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25/04/2012

Plus jamais Mozart (M. MORPURGO)

« A la question qu’on me pose le plus souvent, je n’ai pas beaucoup de mal à répondre. »

Lesley McInley, jeune journaliste débutante, va connaître la chance de ma vie : se rendre à Venise pour interviewer le grand violoniste Paolo Levi. La seule consigne que lui a donné sa chef : éviter la « question Mozart ». Mais pourquoi ? Lesley est loin d’imaginer alors l'histoire que le vieil homme va  lui raconter: son histoire, un secret dont il peut enfin se libérer...

Court roman magnifiquement illustré par les aquarelles de son ami Michael FOREMAN, Plus jamais Mozart est, une fois de plus, une de ces histoires dont Michael MORPURGO, auteur de Loin de la ville en flammes, a le secret : troublante, émouvante, bouleversante, plongeant ses racines dans le passé pour mieux y ouvrir ses ailes.

Avec un talent de conteur hors-pair, l’écrivain déroule son fil, lentement, insidieusement, et nous entraîne dans la jeunesse de Paolo LEVI, « sans doute le musicien le plus célèbre de la planète ». c’est dans la Venise du début des années cinquante que l’histoire commence, même si elle a commencé bien plus tôt. Ce violon, propreté du père qui refuse d’en jouer, intrigue le petit Paolo au point de l’obséder : il veut en jouer. Sa rencontre avec un vieil homme, violoniste de rue, va lui permettre d’exaucer son rêve… et percer les secrets de famille.

En jouant sur la double narration, celle de la jeune femme, qui délègue ensuite au vieil homme, Michael MORPURGO crée un tissu de réalité qui vient draper peu à peu la fiction et l’Histoire, celle que tout le monde connaît, va venir s’immiscer et prendre une valeur toute concrète.

Plus jamais Mozart est une merveilleuse histoire sur l’amour filial, la puissance de la musique et la force de la vie.

Je caressai la surface polie du bois, qui avait la couleur du miel, du miel bruni sur le devant, et du miel doré en dessous. Je passai mes doigts sur les chevilles noires, le chevalet marbré, la volute si finement ciselée. Je me rappelle qu’il était si léger ! J’étais émerveillé par sa beauté fragile. Je sus aussitôt que toute la musique du monde était cachée dans ce violon, et qu’elle ne demandait qu’à en sortir. Je rêvais d’être celui qui l’en sortirait, je mourais d’envie de poser doucement le violon sous mon menton, de faire vibrer les cordes, d’essayer l’archet. Je voulais le ramener immédiatement à la vie, le faire chanter pour moi, entendre la musique que nous ferions ensemble. Mais lorsque je demandais à ma mère si je pouvais en jouer, elle eut soudain l’air effrayé, me dit que papa pourrait l’entendre de la boutique, et qu’il serait furieux qu’elle me l’ait montré. Il ne l’avait même pas regardé une fois depuis des années. Lorsque je lui demandais pourquoi, elle me rappela ma promesse de ne plus poser de questions. Elle m’arracha quasiment l’instrument des mains, le remit dans son étui, l’enveloppa à nouveau dans la couverture, et le reposa en haut de l’armoire.

Michael MORPURGO, Plus jamais Mozart.

Titre original : The Mozart Question  – Paru en 2006 – Traduit en Français en 2007

