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15/07/2010

Le Chant des orques (A. BABENDERERDE)

Le chant des orques.jpg« Les genoux remontés sous le menton et les bras serrés autour de mes jambes, j’étais pelotonnée sur le banc de bois bleu, ma place  favorite. »

Sofie est une adolescente de quinze ans qui vit seule avec son père depuis le décès de sa mère six mois plus tôt. Sensible et timide, peu confiante en elle, elle se réfugie dans la compagnie de ses peintures et dessins, fréquentant les cimetières et fuyant la compagnie des gens de son âge, qui d’ailleurs ne la recherchent pas… Photographe reconnu, son père n’a jamais été très présent et se sent désarmé face à cette enfant qui n’en est plus une.

Il va lui proposer de l’accompagner en reportage dans le nord-est des États-Unis, afin de photographier sur les Indiens Makah qui se préparent pour la grande fête traditionnelle. Là, Sofie va faire la connaissance d’un peuple et d’une culture dont elle ne connaissait que des bribes de clichés et, surtout, va rencontrer Javid, le fils de la propriétaire de leur motel…

Magnifique roman que celui d’Antje BABENDERERDE : roman sur le deuil, l’amour naissant, la difficulté de grandir, les relations parent-enfant et, finalement, l’environnement. Annoncé ainsi l’ensemble peut paraître pesant, or c’est tout le contraire. Les fils de la narration s’entrecroisent sans jamais perdre le lecteur et l’empathie envers les personnages est omniprésente. Il est fascinant de voir peu à peu Sofie, la narratrice, se métamorphoser au contact de Javid, de suivre son initiation pour la regarder, finalement, prendre son envol. Rarement un cheminement intérieur aura été retranscrit avec autant de subtilité et de sensibilité.

L’écriture d’Antje BABENDERERDE est parfaitement traduite, tout à tour précise, lumineuse, écorchée, et son fil mène tout naturellement vers une fin ouverte, qui laisse le sentiment d’une expiration sereine. La connaissance profonde qu’a l’auteur de la culture indienne permet encore d’ouvrir la réflexion : c’est un roman qui reste longtemps dans le cœur et la tête.

J’ai rouvert les paupières et l’orque a stoppé très près du canot, ce qui l’a fait tanguer. Aussitôt après, il s’est retrouvé à côté de nous et de la vapeur a jailli de son orifice respiratoire comme un petit geyser. Des éclaboussures sont retombées sur nous. Je les ai senties sur mon visage et mes bras nus.

Une deuxième orque s’est approchée du bateau, tandis que les trois autres restaient à une distance prudente. La lumière du soleil formait de petits arcs-en-ciel dans le souffle des animaux. Des couleurs incroyables chatoyaient dans l’air. Mon corps vibrait de joie et d’excitation ; mon mal de mer avait bel et bien disparu.

Antje BABENDERERDE, Le Chant des orques.

Bayard Jeunesse - Millézime

390 pages – 11,90 €

Titre original : Der Gesang Der Orcas – Paru en 2003

Traduit en français en 2010

L’auteur : Antje BABENDERERDE est née en 1963 à Jena, en Allemagne. Elle a travaillé comme psychologue du travail dans un hôpital spécialisé en psychiatrie et neurologie. Elle est auteur depuis 1996, et porte un intérêt tout particulier à la culture indienne, comme le montrait déjà son précédent  livre Lune indienne, paru en 2007.

Son site (en allemand) : http://antje-babendererde.de

31/05/2010

Teen Song (C. DESMARTEAU)

teen_song.jpg« C'est ma tante qui m'a offert ce carnet.  »

Elle a quinze ans, va au collège et griffonne tout le temps. Sur tout. Et elle est passionnée par Led Zeppelin, un groupe « pas vraiment de son âge ». Ses parents sont divorcés et elle vit avec sa mère et son beau-père. Elle adore son petit frère de trois ans, « qui sent bon le bébé », et déteste son  « collège de curé » où sa mère l'a inscrite pour échapper à la ZEP. C'est l'histoire d'une adolescente de son temps, avec ses doutes et ses enthousiasmes, ses révoltes et ses expériences.

