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11/01/2011

Tour B2 mon amour (P. BOTTERO)

« La détonation avait longuement résonné entre les immeubles. »

Tristan vit à Vienne, dans une cité. Autrefois, lorsque ses parents vivaient encore ensemble, cela devait être transitoire. Bientôt, ils déménageraient dans un pavillon, avec une balançoire dans le jardin. Et puis son père est parti, et Tristan vit désormais seul avec sa mère. Tour B2. Elle rentre tard, épuisée par son travail, il traîne avec ceux qu’il ne devrait pas fréquenter. Et se refuse à céder à la tentation. Celle de l’argent facile car illégal. Et puis un jour, Clélia débarque dans cette cité. Elle n’y a jamais vécue, aime la nature et, surtout, les livres. C’est un autre monde que Tristan va découvrir…

Résumée ainsi, l’histoire a tout du cliché. Et cependant, Pierre BOTTERO réussit une histoire sensible, un Roméo et Juliette au pays des banlieues. Tout y est : la maladresse adolescente, la peur du regard de l’autre, l’émoi (et l’effroi) face à de nouveaux sentiments, l’évocation est aussi subtile qu’efficace. Le personnage de Tristan, prisonnier d’une situation qu’il n’a pas voulu et dans laquelle il s’enlise peu à peu, est particulièrement intéressant.

Choisissant de se tenir aux côtés de Tristan la plupart du temps, la narration se permet quelques intrusions dans le journal intime de Clélia, ce qui facilité la compréhension des deux. La langue est fluide, naturelle, spontanée. Ce roman est une jolie réussite.

Et maintenant, il était paumé. Déchiré entre des pulsions contradictoires, il ne savait que penser. L’image de Clélia se superposant à celle de ses copains, les accents de sa voix, ses mots formant une cacophonie avec le langage de la cité, il ne savait qu’écouter. Son passé luttant contre un futur à peine esquissé, il ne savait que croire.

Pierre BOTTERO, Tour B2 mon amour.

Tribal – Flammarion

155 pages – 7€

Paru en 2004

Sorti en poche en 2010 – 6,65€

L’auteur : Pierre BOTTERO habitait en Provence et a exercé, pendant longtemps, le métier d'instituteur. Grand amateur de littérature fantastique, convaincu du pouvoir de l'Imagination et des Mots, il a toujours rêvé d'univers différents, de dragons et de magie. Pierre BOTTERO est décédé le dimanche 08 novembre 2009 dans un accident de moto.

27/12/2010

Le Monde de Marcelo (F. X. STORK)

« - Marcelo ? Tu es prêt ?

Je lève mon pouce : cela veut dire que je suis prêt.»

Marcelo a dix-sept ans. Très beau, très intelligent, il est cependant différent des autres et est élève d’une institution spécialisée, Paterson. Il souffre du syndrome d’Asperger, une forme légère d’autisme. Mais cet été-là, son père, brillant avocat, a décidé de le faire entrer « dans le monde réel » : il va travailler au cabinet et se confronter à la normalité. Le jeune homme va faire de nombreuses découvertes, apprendre à surmonter ses peurs et, finalement, entrer dans le monde adulte.

C’est un roman profondément humaniste qu’a écrit Francisco X. STORK. Ce n’est pas un roman sur le handicap et les manières de le surmonter, ni même sur l’intégration, c’est tout simplement l’histoire d’êtres humains, avec leurs failles, leurs défauts, leurs fragilités et, surtout, leurs qualités. Marcelo SANDOVAL est différent, c’est-à-dire qu’il a besoin de plus de temps pour agir, qu’il doit peser le pour et le contre, qu’il doit dépasser les multiples obstacles qui se dressent devant lui, mais il n’en est pas moins fin, intelligent et sensible. Il est celui qui démasque, dans tous les sens du terme : traquant le sens propre dans le figuré, étudiant les expressions de chacun, ne pouvant faire une tâche que lorsque la précédente est complètement accomplie.