Gallimard Jeunesse

76 pages – 12,10€

L’auteur : Michael MORPURGO est né en 1943, à St-Albans, près de Londres.
Enfant, il n’aimait pas lire et préférait le sport. D’ailleurs il travaillait très mal à l’école. Malgré les conseils de son beau-père qui l’encourageait à lire des livres sérieux comme ceux de Charles Dickens, il préférait les bandes dessinées comme Tintin ou Lucky Luke.
Il a suivi un itinéraire peu banal. Après avoir opté d’abord pour le métier des armes (à 18 ans, il obtient une bourse pour entrer à la «Sandhurst Military Academy»), il choisit d’enseigner l’anglais, à Londres.
Il invente sans cesse des histoires qu’il raconte à ses élèves car il a l’impression que les livres qu’il leur lit les ennuient. Chaque jour, ceux-ci écoutent comme un feuilleton la suite de l’histoire. Encouragé par la directrice de l’établissement, Michael propose ses textes aux éditeurs.
En 1978, lui et sa femme, Clare, abandonnent la vie citadine et ouvrent une ferme dans le Devon pour accueillir des enfants de quartiers urbains défavorisés et leur faire découvrir la campagne et les animaux.
Michael Morpurgo explique : «À la ferme, ils travaillent et se sentent utiles, ils vivent de grandes émotions avec les animaux. J’essaie aussi de leur lire des histoires. Parmi « mes » premiers enfants, certains sont devenus professeurs et reviennent me voir avec leur classe ! » Ces enfants travaillent non pas pour jouer mais pour découvrir un autre monde et pour les sensibiliser aux animaux.
C’est la publication de Cheval de guerre, en 1982, qui lance véritablement la carrière d’écrivain de Michael MORPURGO. Il se consacre alors à l’écriture et aux enfants en difficulté. Il est aujourd’hui l’auteur de près d'une centaine de livres, traduits dans le monde entier et couronnés par de nombreux prix littéraires.
Pour chaque roman, il fait un travail d’enquête afin d’être le plus juste et le plus authentique possible.
Michael et Clare dirigent aujourd’hui trois fermes, une dans le Devon, la deuxième au Pays de Galles et la troisième dans le Gloucestershire où ils reçoivent chaque année plus de 3000 enfants. Ils ont été décorés par la reine de l’ordre du « British Empire », en reconnaissance de leurs actions destinées à l’enfance.
Michael MORPURGO partage désormais son temps entre l’écriture, les enfants en difficulté et les îles Scilly où il passe en général ses vacances.
Généreux, chaleureux, il n’hésite pas à aller à la rencontre de son public, fût-il outre-manche : il est souvent accueilli dans les écoles et les bibliothèques françaises et c’est aussi en France que ce père de trois enfants, heureux grand-père de deux petites-filles franco-britanniques, se rend pour de rares vacances.

Site de l’auteur : http://www.michaelmorpurgo.org

14/04/2012

Ce que j'ai vu et pourquoi j'ai menti (J. BLUNDELL)

gallimard jeunesse, blundell, adolescente, meutre, Floride, années quarante« L’allumette a craqué et s’est embrasée. »

Ça commence avec des cigarettes en chocolat et se termine à la manière d’un film noir américain des années quarante. Un hôtel de luxe qui se révèle bien défraîchi, la chaleur étouffante de septembre en Floride, c’est là que se déroule un quasi huis-clos entre un ancien soldat au passé trouble, une femme trop belle, un homme aussi séduisant qu'énigmatique, sous le regard d’une jeune fille de quinze ans... Evie voit tout, observe tout et va quitter l’âge de l’innocence dans une sourde brutalité.

Ce que j’ai vu et pourquoi j’ai menti évolue dans cet univers où les femmes portaient des robes-corolle à la taille étranglée, fumaient avec élégance de longues cigarettes et buvaient des cocktails en fin de journée avec leur mari et des amis. La jeune Evie, fille d’une de ces femmes, une sorte de Lana Turner qui sait dérouler ses jambes interminables pour sortir des voitures décapotables, n’a qu’un rêve : porter du rouge à lèvres et fumer de vraies cigarettes en écoutant Frank Sinatra. Entretenant une relation fusionnelle avec sa mère, elle se sent vilain petit canard et désespère de remplir un jour ses pull over. La rencontre avec le beau et mystérieux Pete va la faire grandir tout à coup, en même temps qu’elle va voir tomber les masques autour d’elle et découvrir une Amérique qu’elle ne soupçonnait pas : ségrégationniste, bien sûr, mais aussi antisémite et puritaine, et des adultes qui ne sont pas du tout ce qu’ils paraissaient être.

Le roman de Judy BLUNDELL se déroule à la manière d’un film noir, avec de belles créatures, des hommes inquiétants, une violence sous-jacente et de la dissimulation partout, jusque dans la narration, puis qu’en adoptant le point de vue d’Evie, l’auteur nous livre une narration biaisée, tout en sous-entendus, et où chacun doit lire – et relire, une fois le rideau tombé – entre les lignes.

