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14/09/2011

Le Soleil et la Mort (E. FONTENAILLE)

« Je m’appelle Ulysse, j’ai quinze ans et je veux mourir. »

Il n’est pas heureux, Ulysse, et il n’a pas l’intention de faire un beau voyage… Lui, ce qu’il veut, c’est mourir. En finir avec ce sentiment que tout s’acharne contre lui : la mort de son grand-père, qui l’a élevé après le décès de sa mère, puis celle de son chat, un père qu’il connaît à peine et ne le comprend pas, une belle-mère insupportable, il est seul au monde et veut le quitter. Pourtant, c’est en cherchant à en sortir qu’il va faire des rencontres inattendues…

Le roman d’Elise FONTENAILLE tente de concilier deux choses : prévenir et guérir. En choisissant d’évoquer le suicide chez les jeunes, elle met à bas l’idée reçue que, « quand on est jeune, on ne pense qu’à s’amuser ». Ici, aucune insouciance, aucune légèreté, ses personnages broient du noir et s’y complaisent. La difficulté de l’entreprise résidait dans le fait qu’il fallait se confronter à l’idée sans toutefois faire naître des vocations chez les adolescents qui la liront.

Le Soleil et la Mort s’avère de ce point plutôt réussi : en donnant la parole à Ulysse, l’adolescent mal dans sa peau, elle permet au lecteur de créer une complicité avec lui et l’entraîne peu à peu de l’autre côté, lui faisant partager son évolution. Car c’est dans la découverte des autres qu’Ulysse va peu à peu se découvrir lui-même. Le roman souligne également toute l’influence que peut exercer un aîné, plus cultivé, plus averti et… plus manipulateur.

Récit d’une rébellion, récit d’initiation, Le Soleil et la Mort a le mérite d’interroger et de susciter le débat. De surcroît, sa brièveté saura attirer les lecteurs plus occasionnels, désireux cependant de lire l’histoire d’un adolescent mal dans sa peau et qui ne sait où se cacher.

Je me levais la nuit pour chercher à manger, je bouffais n’importe quoi devant mon écran, je m’en foutais, je passais ma vie en ligne, seul avec mes idées noires… Je tapais des mots cool comme : suicide, mort, comment-mettre-fin-à-ses-jours-sans-(trop)-souffrir… Le nombre de sites consacrés au suicide… on n’imagine pas. Dès qu’on a les mots clés, on a l’impression que la planète ado ne pense qu’à se flinguer. Les gens croient qu’on ne pense qu’au sexe à quinze ans, eh bien pas du tout : on ne pense qu’à la mort. Photos de cadavres partout, faits-divers atroces, vidéos horribles…

Une nuit, je suis tombé sur un site moins gore que les autres : le Soleil et la Mort. C’était comme un club. Sur le Soleil, il y en avait toujours un qui était réveillé, même au milieu de la nuit, on chattait 24 heures sur 24.

Elise FONTENAILLE, Le Soleil et la Mort.

Grasset – Jeunesse

100 pages –8€

Paru en 2011

L’auteur : Élise FONTENAILLE a suivi des études de sociologie et est devenue journaliste à Vancouver au Canada, puis à Paris pour le magazine Actuel.

En 1995, elle se concentre sur l’écriture avec un premier roman publié chez Grasset, La gommeuse. Son style y est percutant, composé de phrases très courtes et de mots simples.  (source Ricochet)

Pace Facebook du livre: http://www.facebook.com/pages/Le-soleil-et-la-mort-Elise-Fontenaille/256743181018092?sk=wall

31/08/2011

Silence (B. SEVERAC)

« 7h54

Les chiffres du radioréveil se croisent, montent et descendent. »

Lorsque Jules se réveille, il est à l’hôpital. Il sort d’un coma où l’ont plongé deux cachets d’extasy achetés à la sauvette, à un ami d’ami, et avalé pour impressionner une fille. Depuis, il est sourd. Il a quinze ans, il est seul dans sa chambre à ressasser ses idées noires et fâché avec ses parents qui lui reprochent de leur avoir menti et qui ne lui font plus confiance. Quand en plus la police s’en mêle…

Le roman de Benoît SEVERAC est un roman édifiant. Court et brutal comme un coup de poing en pleine poitrine, il n’épargne rien ni personne et surtout pas les bons sentiments. Par son insouciance, le héros s’est condamné et a condamné sa famille à une vie toute autre que celle qu’ils espéraient tous. Et inutile d’attendre une bonne surprise à la fin, tout se passe comme dans la vraie vie. C’est-à-dire souvent mal.