C’est un Pur, marionnette simplette pour les uns, être précieux pour d’autres. A travers le roman, c’est son apprentissage qu’il va faire, celui de la vie, celui de l’autonomie, celui de la difficile prise de décision. Celui des renoncements aussi.

Rendant Marcelo narrateur de sa propre histoire, Francisco X. STORK transcrit admirablement son fonctionnement, sa manière d’être et de penser et, surtout, son intrinsèque bonté. Son héros rend les autres meilleurs car il va chercher en eux ce qu’ils ont de meilleur, mais les autres personnages ont eux aussi leur part d’ombre et de lumière. Le message transmis par ce roman est beau, tout simplement, et l’on ressort comme purifié de sa lecture. Régénéré.

- Il y a des choses que je suis incapable de faire, même si je le veux.

- Quoi, par exemple ?

- Il y a tant de choses avec lesquelles j’ai énormément de difficultés. Je ne peux pas me rendre dans un lieu inconnu sans plan. Je me trouble quand on me demande de faire plus d’une chose à la fois. Les gens emploient des termes que je ne comprends pas ou on des expressions du visage impossibles à décrypter. Ils attendent de moi des réponses que je ne peux leur fournir.

- Peut-être que si tu ne peux faire tout cela, ce n’est pas parce que tu n’en as pas les capacités, mais parce que tu ne t’es jamais trouvé dans la situation où tu devais les faire.

Francisco X. STORK, Le Monde de Marcelo.

Gallimard Jeunesse

380 pages – 13,50 €

Titre original : Marcelo in the real world – Paru en 2009 – Traduit en français en 2010

L’auteur : Francisco X. STORK est né au Mexique et vit aux USA depuis l'âge de neuf ans. Il a étudié au Latin American Litterature à Harvard après Columbia University. Il vit actuellement avec sa femme à Boston.

Blog de l’auteur (en anglais) : http://www.franciscostork.com/blog

19/12/2010

La Vie extraordinaire des gens ordinaires (F. COLIN)

« Depuis huit mois, passionnément, je me tenais à son chevet. Poète : ainsi l’avais-je baptisé, sentant, dès le premier regard, que rien, jamais, ne lui conviendrait mieux.»

Décidé à « faire quelque chose pour (s)on prochain », Fabrice COLIN a décidé de s’engager dans une association d’aide aux malades et, ce faisant, est entré en contact avec un mystérieux personnage qu’il a baptisé « le poète ». Incurablement malade, il va confier à Fabrice une épaisse enveloppe. Sa mission : lire, lire, et, si ça lui plaît, se débrouiller pour en faire un livre. Ainsi est née La Vie extraordinaire des gens ordinaires, recueil de vingt-et-une nouvelles mettant en scène des personnages étonnants, quoiqu’absolument « normaux » en apparence. Mais où est la normalité ?

Reprenant la formule qu’il a déjà utilisé dans sa saga Mendelson, à savoir se mettre en scène lui-même à l’intérieur de son ouvrage, Fabrice COLIN nous propose ici un livre tout à fait surprenant, recueil de textes entre nouvelles et chroniques, récit d’un voyage autour du monde à la recherche d’humains ordinaires plus extraordinaires les uns que les autres. Qu’il s’agisse de l’homme qui a vu des hommes dans les nuages, du plus fabuleux restaurant du monde ou de l’héritière aux chats, le romancier excelle à brosser des portraits sur le fil, celui de gens en apparence tout à fait normaux mais qui vivent cependant à la lisière du surnaturel, dans une étrangeté pas si inquiétante que cela.  De pures nouvelles fantastiques, en somme.

L’écriture est, comme toujours, précise et impeccable, les personnages sont suffisamment farfelus pour être attachants, avec cette pointe de désespoir et de résignation qui fait l’homme. La Vie extraordinaire des gens ordinaires est un livre que l’on repose avec un étonnant sentiment, celui d’avoir lu un ouvrage atypique, fragile et lumineux. Inclassable en tout cas.