Couronné par le National Book Award 2008, Ce que j’ai vu et pourquoi j’ai menti (comment j’ai mentigallimard jeunesse, blundell, adolescente, meutre, Floride, années quarante dans le titre original) est une redoutable mécanique qui vous tient en haleine d’un bout à l’autre de sa lecture.

Maman m’a apporté la robe en la tenant dans ses bras comme un nouveau-né et, délicatement, elle me l’a passée au dessus de la tête. Elle a accroché les agrafes dans le dos et arrangé la jupe d’une main professionnelle. Mrs Grayson a choisi une paire de sandales blanches à talons. J’ai glissé mes pieds dedans mais je chancelais.

- Ne baisse jamais les yeux, m’a lancé Mrs Grayson. Tiens-toi droite !

Je me suis redressée et j’ai relevé le menton.

- Bien !

- Regarde-toi maintenant, a ajouté maman.

J’ai levé les yeux vers le miroir. Je m’attendais à voir une seconde version de maman et, d’une certaine façon, j’espérais que la robe serait avantageusement mise en valeur sur moi. Hélas, ce n’était pas le cas.

- Souris, m’a dit Mrs Grayson. (J’ai souri.) Voilà, tu es superbe.

Elle était sérieuse, pas comme Joe. D’ailleurs, soudain, j’ai pris conscience que lorsqu’il me disait que j’étais jolie, il m’associait toujours à maman, comme si j’étais le lot de consolation et elle le vrai prix. « Bien sûr que tu es jolie, ma fille, tu as vu ta mère ? »

J’ai croisé le regard de Mrs Grayson dans le miroir et j’ai eu la surprise d’y saisir un petit air triste.

- C’est ton tour, Evelyn. A toi de saisir ta chance, m’a-t-elle chuchoté à l’oreille.

Juste une danse. Un seul tour de piste. C’est tout ce que je demandais.

Judy BLUNDELL, Ce que j’ai vu et pourquoi j’ai menti

Gallimard jeunesse

290 pages – 12,20 €

Sorti en poche en 2011 – Pôle fiction – 6,70€

Titre original : What I Sax and How I Lied  – Paru en 2008– Traduit en Français en 2009

L’auteur : Judy BLUNDELL a écrit plusieurs romans pour enfants, adolescents et adultes sous différents pseudonymes. Elle est notamment connue sous le nom de Judy WATSON par les fans des romans dérivés de «La Guerre des Étoiles», car elle est l'auteur des séries à succès des Apprentis Jedi et du Dernier Jedi. Elle a également écrit de nombreuses novélisations de films. Avec Ce que j'ai vu et pourquoi j'ai menti, elle signait sous son véritable nom son premier vrai roman qui obtint, l'année de sa publication, en 2008, le National Book Award. Judy Blundell vit à Katonah, dans l'État de New York, avec sa fille et son mari.

Site de l’auteur : http://www.judyblundell.com

03/03/2012

Ce qu'ils n'ont pas pu nous prendre (R. SEPETYS)

« Ils m’ont arrêtée en chemise de nuit. »

Le 14 Juin 1941 débutèrent les premières déportations des habitants des « Etats baltes », jugés anti-soviétiques par Staline et condamnés à être réduits en esclavage. Ce soir-là, alors qu’elle s’apprête à aller se coucher, Lina est arrêtée avec sa mère et son petit frère de dix ans. Elle a quatorze ans. Elle ne rentrera de Sibérie qu’en 1954…

Entassés dans un camion le temps d’arrêter « tous ceux qui sont sur la liste », puis dans un wagon de train, le groupe composé de femmes seules ou séparées de leur mari dans un autre convoi, d’enfants et de vieillards va d’abord traverser l’Oural jusqu’à un premier camp de travail, dans l’Altaï, avant de finir leur voyage, quatre-cent-quarante jours plus tard, en Sibérie. Traités comme des esclaves, affamés, souffrant de malnutrition et de manque de soins, ils vont tout endurer, l’instinct de vie chevillé au corps. C’est une enfance massacrée, celle de Jonas, le petit frère, devenu grand trop tôt par la force des choses, c’est une adolescence brisée, celle de l’héroïne, Lina, qui devait faire sa rentrée dans une grande école artistique,  c’est, enfin, une famille écartelée où la force de l’amour tente chaque jour de préserver l’essentiel : être ensemble.

