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11/11/2011

Waterloo Necropolis (M. HOOPER)

les grandes personnes,hooper,mort,héritage,londres,angleterre victorienne,adolescente« Serrant contre elle son précieux fardeau, Grace trouva sans grande difficulté l’entrée de la gare.. »

A bientôt seize ans, Grace Parkes vit avec sa sœur Lily, un peu simple d’esprit, dans la plus grande misère. Orphelines, elles ont d’abord été placées dans un orphelinat avant d’être envoyées, adolescentes, dans une institution destinée à les former à un futur métier : domestique pour Lily, institutrice pour Grace. C’est là que l’une et l’autre furent agressées par un mystérieux individu et décidèrent de fuir les lieux, Grace étant enceinte. C’est en cherchant à offrir à son enfant mort-né une sépulture décente que la jeune fille embarqua à bord du Waterloo Express, en direction du cimetière de Brookwood. Ce faisant, elle fit la connaissance d’entrepreneurs de pompes funèbres qui lui proposèrent de devenir pleureuse d’enterrement, arguant de « son beau visage expressif »…

Après La messagère de l’au-delà, La Maison du magicien et Espionne de Sa Majesté, Mary HOOPER replonge dans l’Angleterre historique avec ce Waterloo Necropolis. On y retrouve des thèmes chers à son œuvre, l’omniprésence de la mort, la description de la misère sociale et la dénonciation des  injustices. A travers l’histoire de ces deux orphelines, l’auteur nous offre une peinture à la fois touchante et révoltante de l’Angleterre victorienne. L’histoire se déroule en 1861, au moment de la mort du prince consort et des épidémies londoniennes.

Mais Waterloo Necropolis n’est pas seulement un roman historique, puisqu’il se double d’une intrigue quasi policière où il est question d’un détournement d’héritage et des prémices d’une histoire d’amour. Une fois de plus, l’histoire comme les conditions de vie sont extrêmement dures, une fois de plus, Mary HOOPER met en scène une héroïne déterminée, honnête et travailleuse.

Mais loin d’être moralisateur ou sentimental, son roman est plein de dynamisme, donnant à voir autant qu’il dénonce (la monétisation des sentiments et « l’industrie » de la mort notamment) et on appréciera particulièrement les ouvertures de chapitres qui empruntent à des publicités, des extraits de journaux ou encore le Dictionnaire de Londres de C. DICKENS.

« Vous avez un visage tellement expressif ! dit Mrs Unwin, qui baissa la voix avant de poursuivre. N’avez-vous jamais pensé travailler comme pleureuse d’enterrement ?

Grace la dévisagea, interloquée. Elle voulait se débarrasser de la main de cette femme, mais savait que cela serait fort impoli.

- Vous devez trouver qu’il est peu délicat de ma part de vous parler d’une chose pareille, mais sachez que je suis certaine que vous feriez une parfaite pleureuse professionnelle.

Grace ne répondait toujours pas, tant elle était surprise.

- Vous êtes jeune et paraissez pourtant avoir déjà éprouvé toute la tristesse du monde. Vous seriez une merveilleuse pleureuse ! » Comme Grace continuait à ne pas réagir, la femme poursuivit : « Le marché des pompes funèbres est en pleine expansion, ma chère enfant. Nous avons toujours besoin de visages comme le vôtre. Vous pourriez venir vivre chez nous et faire partie de la famille Unwin. (…) Avec un visage tragique comme le vôtre, vous seriez très demandée pour les funérailles de la haute société. »

 

Mary HOOPER, Waterloo Necropolis.

Les Grandes Personnes

315 pages – 17,50€

Titre original : Fallen Grace  – Paru en 2010– Traduit en Français en 2011

La bande-annonce du livre (en anglais) :

L’auteur : Mary HOOPER qui vit en Angleterre, écrit depuis plus de vingt ans  des romans dont la toile de fond est souvent historique. Elle est entre autres l’auteur de La Messagère de l’au-delà,
paru en 2010 aux Éditions des Grandes Personnes, et d’une trilogie initiée avec La Maison du magicien chez Gallimard.

Site internet de l’auteur (en anglais): http://www.maryhooper.co.uk

SELECTIONNE POUR LE PRIX DES INCORRUPTIBLES 2012-2013 - CATEGORIE 3°-2nde

03/11/2011

Le Monde dans la main (M. OLLIVIER)

« C’est mon plus lointain souvenir. »

Un samedi après-midi, alors que Pierre et ses parents faisaient des courses chez Ikéa, sa mère a brutalement disparu sans bruit, sans explication. Depuis, aucune nouvelle. La famille réduite va devoir apprendre à vivre autrement.