Le poète entendait montrer aux gens que la vie vaut la peine d’être vécue. C’était un rêveur, un idéaliste. Les rêveurs et les idéalistes finissent leurs jours dans la solitude et l’affliction : c’est là une triste vérité. Leurs histoires, néanmoins, leur survivent et sont libres.

Tout comme, naturellement, vous êtes libres d’y croire.

Fabrice  COLIN, La Vie extraordinaire des gens ordinaires.

Flammarion

340 pages – 13€

Paru en 2010

L’auteur : Né en 1972, Fabrice COLIN est un auteur prolifique et reconnu de Fantasy. Il a publié de nombreux romans, romans graphiques, BD et nouvelles en jeunesse et en adulte. Il a été primé pour : Le Cycle d'Arcadia : Vestiges d'Arcadia, prix Ozone 1999 (Meilleur roman de fantasy francophone). Dreamericana, Grand Prix de l'Imaginaire 2004 (catégorie Roman français). CyberPan, Grand Prix de l'Imaginaire 2004 (catégorie Roman jeunesse)

Site internet : http://dreamericana.free.fr/fabricecolin.htm  

Blog : http://fabrice-colin.over-blog.com

24/11/2010

La Belle Adèle (M. DESPLECHIN)

« - Tu ne peux pas faire un petit effort ?

Dans mon souvenir, c’est la phrase qui a tout déclenché. »

Adèle est différente. Parmi les filles de sa classe, au collège, elle est la seule qui ne s’intéresse ni aux vêtements ni au maquillage. Une extra-terrestre. Comme Frédéric, son meilleur ami depuis la maternelle. Lui, c’est sa gentillesse son plus gros défaut ; et son côté « intello ».  Le résultat, c’est que les deux sont mis au ban du groupe, malmenés à l’occasion, et que tout le monde trouve ça normal. Jusqu’au jour où les deux amis vont avoir l’idée de se rebeller et de prendre les autres à leur propre piège…

Désormais, ils seront un couple ! Arriveront au collège en se tenant tendrement la main. Resteront discrets sur leur relation, provoquant autant de commérages que d’interrogations. Sauf que le petit couple ne va pas longtemps rester discret.

Une bulle légère, voilà ce que propose Marie DESPLECHIN avec cette Belle Adèle. Le ton est alerte, la narration vive, et les péripéties se déroulent avec fluidité. Ce roman plein d’humour a d’abord été publié en feuilleton à l’initiative de SmartNovel, ceci expliquant cela. Ce qui ne l’empêche pas d’être incroyablement juste quant aux relations des adolescents entre eux et la peinture de cet univers « collégien » extrêmement conformiste et soucieux du regard des autres.

En présentant deux adolescents qui vont finalement jouer le jeu qu’on leur demande, pour mieux s’en détacher, c’est une jolie leçon qu’elle donne aux enfants-adolescents d’aujourd’hui, un peu empêtrés dans toutes ces contradictions qui les assaillent. Tout au plus pourrait-on lui reprocher une fin un peu belle pour être vraie, mais bon, il est parfois bon de rêver un peu...

Un certain nombre de gens, qui d’habitude ne se donnaient même pas la peine de lever la tête pour nous saluer, nous fixaient maintenant avec des yeux de poissons. Leurs regards allaient de nos mains à nos visages, en essayant de trouver une explication raisonnable à ce qu’ils voyaient. Nos sourires passaient pour une manifestation visible de notre nouvelle condition : nous étions transfigurés par le rayonnement de l’amour. Tout cela se déroulait sous un frais soleil de printemps et j’avais le sentiment étrange d’interpréter le premier rôle dans une publicité télévisée pour des chewing-gum.

Enfin, nous sommes arrivés devant la porte du collège. Frédéric m’a lâché la main.

- Je crois que ça suffit. Si on en fait trop, on va perdre notre crédibilité.

Marie DESPLECHIN La Belle Adèle.