Le roman de Ruta SEPETYS est un magnifique roman, aussi brûlant que sont glaciales les steppes sibériennes, où la violence, l’injustice et le Mal sont omniprésents, mais où l’humanité est partout. On suit les aventures de Lina, qui ne lâche jamais, opiniâtre et obstinée jusqu’au bout, la gorge serrée et les larmes aux yeux. Ce qu’ils n’ont pas pu nous prendre met l’accent sur un aspect méconnu de la dictature stalinienne : l’extermination des peuples baltes. Lituanie, Lettonie et Estonie ont perdu plus du tiers de leur population pendant le génocide soviétique et certains, lorsqu’ils rentrèrent chez eux, trouvèrent des Soviétiques installés, s’étant même parfois emparés jusqu’à leur nom !

A la frontière entre la littérature « adulte » et la littérature de jeunesse, Ce qu’ils n’ont pas pu nous prendre est un roman brutal souvent, presque aride, mais emporté par la voix de sa narratrice Lina, qui sait s’emparer du moindre morceau d’écorce pour dessiner et dessiner encore, à la manière de son artiste favori, Munch, laissant autant de cris derrière elle. Et c’est sans doute une des grandes leçons de ce roman poignant : l’art et l’humain tenteront toujours de s’élever contre la violence et la brutalité. « Mon mari, Andrius, dit que le mal gouvernera le monde jusqu’à ce que les hommes et les femmes de bonne volonté se décident à agir. Je le crois. Ce témoignage a été écrit pour laisser une trace ineffaçable et tenter l’impossible : parler dans un monde où nos voix ont été éteintes. »

Récit de la déportation d’un peuple, Ce qu’ils n’ont pas pu nous prendre est surtout un récit universel, le récit de tous les peuples bafoués dans leurs droits d’êtres humains, quelle que soit leur nationalité, leur culture ou leur religion. En donnant la parole à une jeune fille, en brossant des portraits aussi variés que la petite fille que l’on a privé de  sa poupée et frappée parce qu’elle pleurait trop, ou celui de l’ancienne institutrice qui se morfond de ne pouvoir enseigner à des enfants dans la désespérance, Ruta SEPETYS a réussi un roman superbe, dont l’écho résonne longtemps la dernière page tournée.

Mère sort une liasse de roubles de sa poche et la montre discrètement à l’officier qui tend le bras pour la prendre. Après quoi, il dit quelque chose à Mère, ponctuant ses paroles de petits mouvements de tête. Je vois maintenant la main de Mère voltiger pour arracher le pendentif qu’elle porte à son cou et le déposer dans la main de l’officier. Il ne semble pas satisfait. Ce n’est que de l’ambre. Tout en continuant de lui parler en russe, Mère sort de la poche de son manteau une montre à gousset en or. Je connais bien cette montre. C’est celle de son père ; il y a même son nom gravé au dos. L’officier s’en empare d’un geste vif et lâche Jonas pour se mettre à crier après ceux qui se trouvent près de nous.

Vous êtes-vous jamais demandé ce que vaut une vie humaine ? Ce matin-là, mon petit frère ne valait pas plus qu’une montre à gousset.

Ruta SEPETYS, Ce qu’ils n’ont pas pu nous prendre

Scripto - Gallimard

430 pages – 14€

Titre original : Between Shades of Gray  – Paru en 2011– Traduit en Français en 2011

Feuilleter un extrait : http://www.edenlivres.fr/p/11280

L’auteur : Ruta SEPETYS est née dans le Michigan où elle a été élevée dans l'amour de la musique et des livres par une famille d'artistes. Elle étudie la finance internationale et vit quelque temps en Europe (Paris). Puis elle part pour Los Angeles afin de travailler dans l'industrie de la musique. Aujourd'hui mariée, elle vit dans le Tennessee, à Nashville, avec sa famille.

