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15/12/2013

Le Garçon de l'intérieur (B. SEVERAC)

« A l’arrière de la voiture, le front appuyé contre le vitre, la tête ébranlée par les trépidations du moteur, Jules Lascaud laisse son regard vagabonder au-dessus des étendues de champs et de forêts traversées par l’autoroute. »

adolescent, séverac,surdité, handicapUn petit village viticole alsacien où tout le monde se connaît. Des vignes tronçonnées. Un accident de la route suspect. De vieux secrets de famille. Neuf mois après l'accident qui l'a rendu sourd (Silence), Jules passe ses vacances avec sa famille en Alsace. Il sympathise avec Rémi, un jeune sourd de naissance dont il devient inséparable, et cherche à se faire remarquer de la piquante Camille, quitte à se mêler de ce qui ne le regarde pas…

Après l’efficace Silence, qui nous faisait entrer dans le monde des sourds à la suite de l’accident de Jules tout en nous mêlant à une efficace intrigue policière où se mêlait trafic de drogue, délation et menaces, Benoît SEVERAC aborde ici plus clairement la situation de handicap et la difficulté à trouver sa place : Jules doit-il accepter d’être sourd et en tant que tel parmi les « nouveaux » siens ou rester dans un entre-deux, ex-entendant qui ne l’est plus ?

Davantage que l’intrigue policière, encore présente dans ce roman, c’est cette problématique qui anime tout le livre ; ce qui le rend peut-être plus profond que le premier, mais moins efficace car plus introspectif.

« Rien, signe-t-elle de manière agressive. Va rejoindre ton copain. Restez donc entre sourds. Et arrête d’oraliser, tu es ridicule. »

Jules encaisse le coup. C’est la première fois qu’un entendant lui dit une chose aussi dure depuis qu’il est sourd. Lui qui fait tant d’efforts pour parler à voix haute quand il s’adresse à des non-sourds, pensant ainsi faire preuve de bonne volonté, pour eux ! Il trouve Camille terriblement injuste. Une fraction de seconde, il a envie de la gifler, de hurler, puis de fuir en courant. (…)

- Pourquoi tu me dis ça ? En quoi je suis ridicule ? »

« Assume ce que tu es. Il n’y a rien de plus minable que ces sourds qui essaient de faire plaisir aux entendants, qui jouent les bons toutous en apprenant à parler. »

« Je suis un devenu sourd, je ne peux pas le renier. J’ai parlé pendant quinze ans avant de perdre l’audition. »

« Eh bien, deviens sourd ! Signe ! Tu ne vas pas rester le cul entre deux chaises. Sois fier de ce que tu es. »

Benoît SEVERAC, Le Garçon de l’intérieur.

Syros – Rat noir

205 pages –14,50€

Paru en 2013

Lire un extrait : http://www.syros.fr/feuilletage/viewer.php?isbn=9782748514292

L’auteur : Benoît SEVERAC est romancier et professeur d’anglais à l’École vétérinaire de Toulouse. Il a compris très tard qu’il écrivait depuis toujours. Il s’est trompé en se croyant un temps photographe, il a abandonné le reflex pour le clavier et s’en porte mieux, mais il en a gardé quelque chose : une efficacité dans la description peut-être, une façon de rendre une ambiance par le cadre. Quoiqu’il en soit, ses romans sont toujours très « visuels ». Silence est son premier roman-jeunesse, Le Garçon de l’intérieur sa suite. Benoît Séverac est également musicien, membre du conseil d’administration de Toulouse Polars du Sud et membre de 813 (l’association des amateurs de littérature policière).

Blog de l’auteur : http://benoit.severac.over-blog.com

19:16 Publié dans Vie quotidienne | Lien permanent | Tags : adolescent, séverac, surdité, handicap | |  Facebook | | |

20/10/2013

Mon Américain (J-P. NOZIERE)

« Je termine ma quatrième au collège Boris-Vian quand le nouveau entre dans ma classe. »

nathan,nozière, adolescents,amour,exclusion, racismeUn nouveau vient d'arriver dans la classe de quatrième de Marina. Il s'appelle Jérémie Crew, et arrive tout droit de Los Angeles. En plus, il a lu plein de livres ! Il paraît trop frimeur aux yeux de la classe, qui se met à le détester d'emblée. Sauf Marina, la narratrice, jeune martiniquaise impressionnée mais aussi charmée, surtout lorsqu'il choisit de s'asseoir à côté d'elle en lui annonçant qu'elle lui plaît. Un vrai changement pour elle, qui a peu d'amis. Bientôt, Marina et Jérémie deviennent amoureux. Mais Jérémie reste très secret et adopte parfois une attitude si bizarre que Marina commence à douter de ce qu'il prétend être…