Il y avait « Teen spirit » de Nirvana, voici « Teen song » de Claudine DESMARTEAU. Mêmes riffs nerveux, mêmes ruades dans les brancards, même révolte qui brûle tout, même esprit en ébullition. Dessins comme griffonnés  nerveusement, mots qui sortent comme ils seraient prononcés, le roman de Claudine DESMARTEAU sent l'authenticité et c'est une vraie bouffée de jeunesse qui vous saisit à sa lecture.

Bien sûr, la langue n'est pas toujours châtiée, bien sûr la syntaxe se joue des codes, mais la vérité est là, et les idées aussi. Loin de faire un roman à la gloire d'une « fan », l'auteur dessine des instantanés de vie d'une adolescente de son temps, avec son iPod et ses angoisses face à la crise. Claudine DESMARTEAU a su trouver le ton juste, sans jamais qu'il paraisse artificiel ou forcé, et le vecteur de la musique de Led Zep' pour dire tout ce que son héroïne ne parvient pas à retranscrire avec ses mots à elle. C'est un admirable témoignage sur l'adolescence, celle d'une ado sans problèmes  a priori, sinon celui de devoir grandir...

J'ai 15 ans et je massacre les petits airs pourris qu'on doit apprendre à la flûte à bec. Je chante faux, je suis nulle en maths et je sais pas ce que je veux faire plus tard. Ce que j'aime, c'est écouter de la musique et dessiner. Je me rappelle plus quand j'ai commencé, mais je dessine et je gribouille tous les jours. Mais gribouilleur, c'est pas un métier sérieux.

Je veux pas faire un métier sérieux, comme médecin ou informaticien ou chimiste ou avocat ou pharmacien ou commercial. Alors j'angoisse.

Claudine  DESMARTEAU, Teen Song.

Albin Michel

190 pages - 12,50€

Paru en 2009

L'auteur : Claudine DESMARTEAU est une illustratrice et auteur française qui a suivi des études d'arts appliqués, puis travaillé dans plusieurs agences de publicité. Elle a commencé ensuite à dessiner pour la presse  en parallèle (Le Nouvel Observateur, Les Inrocks).

Une interview de l'auteur : http://www.ricochet-jeunes.org/invites/invite/23-claudine-desmarteau

Site internet : http://claudine.desmarteau.perso.sfr.fr

03/05/2010

Miettes de lettres (A. THIOLLIER)

Miettes de lettres.jpg« Fengfeng a vu tout de suite l'éclat du papier bleu à travers la fente de la boîte aux lettres. »

Fengfeng et ses parents ont quitté la Chine pour trouver un avenir meilleur en France. Là-bas, reste la grand-mère de Fengfeng à qui ce dernier écrit toutes les semaines comme il lui a promis pour raconter sa nouvelle vie parisienne. Il a d'abord tenté de lui expliquer que la vie ici n'était pas si belle que ça, que la tour Eiffel, il ne l'avait toujours vue, et que les gens étaient loin d'être aimable avec lui, mais ses parents ont immédiatement réagi en lui demandant de ne pas l'inquiéter avec des choses pareilles. Depuis, Fengfeng raconte une vie imaginaire, où tout est plus beau, où il ne dort pas dans le salon et voit la tour Eiffel de sa chambre, où ses camarades de classe ne l'ignorent pas ou ne le menacent pas...

C'est un très joli roman qu'a écrit Anne THIOLLIER ; avec beaucoup de subtilité, elle raconte le grand écart que doivent faire un certain nombre d'enfants et adolescents scolarisés en France et comme coupés en deux : leur culture familiale d'un côté, qu'ils ne veulent pas perdre, mais qu'ils doivent mettre de côté afin de « s'intégrer ». Fengfeng est bon élève et, depuis que son professeur de mathématiques l'a encouragé, il veut devenir enseignant lui aussi.

