun, mais toutes ont leur légitimité et leur justification. Et le message n’en est que plus fort quand la réalité, brutale et violente, va surgir. Chacun des garçons est attachant, présentant ses failles et ses espoirs. Quant au personnage du chef d’orchestre, il est profondément humain, humaniste, et offre un contraste saisissant avec l’employé du Reich qui les surveille en permanence.

Un autre point fort du texte, c’est le fait d’avoir mêlé petite et grande histoire ; car l’histoire de cet orchestre va devenir réelle lorsque Sophie Scholl et la Rose Blanche vont venir croiser leur chemin, pour le meilleur, mais aussi le pire…

Intelligent, subtil, extrêmement bien documenté, Swing à Berlin est à recommander !

– On n’a toujours pas de nom pour notre groupe, fit remarquer Ruppert.

– Je verrais bien quelque chose comme les fils du Reich, dit Herman.

Les fils du Reich ? Pouffa Thomas. Waouh, ça donne drôlement envie de swinguer, dis donc ! Et pourquoi pas Les Valeureux Descendants de Thor pendant que tu y es ?

– Je suis fier de mes origines.

Max soupira :

– Moi aussi. La question n'est pas là. Il faut quelque chose qui incite à danser, à s’amuser, quoi !

Faussement sérieux, il ajouta :

– Un truc du genre Le grand Max Stachowiack et son orchestre.

Thomas grogna en balançant son polochon sur la tête de son camarade. Les deux autres éclatèrent de rire.

– Le jazz, ça brille de mille feux, comme un cuivre, intervint Ruppert. On pourrait l’appeler Die Goldenen Vier : les quatre en or !

Die Goldenen Vier, répéta Max. Ouais, ça sonne bien ; ça me va !

– A moi aussi, dit Thomas.

– Moui, ça peut aller, maugréa Herman.

Trois coups retentirent, frappés à la porte.

– Il est plus de minuit, les garçons ! fit la voix d’Elsa. Terminées, les discussions !

Chacun se tourna sur le flanc ou sur le ventre, enfonçant son visage au creux du polochon.

Die Goldenen Vier, murmura Max, avec un sourire. Les mecs, avec un nom pareil, on va casser la baraque !

Christophe LAMBERT, Swing à Berlin.

Millezime - Bayard

286 pages – 12,50€

Paru en 2012

L’auteur :

Christophe LAMBERT (non, pas l’acteur !) est né en 1969 en région parisienne. Il a suivi des études de cinéma, réalisé plusieurs courts-métrages, travaillé pour la télévision (M6) et dirigé des ateliers vidéo dans les collèges. Il vit actuellement de sa plume.
Dès son premier roman de science-fiction, La Nuit des mutants (1997), dont l’action a pour cadre un bagne orbital, il obtient le Prix Ozone. Depuis, il a publié une quarantaine de romans en littérature jeunesse, parmi lesquels un impressionnant roman-catastrophe, Titanic 2012 (1999), un roman historique sur la guerre de 14-18, L’Or et la boue (2002), Infaillible ! (2007), etc.
Son goût pour les romans d’anticipation sociale en a fait un pilier de la collection « Autres Mondes » chez Mango, avec des romans comme Clone connexion (2002), Petit Frère (2003) ou encore La Loi du plus beau (2004).
Il a récemment effectué une percée remarquée en littérature adulte avec Zoulou Kingdom (2007), Le Commando des Immortels (2008), Vegas Mytho (2010) et surtout La Brèche (2005), qui a remporté un beau succès, et en littérature pour young adults avec Le Dos au mur (2008).
La force de Christophe Lambert est d’intéresser tous les publics, les jeunes comme les moins jeunes, avec des romans à l’écriture cinématographique, dynamiques et intelligents.