Site du livre : http://www.betweenshadesofgray.com

Interview de l’auteur :


Une rencontre avec Ruta Sepetys par GallimardJeunesse

22/02/2012

Au nom du Père, du Fils et de John Lennon (L. SCHAACK-G. HAMEL)

« Quand j’ai rencontré Cornelius Caine, je rentrais juste d’un concert dans la ville de High Wycombe, pas très loin de Londres. »

Celui qui prononce ces mots, c’est Chris, un des multiples narrateurs de cette histoire. Lui, c’est un mods, un prolo, dont la route va croiser un soir celle d’un gosse de riche, Cornelius Caine, un jeune aristocrate bègue et névrosé qui se morfond dans un collège huppé jusqu’à ce que sa grand-mère Théodora l’en extirpe. Elle va charger sa nièce Alice, une jeune londonienne mannequin à ses heures, de l’initier à ce « swinging London » qui débute. Cornélius va alors rencontrer les Beatles et notamment le plus imprévisible d’entre eux, John Lennon, avec qui il va nouer une drôle de relation…

« Roman Pop Sixties », tel est sous-titré cet étonnant Au nom du père, du fils et de John Lennon qui nous fait entrer, à la suite du jeune Cornelius Caine, dans l’univers des Beatles, de Bob Dylan et des Rolling Stones. C’est tout un pan de l’histoire de la musique qui défile sous nos yeux, mais avec personnages qui ne sont pas encore des légendes, seulement de jeunes adultes un peu trop vite poussés en graine.

Si la peinture de ce Londres de 1964-1965 est remarquablement bien restituée, on s’attache surtout au personnage de Cornélius, pauvre petit garçon riche, fils d’un soldat américain reparti retrouver sa famille en 1945) et qui ne cesse de se chercher. Affligé d’un handicap – il est bègue – trop grand, trop long, il va devenir photographe, guidé par sa passion de la musique rock. Autour de lui gravite une galerie de personnages représentative de l’époque, pauvres et riches mêlés, mannequins et garagistes, managers et musiciens ratés, qui chacun à leur tour prenne la parole pour donner leur version des faits.

Cela donne un sympathique roman, bien rythmé (c’est la moindre des choses), qui restitue la fraîcheur et la naïveté de cette époque, cette manière de croire que tout était possible et que le monde appartenait à ceux qui voulaient le changer.

Historique et musical, pop et « in », ce Au nom du père, du fils et de John Lennon est aussi instructif que divertissant.

Je ne sais pas si les gens s’en rendent vraiment compte, mais c’est une telle aubaine de pouvoir vivre sa jeunesse dans l’Angleterre de 1964 !

Il me suffit de regarder comment tous ces jeunes gens sont vêtus aujourd’hui. La métamorphose est flagrante lorsqu’on se promène dans Londres. Il y a quelques mois encore, les hommes d’affaires s’habillaient comme des hommes d’affaires, les ouvriers comme des ouvriers et les ménagères… eh bien, comme de vieilles ménagères ! Tout était bien rangé, étiqueté depuis des lustres. Les femmes étaient des femmes, et les hommes, des hommes. A présent, tout se mélange et se confond. Et je me régale… Cela fait tant d’années que je me bats pour que tombent les barrières qui séparent les sexes ! Les jeunes garçons se maquillent les yeux, les filles se coupent les cheveux. Plus vous avez l’air androgyne, plus vous êtes « in », comme dit cette génération… Les jeunes mods qui travaillent dans les usines sont plus élégants que les paris du Royaume. Les dactylos sont plus à la mode que les riches héritières.

Laurence SCHAACK – Goulven HAMEL, Au nom du Père, du Fils et de John Lennon.

Backstage -

240 pages – 10,50€

Paru en 2012

Feuilleter les premières pages : http://www.nathan.fr/feuilletage/?isbn=9782092528679

Les auteurs :

Laurence SCHAACK est auteure de romans adultes et jeunesse et de documentaires pour enfants. Elle a également été journaliste radio et de presse écrite pendant quinze ans.