Silence est un roman d’initiation. Un roman où le héros entré adolescent plein d’inexpérience en ressort un peu plus vieux et un peu plus aguerri, mais pas nécessairement plus heureux pour autant. Car c’est le deuil de l’enfance et des illusions  qu’aura dû faire le héros. Apprendre que les amis d’enfance ne sont pas toujours que l’on aurait voulu qu’ils soient – ou qu’ils restent, que les histoires d’amour ne se déroulent pas toujours comme on le voudrait et que les parents ne sont pas toujours les empêcheurs de tourner en rond que l’on croit.

Plutôt court, facile d’accès, Silence est un roman qui se dévore d’une traite et laisse des abîmes de réflexion derrière lui. « On ne cherche pas à te faire culpabiliser. On veut que tu prennes conscience de certaines choses. Il n’y a que comme ça que tu pourras te reconstruire. »

- Je te propose de travailler à partir de cette liste.

Jules met ses sourcils en point d’interrogation.

- Tu remplaces chaque petit plaisir perdu / par un petit plaisir de substitution, / chaque activité devenue impossible / par une activité de substitution possible pour un sourd.

- De substitution ?

- De remplacement. Que tu pourras faire à la place de.

- Par exemple ?

- Ton premier point : écouter de la musique. / Remplace la musique par une autre activité artistique. Quelque chose que tu voudrais explorer. / La peinture, par exemple.

- Beurk.

Damien tourne les paumes des mains vers le ciel et incline la tête, l’air de dire : « Ah, ça, mon gars ! » puis il prend le stylet :

- Il va falloir t’intéresser à des choses nouvelles.

- Ma passion, c’est la musique.

- Tu en entretiendras le souvenir, mais…

Jules n’attend pas que Damien finisse sa phrase :

- Je ne pourrais pas vivre sans musique.

Damien essaie d’écrire aussi vite qu’il peut :

- Il te faudra pourtant.

Benoît SEVERAC, Silence.

Syros – Rat noir

150 pages –11,90€

Paru en 2011

L’auteur : Benoît SEVERAC est romancier et professeur d’anglais à l’École vétérinaire de Toulouse. Il a compris très tard qu’il écrivait depuis toujours. Il s’est trompé en se croyant un temps photographe, il a abandonné le reflex pour le clavier et s’en porte mieux, mais il en a gardé quelque chose : une efficacité dans la description peut-être, une façon de rendre une ambiance par le cadre. Quoiqu’il en soit, ses romans sont toujours très « visuels ». Silence est son premier roman-jeunesse.

Blog de l’auteur : http://benoit.severac.over-blog.com

SELECTIONNE POUR LE PRIX DES INCORRUPTIBLES 2012-2013 - CATEGORIE 3°-2nde

14/08/2011

Ma rencontre avec Violet Park (J. VALENTINE)

« Le bureau de la compagnie de taxis se trouvait en haut d’une ruelle pavée, bordée de part et d’autre de rangées de maisons basses. »

Lucas SWAIN est un adolescent de quinze ans qui vit à Londres avec sa mère, sa grande sœur et son petit frère. Leur père, Pete, brillant journaliste, a disparu un beau jour avant la naissance de Jed, le petit dernier, les laissant dans le doute, l’expectative, l’angoisse et la colère. Lucas avait dix ans à l’époque,  il se souvient de bribes de son père, qu’il tente de faire revivre en portant ses vêtements et affectant son allure.

Mais une rencontre va tout changer : celle de Violet Park. Ou plus exactement de l’urne contenant ses cendres, abandonnées dans un taxi. De fil en aiguille, cette Violet va mener Lucas beaucoup plus loin qu’il ne l’aurait cru…

Ce premier roman de Jenny VALENTINE est une petite merveille de subtilité. A travers un fil conducteur presque farfelu, il nous amène à explorer la psychologie adolescente, les rapports parents-enfants, la relation à la mort, tout en conservant fantaisie et humour.

Ma rencontre avec Violet Park évoque presque avec légèreté des faits graves, lourds, et plonge dans les secrets de famille absolument inattendus. Roman d’apprentissage qui voit le héros devenir (presque) adulte et apprenant à vivre avec les failles et les parts d’ombres des siens, roman d’amour aussi puisque Lucas va vivre sa première vraie histoire, roman familial enfin, car Jenny VALENTINE dépeint avec beaucoup de sensibilité les rapports entre petits-enfants et grands-parents.

Écrit à la première personne, Ma rencontre avec Violet Park saura toucher filles et garçons par ses préoccupations et sa manière de traiter les choses et les gens.