 Une fois de plus Jean-Paul NOZIERE fait preuve de beaucoup de subtilité pour aborder un sujet délicat : l’image de soi à une époque de l’existence où cette dernière est en pleine construction. Avec Jérémie, tous les clichés sont malmenés : c’est un Américain qui parle couramment espagnol, s’habille tantôt comme un clochard tantôt comme une victime de la mode, a une culture encyclopédique et ne se souvient pas de son adresse exacte…

 Avec finesse, l’auteur nous fait partager les hésitations, les joies et les doutes de la jeune narratrice, isolée elle aussi, non par sa nationalité mais par sa couleur, et termine sur une note très émouvante. Une jolie histoire…

 Pendant que Grossein feuillette le roman d’Ajar, à la recherche de la bonne page, Kevin la ramène encore :

 - Normal que le Ricain s’installe près de Marina. Les Américains, depuis qu’ils ont Obama comme président ils adorent les Noirs.

 Je suis martiniquaise et noire. Ça me plaît que celui qui récolte deux surnoms le premier jour choisisse Blanche-Neige comme amie. Deux surnoms, parce que Jérémie le Ricain deviendra aussi, selon les jours, « Obama ».

 - Toujours aussi subtil, Kevin, note Madame Grodein, tout en continuant à chercher la bonne page.

Jean-Paul NOZIERE, Mon Américain.

Nathan

110 pages – 5 €

Paru en 2013

L’auteur : Né en 1943 dans le Jura, Jean-Paul NOZIERE a enseigné l’histoire et la géographie durant dix ans – dont deux en Algérie puis à travaillé comme documentaliste pendant vingt-cinq ans. En 1979, il rencontre sa femme qui écrivait des histoires pour enfants, et c’est le déclic pour Jean-Paul NOZIERE qui se lance dans l’écriture de récits. Désormais, il consacre tout son temps à l’écriture de romans pour adolescents et de romans policiers pour adultes. Il a publié une soixante de titres à ce jour.

Blog de l’auteur : http://jpnoziere.com/index2.htm

 

Cher cousin caché... (D. BRISSON)

« Bonjour Mathilde,

Je m’appelle Emile, Emile Hadrien. »

syros,tempo,brisson,relations familiales,vacancesÉmile Hadrien, onze ans et demi, trouve dans sa doudoune de ski le forfait d’une certaine Mathilde Hadrien, née la même année que lui. Il comprend du même coup qu’il a une cousine cachée ! Fâchés de longue date, les parents des deux enfants viennent en effet à tour de rôle dans le chalet familial, en prenant bien soin de s’éviter. Émile glisse un pli « confidentiel-secret » dans une poche de la doudoune… C’est le début d’un véritable jeu de piste à l’intérieur du chalet, où chaque nouvelle lettre se découvrira comme un trésor…

Joli petit roman épistolaire qui se lit très vite, il met en scène deux voix, celle d’Emile et celle de sa cousine Mathilde. A travers leurs lettres, le lecteur va découvrir petit à petit leur personnalité respective, leurs familles, et comprendre le lien qui les unit par delà les querelles familiales. Le ton est alerte, les deux cousins aussi dissemblables qu’il se puisse être et l’amitié réelle. Cher cousin caché… est un très agréable moment de lecture.

Bref, pour répondre à ta question sur le chalet, eh bien, en effet,  je crois qu’on est vraiment raccord : on fait "moitié-moitié". Je comprends mieux pourquoi on quitte le chalet le samedi, jamais le dimanche : c’est parce qu’Emile rapplique ! Tout de même, quel choc de savoir que le chalet est partagé entre nos deux familles, que mes parents et moi ne sommes pas les seuls à venir. Je suis là, dans le grand salon, et je regarde tout avec un œil nouveau. Est-ce que tu fais tes devoirs sur la table ronde ou sur la petite rectangulaire ? Est-ce que tu aimes contempler la carte en relief des Alpes ? Est-ce que tes parents t’autorisent à regarder la télé ? Est-ce que tu t’assois près de la fenêtre pendant le repas ? Moi je trouve que c’est la meilleure place : pile face au Mont-Blanc ! Et au petit déjeuner, tu prends le bol avec Lucky Luke ou celui avec Obélix ? Je me rends compte aussi que l’on occupe sûrement la même chambre, c’est la seule avec un lit à une place. Maintenant, je vais faire attention à ne pas laisser mes rêves collés à l’oreiller !