Sous ses apparences de roman bien élevé, à l’image du personnage principal, Le Monde dans la main fourmille de petites choses qui font la vie. Dans sa famille très « vieille France », enracinée dans la tradition, le narrateur vit une petite vie sans souci apparent, où chacun est à sa place. Pourtant, sous cette façade bien lisse, nombre de secrets se cachent et la vitrine ne manquera pas de se lézarder pour le pire et le meilleur.

Mikaël OLLIVIER a su trouver le ton juste ; son adolescent narrateur, mal à l’aise dans sa vie étriquée, analyse les choses avec justesse, sans pathos mais sans complaisance non plus. La disparition de la mère, roc de la famille, va faire imploser la structure familiale et lui permettre de sortir de sa chrysalide, le forçant à affronter l’extérieur. Tous les personnages qui gravitent autour de lui sont complètement crédibles, plein de failles mais attendrissants.

Mais Le Monde dans la main est également le récit d’une résilience qui cache bien son jeu et qui vient surprendre son lecteur au moment où il s’y attend le moins, et ce n’est pas le moindre des talents de Mikaël OLLIVIER que d’avoir su ainsi jouer avec la structure narrative.

Calmement, d’un pas régulier, maman s’est éloignée sans un mot, non vers le magasin, le service des livraisons, les toilettes ou je ne sais quoi encore, mais vers la sortie du parking. A pied. Sous la pluie. Mon père l’a suivie des yeux alors que les miens allaient de la silhouette de ma mère qui rapetissait à celle, immobile, de mon père. Ma mère, mon père, ma mère, mon père, et puis mon père tout court quand ma mère a disparu au premier rond-point.

On ne l’a jamais revue jusqu’à ce jour.

Mikaël OLLIVIER, Le Monde dans la main.

Editions Thierry Magnier

280 pages – 15,50€

Paru en 2011

L’auteur : C'est à l'âge quinze ans, dans la salle obscure de son ciné-club favori, que tout se joue pour Mikaël OLLIVIER. C'est la fin d'un cycle Alfred Hitchcock, et quand les lumières se rallument après la projection du dernier film, il se dit que c'est ça qu'il veut faire plus tard. Ça quoi ? Il n'en sait rien encore. D'abord cinéphile passionné, il devient un lecteur boulimique et, à vingt-cinq ans, décide de tout arrêter pour se lancer dans l'écriture. Romans pour la jeunesse et pour les adultes, nouvelles, scénarios pour la télévision et le cinéma, polars, récits intimistes ou futuristes, plus qu'écrivain, Mikaël OLLIVIER se sent raconteur d'histoires, le Ça de son adolescence.

Site de l’auteur : http://www.mikaelollivier.com

19/10/2011

Monsieur Stan n'a qu'à bien se tenir (C. AUBRUN-D. PERRET)

« Mon cœur bat à dix mille tours minute. »

Antoine n’a vraiment pas de chance : il vit avec le chien le plus horripilant du monde. Stan sait toujours tout sur tout, monopolise l’attention de tout le monde et excelle dans les coups en douce. Heureusement, Antoine tient sa revanche : il vient d’obtenir un rôle dans le spectacle de l’école. Sauf que Stan, lui, va faire du cinéma…

Roman graphique, ce Stan n’a qu’à bien se tenir fait suite aux premières aventures dudit chien, Oust ou l’insupportable Monsieur Stan. La narration de Claudine AUBRUN, vive et pleine d’acuité, s’associe à merveille aux dessins malicieux de Delphine PERRET et le tout produit un roman qui séduira petits et grands.

A travers le biais du chien, c’est la question des relations au sein de la famille, et plus précisément à l’intérieur de la fratrie, qui est mise en lumière et le livre le fait avec beaucoup de justesse et de sensibilité. A travers la voix d’Antoine, le narrateur, c’est toute notre société qui est mise en lumière, avec ses excès, ses petitesses et ses injustices. Et la célébrité fugace n’en est pas la moindre…

Papa applaudit, Stan monte sur s chaise, pousse des petits cris idiots et fait tourner sa serviette au-dessus de sa tête. Mon estomac se noue, je serre les poings, mes yeux sont comme des aquariums trop pleins. Mais je ne veux pas pleurer devant eux, je me concentre sur la quiche, je le fixe. Au bout d’un moment, maman s’aperçoit que je boude :

- Antoine, pourquoi tu fais la tête ? C’est génial, non ? Stan, notre Stan, va devenir une star !