Blog de l’auteur : http://lambear.canalblog.com

23/12/2012

Velvet (M. HOOPER)

« Selon Mrs Sloane, Velvet s’était évanouie bien trop souvent, et elle risquait donc fortement de se faire renvoyer de la blanchisserie Ruffold. »

Orpheline dans le Londres des années 1900, Velvet survit tant bien que mal en travaillant dans l’enfer d’une blanchisserie. Lorsque l’occasion lui est donnée de s’occuper du linge de clients fortunés, la jeune fille saisit sa chance et attire l’attention de l’intrigante Madame Savoya, l’un des médiums les plus courus de la capitale. Emménageant à la Villa Darkling aux côtés de Madame et de George, son séduisant assistant, Velvet ne va pas tarder à découvrir les usages et secrets de cet univers fascinant qu’est celui du spiritisme. Elle est pourtant loin de se douter que le danger qui la guette ne vient pas du royaume des morts… 

Une fois de plus Mary HOOPER choisit de mettre en scène une jeune orpheline londonienne, mais elle décale cette fois légèrement l’époque pour installer son histoire au tout début du XXème siècle. C’est dans les salons feutrés de la bonne bourgeoisie qu’elle nous fait entrer, à la suite de la jeune Velvet, pour décrire et raconter cette passion pour le spiritisme qui s’empara des riches londoniens à cette période.

Porteuse d’un lourd secret, lourde de son enfance difficile, la jeune fille est partagée entre sa naïveté et son soulagement d’échapper à sa condition misérable et mettra longtemps à admettre que le monde qui s’ouvre devant elle est loin d’être aussi enchanteur qu’elle l’imaginait.

Une fois de plus, la documentation historique est irréprochable, l’intrigue peut-être un peu plus « fleur bleue », en tout plus optimiste que d’habitude, mais ce Velvet est un très bon moment de lecture.

« Mais toi, n’as-tu jamais envie de tout changer dans ta vie ; de devenir quelqu’un d’autre ?

- Non, pas du tout. Tout ce que je souhaite, tout ce que je veux, c’est de rencontrer  un jeune homme gentil, ayant un métier, de l’épouser et de vivre non loin de chez ma mère et mes sœurs.

- Mais l’année dernière, tu sais, quand on a changé de siècle et qu’on est passés au XXème siècle ? Tu ne t’es pas sentie tout étourdie, tout excitée ? Comme si tu pouvais devenir qui tu voulais ? »

Lizzie la regarda, abasourdie.

« Je ne vois vraiment pas ce que tu veux dire, répondit-elle. Nous autres… eh bien, on travaille dans une blanchisserie ou dans un endroit de ce genre, puis on tombe amoureuse, et, avec de la chance, on se marie vêtue d’une jolie robe de mousseline blanche, brodée de fleurs.

- Lizzie, voyons, il y a autre chose dans la vie.

- C’est vrai. Après, on a un bébé ! dit Lizzie joyeusement. Qui pourrait avoir envie de plus ?

- Moi », répliqua Velvet.

Lizzie secoua la tête avec tristesse, l’air de penser que son amie risquait d’être cruellement déçue.

Mary HOOPER, Velvet.

Les Grandes Personnes

336 pages – 17,50€

Titre original : Velvet  – Paru et traduit en Français en 2012

Sélection du Prix des Incorruptibles 2013 – catégorie 3ème- 2nde

La bande-annonce du livre (en anglais) :

L’auteur : Mary HOOPER qui vit en Angleterre, écrit depuis plus de vingt ans  des romans dont la toile de fond est souvent historique. Elle est entre autres l’auteur de La Messagère de l’au-delà,
paru en 2010 aux Éditions des Grandes Personnes, et d’une trilogie initiée avec La Maison du magicien chez Gallimard.

Site internet de l’auteur (en anglais): http://www.maryhooper.co.uk

10/10/2012

Ami entends-tu...

« C’était presque toujours moi qui commençais. »

1943. A Nantes, Félix, lycéen, ne rêve de rejoindre un réseau de Résistance : nous sommes au plus fort de l’Occupation allemande et il est fasciné par un de ses camarades, Jacky, de deux ans son aîné, qui semble être un de ces héros de l’ombre. Chez lui, ses parents lui semblent si passifs, attentistes, il ne comprend pas leur inaction. Quant à sa sœur, à dix-huit ans, elle ne songe qu’aux garçons. Sauf que la réalité est peut-être plus complexe que cela et que les héros ne sont pas ceux que Jacky croit…

Béatrice NICODEME a parfaitement réussi à restituer l’atmosphère pesante de l’Occupation, ces petits détails du quotidien qui apportent du réalisme et permettent au lecteur d’entrer complètement dans cette histoire à la fois si proche et si loin. Son narrateur, Félix, est un adolescent impatient d’agir, au risque de se mettre en danger, mais aussi d’en entraîner d’autres et compromettre ainsi les réseaux de Résistance.