Dominique BRISSON, Cher cousin caché...

Tempo Syros

70 pages – 6 €

Paru en 2013 (première parution en 2006)

L’auteur : Diplômée de l'INTD (Institut national des techniques documentaires) et titulaire d'un DEA d'études cinématographiques et de théâtre, Dominique BRISSON devient journaliste spécialisée avant d'intégrer Textuel, agence de conseil en communication d'entreprise. Auteur-scénariste, elle a conçu les CD-Rom « Louvre, peintures et palais » en 1995, « Musée d'Orsay, visite virtuelle » en 1996, « Tour Eiffel, tours et détours » en 1997, « Trésors des premiers imprimeurs » en 1998. Elle est directrice d'ouvrages comme La fête des bébés (paru en 2000). Pour la jeunesse, elle est l'auteur de documentaires (Gutemberg et l'invention de l'imprimerie en 1998 et Les écoliers au temps de Jules Ferry en 2001) et de romans (Cher cousin caché… en 2006, qui a reçu plusieurs prix, et Gros sur la tomate en 2007, tous deux aux éditions Syros). Depuis 1998, elle participe à la conception de sites web.

Blog de l’auteur : http://dbrisson.uniterre.com/6377

 

22/09/2013

La Fille qui n'aimait pas les fins (Y. HASSAN, M. RADENAC)

« Je déteste cet endroit. »

IMG_0613.JPGMaya est une amoureuse des livres. Elle en a déjà cent trente-quatre ! Sa mère, qui ne peut pas lui acheter tous les livres de la terre, l’inscrit contre son gré à la bibliothèque. Dans ce lieu paisible et studieux, Maya va faire la rencontre d’un vieux monsieur plein de fantaisie, qui l’intrigue beaucoup et dont elle se sent proche. Qui est réellement le mystérieux Manuelo ? La plus belle des surprises est au bout de l'histoire...

La « fille qui n’aimait pas les fins », c’est Maya, une douzaine d’années, qui a perdu son père dans un accident. C’est lui qui l’avait initié au plaisir de la lecture. Ensemble, ils ont partagé des heures de plaisir et, depuis sa disparition, Maya lit toujours, mais ne parvient plus à finir un livre. Alors elle y laisse des marque-pages. Elle est devenue « signopaginophile », comme va le lui révéler Manuelo, un vieil homme rencontré à la bibliothèque. Et entre eux va naître une belle amitié. Et un peu plus.

Une fois de plus, Yaël HASSAN nous offre, avec Matt7ieu RADENAC, un petit bijou de tendresse et de subtilité. Alternant les points de vue de Maya et du vieil homme, insérant les échanges de mails entre les différents personnages, La Fille qui n’aimait pas les fins est un roman qui se lit d’une traite, récit d’une résilience, d’une réparation aussi, et hymne à la vie. Une très jolie lecture, sensible et douce.

Je déteste cet endroit.

Les bibliothèque me font toujours cette impression étrange : je les déteste et en même temps je dois avouer que j’apprécie leur calme, leur ambiance studieuse, le rayonnage débordant de livres dans lesquels, s’ils m’appartenaient…

Mais ils m’appartiennent pas !

Là est tout le problème…

Emprunter un livre et avoir à le rendre ensuite, à s’en séparer, à s’en éloigner… Impossible !

- Tu ne peux tout de même pas acheter tous les livres de la terre ! a décrété cette semaine ma mère, excédée.

Eh bien si, justement ! Je les veux tous. Je veux tous les livres de la terre !

- Nous irons t’inscrire à la bibliothèque cet après-midi. On ne peut plus suivre financièrement.

- Maman, je ne demande rien d’autre, moi, comme cadeau, que des livres !

- C’est vrai, Maïa. Mais tu n’as plus de place dans ta chambre.

Yael HASSAN – Matt7ieu RADENAC, La Fille qui n’aimait pas les fins.