- Nous allons avoir une vedette sous notre toit ! insiste papa. Tu ne devrais pas être jaloux, Antoine, mais au contraire t’en réjouir.

Je ne dis rien. Je ne réponds pas. Enfin Stan se calme et s’approche de moi. Sous les yeux attendris de mes parents, il me tapote la main :

- Si tu veux, je te donnerai des conseils pour ton petit rôle dans ton petit spectacle, me propose-t-il sur un ton doucereux.

Les lèvres serrées, je m’agrippe à la table. Je me tais. J’écoute. J’écoute l’appel de la quiche. Elle me dit : »Ecrabouille-moi sur Stan, il le mérite. »

Claudine AUBRUN – Delphine PERRET, Monsieur Stan n’a qu’à bien se tenir.

Syros

96 pages – 13,50€

L’auteur : Claudine Aubrun est née dans le Sud-Ouest de la France, dans l’Ariège précisément. Après des études aux Beaux-Arts de Toulouse, elle travaille dans la communication et l’édition de livres sur le patrimoine historique. Aujourd’hui, elle vit à Paris. Depuis 2000, elle écrit, essentiellement pour la jeunesse, des romans, des nouvelles, des scénarios et anime ateliers d’écriture et rencontres. Ses deux domaines de prédilection sont le roman noir et l’humour. Elle trousse des histoires drôles et jubilatoires aux touches grinçantes et fait pointer l’espoir dans des romans sombres qu’elle assaisonne d’une bonne dose d’humanité. Auteur de la série « Les aventures d’Emma la poule », histoires désopilantes d’une poule dans un poulailler déjanté, Claudine Aubrun a publié plusieurs policiers pour la jeunesse et un épisode du Poulpe.

Site internet de l’auteur : http://claudine-aubrun.fr

L’illustratrice : Delphine Perret est diplômée des Arts décoratifs de Strasbourg. Elle est l'auteur de plusieurs albums à l'Atelier du Poisson Soluble et aux éditions Thierry Magnier.

Site internet de l’auteur : http://www.chezdelphine.net

12/10/2011

Chaque soir à 11 heures (M. FERDJOUKH)

« Jusqu’à un certain jour de mes onze ans, tout le monde m’appelait Wilhemina. »

Willa Ayre est en première, dans un établissement privé très huppé. C’est ainsi qu’elle a fait la connaissance de Fran, une riche héritière qui vit dans un palace, et de son frère, le beau Iago. Elle n’en revient toujours pas d’avoir été remarquée et choisie par lui, qui fait rêver toutes les jeunes filles. Mais c’est à l’occasion de l’anniversaire de Fran qu’elle va faire la connaissance du mystérieux Edern et de sa non moins mystérieuse famille…

Classé dans la catégorie « Amour » de cette nouvelle collection Flammarion, le roman de Malika FERDJOUKH pourrait tout aussi bien se ranger dans la catégorie « Fantastique – mais juste un peu », si elle existait… Car ce gros livre un peu fourre-tout mêle premiers émois adolescents, dramatique histoire familiale, petits soucis de la vie quotidienne, intrigue policière et grande demeure mystérieuse. Le rythme est inégal, le ton aussi : on oscille entre langage ado branché et expressions plus subtiles, ce qui pourra dérouter certains lecteurs (lectrices ?).

L’héroïne est un mélange de fleur bleue et d’intellectuelle aux goûts décalés, passionnée de jazz et de vieux films, avec une mère qui gère des Miss et un père artiste, les personnages qui gravitent autour d’elle sont un peu creux, et c’est seulement lorsque l’on entre chez les Fils-Alberne que les choses s’emballent un peu et que l’on retrouve le goût de Malika FERDJOUKH pour les grandes maisonnées, les fratries décalées et les promenades à la lisière de l’étrange.

Chaque soir à 11 heures est un drôle de roman, que l’on aurait aimé aimer mais qui ne parvient pas vraiment à séduire.

Elle a attendu un moment avant de se décider à parler.

- C’est… cette maison, articula-t-elle dans un souffle quasi inaudible. La nuit, elle… elle me fait peur.

Ses doigts effleurèrent le clavier d’Alice, comme pour étouffer l’écho de ce qu’elle venait de dire.

- Peur ? Pourquoi ?

In petto j’étais d’accord. Cette baraque aurait fichu la trouille à n’importe qui de la vraie vie. Mais était-on dans la vraie vie, ici ? Marni avança plus près, en tenant son tabouret.