Il y a une minute encore, ces pensées ne m’étaient jamais venues à l’esprit, et maintenant, j’étais vraiment et sincèrement préoccupé par ce que pouvait être la vieillesse, quand on est coincé à Londres, où tout le monde bouge plus vite que vous, et où la chose la plus simple peut vous prendre toute la journée.

C’était à cause d’elle. Je sais que c’était à cause d’elle, de ma vieille dame, de celle qui était morte et qui se trouvait dans l’urne.

Je me revois assis là, sur la colline, tandis que les cerfs-volants traversaient l’air avec un bruit cinglant derrière moi, me demandant soudain si nous n’étions pas en train d’avoir une sorte de conversation, elle et moi. Une vieille dame morte, du haut de son étagère, essayait de m’apprendre qui étaient les gens de plus de soixante ans. C’était une sensation agréable, à fleur de peau, comme celle qu’on ressent lorsqu’on écoute un super morceau de musique, qu’on plane un peu et qu’on est assis à côté de quelqu’un de très attirant.

Jenny VALENTINE, Ma rencontre avec Violet Park.

Ecole des Loisirs - Médium

231 pages – 11€

Titre original : Finding Violet Park  – Paru en 2007 – Traduit en français en 2010

L’auteur : Pour rien au monde, Jenny VALENTINE ne renoncerait à l’une de ses activités. Le jour, elle vend des produits bio dans le  magasin d’alimentation qu’elle vient d’ouvrir dans une bourgade du Pays de Galles. Le soir, une fois ses enfants couchés, cette jeune auteur, épouse du musicien Alex VALENTINE, écrit des romans. Et cela lui réussit plutôt bien.
Son premier livre, Ma rencontre avec Violet Park, s’est vu décerner en 2007 le Guardian Children’s Fiction Price.

11/08/2011

Rien que ta peau (C. YTAK)

« Tais-toi, écoute, il y a des gens qui marchent sur la berge. »

Elle s’appelle Ludivine, déteste son prénom et, pour tout le monde, est un peu simplette. Elle a dix-sept ans, est obsédée par les couleurs et va dans un « lycée pour débiles ». En revenant un soir, elle a rencontré Mathis et ce fut le coup de foudre. Brutal, dérangeant et irrépressible. Parce qu’elle est différente, un peu lente, on lui dénierait le droit de désirer, de choisir, de se donner ?

Court roman d’à peine quatre-vingt pages, Rien que ta peau est une histoire sensuelle, presque sauvage et absolument pure. La parole est donnée à Louvine, cette adolescente un peu différente qui se raconte peu à peu, et cette parole fluide, à la fois limpide et obstinée, nous donne à voir, à comprendre une histoire que l’on aurait pu un peu trop rapidement juger autrement.

Cathy YTAK sait trouver les mots justes ; les émotions sont restituées au millimètre près, et l’âpreté du paysage jurassien enneigé est si bien suggérée que l’on croit sentir encore l’odeur du feu de bois longtemps après avoir refermé le livre. Parents qui ne comprennent rien, hostilité du monde entier, l’histoire de Mathis et Louvine, nouveaux Roméo et Juliette, ne laissera indifférent ni grands adolescents ni jeunes adultes. Ni adultes tout courts, d’ailleurs…

Ce qui m’a décidée, c’est l’oiseau… Tu te souviens ? Un soir, alors que la lune brillait sur la neige et éclairait comme un lampadaire, tu as trouvé un oiseau sur le bord du chemin. Son aile était casée et il allait mourir de froid, ou bien être mangé par un autre animal. Tu l’as recueilli dans tes mains. Il s’est un peu débattu et tu t’es mis à lui parler, tout doucement. Tu lui as dit : « Tu n’as rien à craindre de moi. J’ai de grandes mains mais elles sont chaudes et, tu sais, elles ne te feront pas de mal. Tu as eu peur, tu as senti le froid t’engourdir, mais c’est fini, je suis là, je ne te laisserai pas tout seul. Là, je ne peux pas réparer ton aile, alors je vais t’emmener avec moi. Mais tu verras : tout ira bien. Et tu pourras voler de nouveau, bientôt. » Et de ta main libre tu as caressé très doucement la tête du petit oiseau blessé, et il s’est apaisé, comme s’il avait compris. Et c’est pour ça que je t’ai dit oui. Pour ta douceur envers l’oiseau. Je savais qu’avec moi ce serait pareil.

Cathy YTAK, Rien que ta peau.