Tempo Syros

131 pages – 5,99€

Paru en 2013

L’auteur : Yaël HASSAN est née à Paris en 1952. Après avoir passé son enfance en Belgique, son adolescence en France et sa jeunesse en Israël, elle revient en France avec son mari et ses deux filles. Un accident de voiture mettra fin à une carrière de vingt ans dans le tourisme. Mettant à profit le temps d’une très longue immobilisation, elle rédige son premier roman, Un grand-père tombé du ciel. Celui-ci remportera en 1996 le prix du roman de jeunesse du ministère de la Jeunesse et des Sports (jury des jeunes). Depuis, c’est avec un grand bonheur qu’elle se consacre à l’écriture de romans destinés à la jeunesse. Elle vit à Paris.

Blog de l’auteur : http://minisites-charte.fr/yael-hassan

25/08/2013

Mary-Lou (S. CASTA)

« C’est l’heure de pointe.»

IMG_0601.JPGAdam et Mary Lou se retrouvent pour passer quelques jours dans une maison au bord d’un lac. Amis d’enfance, ils s’étaient perdus de vue depuis trois ans, depuis « l’accident » qui a cloué Mary Lou sur une chaise roulante. Au cours de cette période, Mary Lou a beaucoup changé, pas seulement physiquement, elle est agressive, ironique et a totalement perdu sa joie de vivre. Adam s’efforce d’être compréhensif mais en a vite assez de la mauvaise humeur de son amie. L’action se déroule l’espace d’un été avec des flashbacks vers l’accident fatal, trois ans auparavant, qui expliquent la raison de la séparation des familles amies et l’état physique et psychique de Mary Lou. Adam espère trouver une réponse à la question qui le hante depuis longtemps : Mary Lou a-t-elle voulu se suicider ou était-ce un accident ?

Étonnant roman qui met en scène deux adolescents livrés à eux même dans un coin perdu de Suède. La nature omniprésente, les souvenirs envahissants, les réactions à fleur de peau, tout concourt à faire de cette histoire le récit d’une résilience qui ne dit pas son nom. Les deux héros, Adam le narrateur et Mary-Lou l’héroïne déchue, sont dépeints avec beaucoup de finesse et de réalisme et, peu à peu, le lecteur va tisser la toile déchirée depuis ce fameux été.

Évoquant crûment le handicap, la souffrance, l’adolescence et ses affres, Stefan CASTA réussit u  très beau roman, baigné par la lumière bien particulière des rivages suédois l’été.

- La vie est quand même étrange, dit-elle. La dernière fois qu’on était ici ensemble, j’avais douze ans et je fonçais sur un Finn dériveur. Sa voile dégoulinait d’eau pendant des heures tellement elle était mouillée. Je rêvais de faire le tour du monde à la voile.

Ne trouvant pas de commentaire approprié, je me tais.

- Et maintenant, poursuit-elle, j’ai quinze ans et je me déplace en fauteuil roulant. Je ne ferai pas le tour du monde. Pas grand-chose d’autre non plus, probablement. Je me rappelle que je rêvais de voir la tour Eiffel. Mes parents avaient parlé d’aller à Paris pendant les vacances. Je n’irai probablement pas non plus à Paris. Du moins, je ne monterai pas en haut de la tour Eiffel. Je n’ai plus assez de force pour ce genre de choses. Plus assez de force pour quoi que ce soit, d’ailleurs. C’est comme si une partie de moi s’était étiolée…

Elle se tait. Il faut que je trouve quelque chose à dire.

- Tu es encore la même personne. Avec trois ans de plus, c’est tout. Tu es une fille de quinze ans comme une autre. Ce truc-là n’a aucune importance, j’ajoute en donnant un coup de pied dans le fauteuil.

- Non, pas pour ceux qui peuvent s’en passer. Une certaine manière tu as raison, je commence à m’habituer.

Stefan CASTA, Mary-Lou

Editions Thierry Magnier

304 pages – 17 €

Titre original : Fallet Mary-Lou – Paru en 1997 – Traduit en Français en 2012

L’auteur :  Stefan CASTA est journaliste et a reçu le prestigieux prix Auguste en 1999 et le prix Niels Holgerson en 2000 pour ce roman, ainsi que le prix Astrid Lindgren en 2002 pour l'ensemble de son œuvre.

Le site de l’auteur (en suédois): http://www.stefancasta.com