- Le soir, il y a ces bruits… Chaque soir. A la même heure. Vers onze heures.

- Des bruits ? ai-je répété sottement.

- Ça me réveille. Enfin, j’ai l’impression que ça me réveille. Je sais qu’il est 11 heures parce que la grande pendule du palier sonne onze coups.

- Celle dont les aiguilles ont du mal à dépasser 11 heures ?

- Roch les remet à l’heure… Mais une fois qu’elle a sonné les onze coups, elle ne sonne plus. Et après… j’entends les bruits.

Malika FERDJOUKH, Chaque soir à 11 heures.

Flammarion

402 pages – 13€

Paru en 2011

L’auteur : Malika FERDJOUKH est née en 1957 à Bougie en Algérie. Ce qui explique le « h » final à son nom (quand on l'oublie, elle a horreur de ça!), et sa collection de chandelles. Elle vit à Paris depuis sa petite enfance. Elle a séché quelques films à la Cinémathèque pour suivre des cours à la Sorbonne. On peut dire qu'elle est incollable sur le cinéma américain, ses dialogues fameux et ses distributions pléthoriques, du western au polar noir, mais son genre adoré reste la comédie musicale dont elle est capable de chanter à tue-tête les airs les plus improbables. Elle écrit des séries pour la télévision. Elle a publié plusieurs romans pour la jeunesse.

12:05 Publié dans Vie quotidienne | Lien permanent | Tags : ferdjoukh, flammarion, adolescente | |  Facebook | | |

01/10/2011

Ultraviolet (N. HUSTON)

« Treize ans aujourd’hui. Enfin ! »

Alberta, Canada, été 1936, la chaleur est à son comble. Lucy, fille du pasteur Larson, a treize ans. Elle grandit et commence à se sentir à l’étroit, dans son corps comme dans sa tête. Tout se bouscule et elle ne supporte plus la vie étriquée qu’elle mène, aînée de cinq enfants, entre une mère qui ressasse sa jeunesse et son père qui ne songe qu’à se conformer aux directives divines. C’est pourtant par son intermédiaire, car il a l’habitude d’ouvrir leur maison aux malheureux, qu’elle fait se lier d’amitié avec le Docteur Beauchemin…

Ce médecin « défroqué » pour reprendre les termes de la mère, radié pour avoir commis un geste interdit, va révéler Lucy à elle même : un esprit libre, une libre-penseuse. Il va également être, sans le chercher vraiment, le vecteur de son éveil à la sensualité et sera celui par qui le scandale arrive.

Ultraviolet est un roman court, un journal d’adolescente rebelle qui lit d’une traite : on y partage les exaltations et les rejets de l’héroïne, ses émois et ses chagrins. C’est également le récit d’une émancipation, mais un récit profondément sensuel, où la chaleur de l’été albertien est omniprésente, comme un troisième personnage dans cette histoire qui est presque un huis-clos.

La plume de Nancy HUSTON se révèle une fois de plus d’une acuité rare, précise tel un scalpel qui décortique les états et empires de cette très jeune fille, et sachant se faire douce lorsque son héroïne s’arrête au cours d’un repas familial sur chacun des membres de sa famille qu’elle tâche de « voir autrement ». Subtil, anticlérical, parfois dérangeant, Ultraviolet saura toucher tous les adolescents en questionnement.

Une des merveilles de ce carnet, c’est que les mots chaleur insensée, une fois qu’on les a couchés sur la page, vous rafraîchissent un peu par rapport à la chaleur insensée qu’il fait dehors. C’est étonnant mais c’est vrai. De même pour les arcs-en-ciel : si les « vrais » manquent cruellement dans l ciel de l’Alberta depuis trois ans, ceux que j’ai écrits l’autre jour répandent un peu de couleur dans mon âme quand je les relis.

On n’est pas obligé de se limiter au « vrai », au « réel ». Ce qu’on imagine est réel aussi ! Tu comprends ? C’est magique : tout change ici, du fait même de l’écrire. Un carnet c’est un vrai laboratoire de sorcière.

Nancy HUSTON, Ultraviolet.

Thierry Magnier

80 pages – 8€

Paru en 2011

L’auteur : Canadienne anglophone vivant en France, Nancy HUSTON écrit dans ses deux langues et se traduit dans les deux sens. Elle a publié de nombreux romans et essais aux Editions Actes Sud, ainsi que, chez d’autres éditeurs, quelques livres pour la jeunesse