Gallimard Jeunesse – Hors-série Littérature

156 pages – 8,50€

Paru en 2010

A lire : une interview de l’auteur pour expliquer sa démarche : http://www.smartnovel.com/video.php?idv=2

L’auteur : Marie DESPLECHIN vit et travaille à Paris. Elle a trois enfants. Auteur de nombreux livres pour enfants et adolescents, comme Verte et Le Journal d'Aurore, elle écrit aussi pour les adultes. La Vie sauve, écrit avec Lydie Violet, a obtenu le Prix Médicis Essai en 2005. Marie DESPLECHIN s'intéresse à de multiples domaines et travaille avec des artistes de différentes disciplines, comme Carolyn Carlson pour la création du spectacle «Le Roi penché». Elle a étudié les lettres classiques et le journalisme et travaille toujours pour la presse.

19/11/2010

Un Endroit où se cacher (J. C. OATES)

un-endroit-ou-se-cacher-10.jpg« Suis allée quelque part et, à mon retour, maman n’était plus là. »

Jenna est l’unique rescapée d’un accident de voiture qui a vu périr sa mère. Lorsqu’elle revient à elle, baignant « dans le bleu » de l’inconscience médicamenteuse, elle est en miettes, physiquement et moralement. Sa famille éclatée se presse autour d’elle et, déjà, elle exprime ce qu’elle veut : ne pas partir vivre avec son père, parti refaire sa vie en Californie et qui les a tant fait souffert, sa mère et elle. C’est donc sa tante Caroline qui va l’accueillir dans sa famille. Changement de maison, de lycée, d’amis, de vie, tout est brutal pour Jenna qui ne parvient pas à s’adapter. Sans compter la douleur, physique et morale, et les calmants auxquels elle n’a bientôt plus droit…

Joyce Carol OATES a réussi avec cet Endroit où se cacher à se glisser dans la peau d’une adolescente meurtrie qui ne parvient pas à saisir les mains qui se tendent. A la fois entourée et très seule, son héroïne se débat entre la tentation du vide et la lucidité qui fait qu’elle se voit agir mais ne peut s’empêcher de se laisser glisser sur la pente dangereuse.

L’écriture est hachée, mêlant monologue intérieur et narration plus classique, mais cependant jamais le lecteur n’est perdu car un fil invisible sous-tend l’ensemble.  Et c’est de cette tension entre le désir de retour vers « le bleu », cet état d’origine, celui où elle retrouverait sa mère, et l’appel de la vie, avec l’amour des siens, qu’elle perçoit ne peut accepter, que naît tout l’intérêt de l’histoire. Roman subtil, difficile parfois, c’est un très beau témoignage du travail de deuil et de résilience.

Ne me parlez pas ne me touchez pas !

Je m’efforce de me rappeler que je l’aime, ma « nouvelle » famille.

Ma tante Caroline et mon oncle, Dwight McCarty. Mes petits cousins Becky et Mikey.

Et ma nouvelle chambre, la chambre d’amis du premier étage, où j’avais coutume de dormir quand maman et moi venions rendre visite aux McCarty. Soudain, alors que je commence à défaire mes bagages et à pendre mes affaires dans le placard, je réalise que la dernière fois que je me suis trouvée dans cette même chambre à défaire ma valise, en août il y a un an de ça, maman était tout près… En train de défaire ses bagages dans sa chambre à elle, peut-être, ou en bas, avec tante Caroline. J’ai reformulé mon souhait, rouge de colère : je veux qu’on me rende ces moments-là !

Le temps présent, je le déteste. Je tremble et j’ai la nausée.

Joyce Carol OATES, Un Endroit où aller.

Wiz – Albin Michel

300 pages – 13,50 €

Titre original : After the Wreck, I picked myself up, spread my wings and flew away – Paru en 2006 – Traduit en français en 2010

L’auteur : Auteur de nombreux best-sellers, Joyce Carol OATES a commencé à écrire à quatorze ans. Elle a publié des romans, des essais, des nouvelles et de la poésie. Son roman  Blonde, inspiré de la vie de Marylin Monroe, a connu un immense succès. Joyce Carol Oates enseigne également la littérature à l'université de Princeton.

Site internet : http://www.harpercollins.com/author/microsite/about.aspx?authorid=7275