Goulven HAMEL est musicien rock, journaliste pigiste, auteur de plusieurs romans. Il enseigne également l’histoire de la musique.

11/01/2012

L'Etang aux libellules (E. IBBOTSON)

« - Pleurer à ton âge ! s’exclama Tante Hester d’un ton de reproche. Tout de même, à cinquante-deux ans, on ne pleure pas. »

Londres, 1939. La jeune Tally, onze ans, a obtenu une bourse pour intégrer une école dans le Devon. D’abord paniquée à l’idée de quitter son père et ses tantes aimantes, elle va découvrir Delderton, un établissement plutôt progressiste pour son temps qui vise en premier lieu l'épanouissement des élèves. A l’occasion d’un voyage d'échange scolaire avec le petit pays de Berganie, en Europe centrale, l’Histoire va soudain s’accélérer : le roi qui s'oppose à Hitler est assassiné. Son fils est en danger. Menés par Tally, tous vont s’unir pour lui permettre de quitter le continent.

Uchronie sur le principe (un état imaginaire, une situation qui pourrait être), cet Étang aux libellules est un très beau roman humaniste et optimiste, qui évoque la question de la résistance face à l’oppression : c’est parce qu’elle a vu un reportage sur la Berganie, petit pays qui refuse de plier face à Hitler, quand tous les grands d’Europe l’ont fait que Tally a voulu que son école participe au festival organisé là-bas, malgré les dangers encourus. L’attitude des enfants tout au long du livre s’oppose à celle des adultes, faite de concessions, de renoncements et de rigidité au nom d’une tradition qui n’a plus lieu d’être.

On ne peut qu’être touchés par chacun des personnages, depuis ceux des enfants, bien sûr, que ce soit la petite fille de célébrité abandonnée dans son pensionnat au jeune garçon qui aurait voulu « être dans une école normale » et jouer au cricket, jusqu’aux adultes, avec notamment le mystérieux Matteo. Quant à Tally et Karil, ils révèlent chacun à leur manière une maturité impressionnante et pourraient en remontrer à bien des adultes.

L’Etang aux libellules est un récit initiatique, la chronique d’une résistance et la conquête d’une liberté, à la fois individuelle et collective.

- Je ne veux critiquer personne, mais qu’est-ce que cette école exactement ? On parle d’une école progressiste, et je connais le sens du mot progresser – du moins, je pense. Ça veut dire aller d’un endroit à l’autre. Mais où ?

- Ah, c’est une bonne question, répondit le directeur, l’air soudain pensif. Eh bien, nous voulons que les enfants prennent leur vie en main. Qu’ils choisissent ce qui est bon pour eux plutôt qu’on le leur impose.

- Oui, je vois. Mais pour ça, il faut savoir ce qui est bon.

- Et tu ne crois pas que chacun le sait ?

- Si, en général. Mais est-ce que… l’école dans son ensemble ne devrait pas aller d’un endroit à un autre ? Vers un endroit meilleur… puisqu’elle est progressiste ? Enfin, le monde n’est pas très bon, n’est-ce pas, avec la guerre qui arrive et tout ça ?

Daley resta silencieux. L’enfant avait certainement raison en ce qui concernait l’état du monde. Pendant un instant, il vit ce qu’elle voyait : toute l’école s’avançant comme une armée vengeresse du côté du Bien.

Eva IBBOTSON, L’Etang aux libellules.

Nathan

460 pages – 17€

Titre original : The Dragonfly Pool  – Paru en 2008– Traduit en Français en 2011

L’auteur : Née à Vienne en 1925, Eva IBBOTSON a vécu en Angleterre, où elle a rencontré un très grand succès. Elle est célèbre pour ses romans jeunesse, notamment Reine du fleuve et L’Étoile de Kazan, publiés en France. Avec L’Étang aux libellules, elle a remporté le School Library Journal Best Book of the Year 2008. Récemment disparue – en octobre 2010 –, Eva IBBOTSON a reçu un hommage unanime de l’ensemble de la presse anglaise.