Acte Sud Junior

80 pages – 7,80€

Paru en 2008

L’auteur : Cathy YTAK écrit aussi bien pour les enfants (Rendez-vous sur le lac, éditions de La cabane sur le chien) que pour les ados, dans la collection « D'une seule voix » (Rien que ta peau et 50 minutes avec toi) et les adultes (Le cimetière d'Arhus, éd. Thierry Magnier, 2004). Elle partage son temps entre la région parisienne et un petit village du Haut-Doubs.

Site de l’auteur : http://www.cathy-ytak.net

Blog de l’auteur : http://www.ytak.fr

A propos de la collection « D’une seule voix » : « J’avais depuis longtemps l’idée de cette collection avec Thierry MAGNIER. J’ai toujours pensé que le monologue intérieur était justement adapté à l’adolescence, cet âge où on oscille entre le silence derrière la porte close et le cri jeté. C’est un âge où la parole a besoin de trouver son souffle, son chemin. Une parole forte, le plus souvent née d’une émotion contenue. La difficulté avec le monologue intérieur, c’est qu’il se situe sur un territoire d’écriture particulier : ce n’est pas un récit à la première personne même si on y « raconte » quelque chose ; c’est une forme exigeante – courte car l’intense ne peut pas s’étaler – qui doit garder le souffle juste, tout en acceptant le cheminement d’une pensée qui cherche à exister hors du silence. Pour en faire une émotion partageable. Les auteurs sont libres des sujets qu’ils veulent aborder. Ce qui nous intéresse, c’est la justesse et la singularité d’une écriture. » Jeanne BENAMEUR, auteur notamment du magnifique Ramadan de la parole, dans la même collection.

27/07/2011

Toi et moi à jamais (A. BRASHARES)

« Alice attendait Paul sur le quai. »

Il y a Riley et Paul, deux presque jumeaux tant ils sont similaires. Et puis il y a Alice, la petite sœur de Riley. Celle qui a toujours voulu suivre les autres, celle qui s’est toujours senti à la traîne, celle que l’on taquinait, celle que l’on feignait d’oublier, sauf que… Cet été, Paul est de retour, et les sentiments qu’il avait toujours tenté de contenir vont se libérer et que, cette fois, c’est Riley qui va se sentir exclue.

Ouvrant sur une citation extraite de Peter Pan, le roman d’Ann BRASHARES donne d’emblée le ton : il s’agira d’enfance, de passage, d’injustice, de destinée inéluctable. Ce qui commence comme une bluette sur des amours de vacances dans une station balnéaire où se retrouvent rituellement les mêmes gens d’une année sur l’autre va peu à peu glisser vers une histoire tragique, sombre et définitive comme la vie peut l’être.

Toi et moi à jamais sait brosser un tableau sensible et touchant d’une situation qui ne l’est pas moins : la construction d’un couple qui doit surmonter aléas de la vie et poids du passé. L’écriture d’Ann BRASHARES est toujours juste, d’une plume presque épidermique tant elle sait aller au plus près des sentiments et des âmes et on se laisse gagner par l’empathie à côtoyer ses personnages attachants.

Plus réfléchi, plus introspectif que ses précédents romans, Toi et moi à jamais saura séduire les lectrices à partir de quatorze-quinze ans.

Une pensée lancinante tournait en rond dans sa tête, comme un cauchemar éveillé qui se répète sans cesse. L’amour peut-il durer toute une vie ? Peut-il passer indemne de l’enfance à l’âge adulte en survivant aux écueils et aux tourments de l’adolescence ? Est-il toujours le même à l’arrivée, simplement exprimé de façon différente ? Ou ces deux formes d’amour sont-elles radicalement incompatibles ?

Peut-être n’était-ce pas la réponse qui était déroutante, mais la question qui était mal posée. Peut-être n’y avait-il pas deux sortes d’amour mais des milliards. Ou alors une seule.

Ann BRASHARES, Toi et moi à jamais.

Scripto – Gallimard

336 pages – 13€

Sorti en poche en 2010 – Pôle fiction – 7,60€

Titre original : The Last Summer (of you and me) – Paru en 2007 – Traduit en français en 2008

L’auteur : Ann BRASHARES a grandi dans le Maryland aux États-Unis, avec ses trois frères. Après des études de philosophie, elle travaille dans une maison d'édition à New York.
Le métier d'éditrice lui plaît tellement qu'elle ne le quitte plus. Très proche des auteurs, elle acquiert une solide expérience de l'écriture. En 2001, elle décide à son tour de s'y consacrer. C'est ainsi qu'est né « Quatre filles et un jean », son premier roman. Ann BRASHARES est âgée d'une trentaine d'années et vit à Brooklyn, New York, avec son mari et ses trois jeunes fils.

Site internet : http://annbrashares.com