Petit à petit, le jeune adolescent va apprendre à s'ouvrir aux autres, à ne plus baisser les yeux, à... se rebeller face aux intentions de son père et, pour finir, comprendre que cette différence qui est la sienne peut lui être fructueuse. Mais la route est dure.

Le lendemain est le jour de la rencontre annuelle parents professeur, qui est pour Fengfeng la pire épreuve de l'année scolaire. Pas question de les voir tous ! Une conversation avec le professeur principal, c'est le maximum que peut endurer l'adolescent qui doit servir d'interprète entre l'enseignant et son père. Ce dernier, rentré plus tôt du restaurant pour l'occasion, a mis son beau costume. Dans le préau, son fils lui répète :

- On n'est pas en Chine ! pas la peine de dire que je suis un sale gosse qui ne fiche rien ! Le genre politesse qui consiste à rabaisser ses propres enfants, personne connaît, ici ! Alors les dis pas, parce que je ne les traduirai pas ! Et puis, tu as de la chance, tu sais, je suis bon élève !

Le père défroisse ses manches d'un air vexé :

- Je sais, je sais !

« Il croit qu'il sait », songe Fengfeng dont le calvaire commence.

Anne THIOLLIER, Miettes de lettres.

Seuil Jeunesse

172 pages - 8,50 €

Paru en 2010

L'auteur : Anne Thiollier est née à Saint-Etienne où elle a suivi ses études aux Beaux-Arts. Elle hésite ensuite entre écrire et dessiner et finalement fait les deux. Elle habite pendant près de vingt ans entre Taiwan, la Chine et Hong Kong. Aujourd'hui elle vit à Paris et se consacre à l'écriture et à l'illustration de livres pour enfants.

05/04/2010

Quand le coeur s'arrête (A. LISBOA)

Quand le coeur s'arrête.jpg« Avant tout, j'avais envie de parler de la mer. Qui est au commencement de tant de choses. »

C'est un adolescent brésilien qui vient d'avoir quinze ans qui se réfugie chez sa petite amie ce matin-là, à l'aube. Quelque chose vient de se produire, qui bouleverse ce qui était son univers jusque là.

Assis devant l'ordinateur de la chambre, il va se mettre à écrire, pour essayer de comprendre ce qui s'est passé et comment il en est arrivé à ce moment-là.

Très court roman d'une centaine de pages, le récit se déroule sans fil conducteur apparent. Les pensées du narrateur s'égrènent au fil de la plume : il y est question d'amour, d'amitié, de famille, de relation aux autres. L'adolescent se souvient de son arrivée à Rio, de ses enseignants, des rapports avec ses parents...

C'est pourtant un vrai roman d'initiation qu'a écrit Adriana LISBOA, celui de l'entrée dans l'âge adulte d'un ado apparemment comme les autres qui nous propose un instantané de sa vie, une lettre lancée comme une bouteille à la mer.

En ce moment, au moment précis où je t'écris cette lettre, je sais qu'il y a trois choses que j'aime : d'abord, il y a Paloma.

Ensuite, le skate, et la vitesse différente à laquelle le monde se met à tourner quand je monte sur ma planche.

Enfin, la troisième chose que j'aime, je crois, c'est essayer de comprendre. Comprendre pourquoi les choses arrivent d'une certaine manière et pas autrement. Comprendre s'il existe un élément moteur dans notre vie, qui oriente les événements dans un sens plutôt que dans un autre. S'il existe un plan tracé d'avance (ce qui ferait, par conséquent, que ça n'avancerait pas à grand-chose de penser à l'avenir). Ou si, ce plan, c'est nous qui le traçons. Si c'est moi qui choisis les chemins que je veux emprunter. Ou si ce sont les chemins qui me choisissent.