Son récit montre bien l’organisation tentaculaire mais obscure des réseaux qui se côtoyaient sans jamais se connaître vraiment, afin de préserver chacun, mais il montre aussi les petitesses et les lâchetés de chacun, depuis les lettres anonymes jusqu’à la boulangère qui triche sur la farine de on pain mais porte de rutilantes chaussures neuves. Le roman dépeint avec beaucoup de tendresse ces adolescents désireux de bien faire, de montrer leur refus, à coups de petits gestes ou d’autres, plus lourds de conséquences mais lancés sous le coup de l’insouciance juvénile.

Avec son titre emprunté bien sûr à la chanson des Partisans, cet Ami entends-tu… est un très bon moment de lecture, à la fois historique et policière, qui permet de regarder la grande Histoire à travers le prisme de petites existences.

À partir de ce jour-là, la vie avait pris des couleurs étranges, aussi changeantes qu’un ciel de giboulées.

Il y avait des moments bleus : quand le directeur de l'école nous renvoyait à la maison parce qu'il y avait une alerte ; ou encore au  cinéma, quand on sifflait Le Moustachu et ses généraux aux actualité. Ensuite, la police fermait le cinéma pendant une semaine, mais ça nous était égal.

Cependant l’Occupation allemande avait aussi ses mauvais côtés. Plus question de traîner après l'école, à cause des rafles. On devait avoir toujours dans nos cartables des masques à gaz qui puaient le caoutchouc et nous faisaient ressembler à des hannetons. Une fois la nuit tombée, on n’ avait plus le droit de sortir et on devait coller du papier bleu sur les vitres pour que les aviateusr de la RAF ne soient pas attirés par les lumières de notre ville. Surtout, on avait souvent froid et fin, parce qu’on manquait charbon et que la nourriture était rationnée.

Voilà pour la couleur grise.

Et puis il y avait les moments noirs. Les nuits où la sirène nous réveillait en sursaut et où on allait retrouver les voisins à la cave, la tête résonnant du vrombissement des forteresses volantes et des tirs de DCA… Les matins où une boutique restait fermée parce qu’à l’aube une voiture noire avait emmené les commerçants vers on ne savait quelle destination…

Tout cela, on essayait de l’oublier. On essayait d’oublier les prisonniers qui ne reviendraient peut-être jamais, l’étoile jaune sur les vêtements des Juifs, les rafles et les arrestations, les garçons enrôlés pour aller travailler en Allemagne, et ceux qui disparaissaient du jour au lendemain sans qu’on sache exactement pourquoi.

On ne le savait pas, mais on le devinait.

Béatrice NICODEME, Ami entends-tu…

Gulf Stream

256 pages – 12,50 €

Paru en 2008

L’auteur : Sa passion pour le roman policier est née il y a bien longtemps avec la lecture d’une des aventures de Sherlock Holmes, Le Chien des Baskerville, et s’est concrétisée par un premier roman en 1987. Dix ans plus tard, après avoir exercé pendant quinze ans le métier de maquettiste, elle a décidé de se consacrer totalement à l'écriture. 
Ses romans policiers pour adultes privilégient les intrigues psychologiques chargées d’atmosphère, dans lesquelles passé et présent sont souvent intimement liés, les événements de l’enfance ou de la jeunesse jouant un rôle capital dans la construction de l’individu, de la personnalité criminelle en particulier. 
Le passé a la part belle également dans ses romans historiques, genre auquel elle se consacre de plus en plus. 
Ses récits pour la jeunesse s’adressent aussi bien aux très jeunes lecteurs qu’aux adolescents, avec des intrigues qui se déroulent tantôt aujourd’hui tantôt dans un passé plus ou moins lointain. Elle recrée notamment avec bonheur l’univers de Sherlock Holmes en mettant en scène le jeune Wiggins, chef des Irréguliers de Baker Street.

Site de l’auteur : http://www.beatrice-nicodeme.com