Adriana LISBOA, Quand le cœur s'arrête.

La Joie de lire

101 pages - 13 €

Titre original : O coraçao às vezes apra de bater - Paru en 2007 - Traduit en français en 2009

L'auteur : Adriana LISBOA est née à Rio de Janeiro en 1970. Elle a vécu en France, au Japon et habite aujourd'hui les États-Unis. Elle a publié son premier roman en 1999. Son roman, Des Roses rouge vif, faisait partie de la Sélection du Grand Prix des Lectrices de ELLE en 2007.

Site internet : http://www.adrianalisboa.com.br

 

29/03/2010

Suite Scarlett (M. JOHNSON)

Suite Scarlett.jpg« Ce livre est dédié à quiconque a joué le rôle d'un corps mort, sur scène ou à l'écran. Il faut être très bon acteur pour demeurer allongé au sol en silence. Lâchez-vous, amis sans vie. »

Scarlett a une vie de rêve : elle habite New York, à hauteur de la Soixantième Avenue, non loin de Central Park, dans un hôtel Art Déco datant de la fin des années 20. Sauf que... cet hôtel,  ses parents en sont les propriétaires, et il n'est pas loin de tomber en ruine ! Plus de climatisation, très peu de clients, et des corvées à la pelle !

Résultat : alors que tous ses amis se préparent à des vacances plus excitantes les unes que les autres, l'été de Scarlett, celui de ses quinze ans, s'annonce atroce. Heureusement, l'arrivée d'une nouvelle cliente, à la fois mystérieuse et extravagante, va tout changer...

Drôle, juste, bien mené, le roman de Maureen Johnson a tout pour plaire aux filles à partir de treize ans. L'héroïne y est à la fois naïve et déterminée, les péripéties foisonnent : première histoire d'amour, découverte du milieu des « théâtreux » new yorkais, éloge de la fratrie, et surtout, Big Apple tient un rôle déterminant dans l'histoire, à la fois décor et partie-prenante de l'action. On ressort de cette lecture avec la furieuse envie de débarquer là-bas, et nous aussi voir le Chrysler Building depuis les fenêtres de l'hôtel Hopewell, «  à supposer que l'on efface les bâtiments construits au milieu... »

De façon générale, New York est la ville idéale pour fêter son anniversaire. On peut aller au spectacle, faire du shopping, déguster toutes sortes de plats et jouer au touriste. A bien réfléchir, tout ou presque est possible à New York.

Néanmoins, le bât peut blesser pour deux raisons : si vous êtes seul et si vous êtes dans la dèche. Imaginez par exemple qu'il reste environ seize dollars sur votre compte et que vous n'ayez aucune perspective pour le renflouer... Que vos amis soient éparpillés autour du monde, que votre sœur aînée travaille dix heures par jour, que votre petite sœur préfère vous voir brûler vive plutôt que de vous venir en aide, que votre grand frère, qui normalement aurait dû passer la journée avec vous, se concentre sur son propre parcours professionnel... Et encore, ça n'est pas tout. Vous vivez sur place, à New York, par conséquent vous connaissez par cœur tous les endroits à voir, et ces endroits à voir sont au pied de chez vous.

Maureen JOHNSON, Suite Scarlett.

Scripto - Gallimard

384 pages - 13€

Titre original : Suite Scarlett - Paru en 2008 - Traduit en français en 2010

L'auteur : Maureen Johnson est née et a grandi à Philadelphie, en Pennsylvanie. Enfant, Maureen lisait sans arrêt, comme beaucoup de lecteurs qui finissent par écrire. Elle a étudié la dramaturgie et l'écriture romanesque à l'Université de Columbia. Avant de pouvoir vivre de sa plume, elle a pratiqué bon nombre de petits boulots de New York à Londres en passant par Las Vegas. Elle vit aujourd'hui à New York avec son mari.