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30/01/2011

Chroniques du monde émergé (L. TROISI)

« Le soleil inondait la plaine. C’était un automne particulièrement clément : l’herbe, encore d’un vert vif, ondulait autour des murs de la cité comme les vagues d’une mer tranquille. »

Nihal est une fille étrange. Orpheline de mère, elle est élevée par son père, célèbre armurier. Elle évolue dans un univers de garçons, qu’elle mène à la baguette. Jusqu’au jour où l’un d’eux va venir la défier : Sennar, qui se révèlera magicien et deviendra son meilleur ami. Cependant, lorsque le Tyran va venir envahir la Terre du vent, c’est tout son univers protégé qui va voler en éclats. Nihal va devenir une guerrière, déterminée à venger à son peuple.

Roman de fantasy, roman d’aventure, c’est aussi un roman d’apprentissage que nous livre Licia TROISI. Son héroïne, Nihal, se révèle aussi attachante qu’insupportable, meurtrie dans sa chair et dans son âme, aussi avide de vengeance que de reconnaissance. Au fil des rencontres, elle va découvrir peu à peu qui elle est vraiment, apprendre les autres et le monde, grandir en somme.

Pleine de rebondissements,  la narration est alerte, alternant moments d’actions et moments plus contemplatifs, et l’écriture – quoique traduite – est plaisante. L’émotion point tout autant que la violence, et cette héroïne, garçon manqué, saura séduire filles comme garçons.

Toute petite déjà, Nihal fréquentait la bande des garçons avec qui elle arpentait Salazar en fomentant d’innombrables sales coups. Et si, au début, elle avait été accueillie avec une certaine méfiance, parce qu’elle tait une fille et parce qu’elle avait un aspect pour le moins étrange, il ne lui avait pas fallu longtemps pour se faire accepter. Quelques  duels avaient suffi pour démontrer que pour l’exubérance, bien qu’elle appartînt au sexe féminin, elle n’avait rien à envier aux autres membres du clan.

Dès lors qu’elle fut admise, sa cote ne cessa d’augmenter. Les garçons l’admiraient ; et lorsqu’elle battit Barod, le chef, en combat singulier à l’épée, ils se mirent carrément à l’idolâtrer et l’élirent chef de la bande.

Licia TROISI, Chroniques du monde émergé

Livre I. Nihal de la Terre du Vent

Pocket Jeunesse

443 pages – 19 €

Titre original : Cronache del Mondo Emerso – Paru en 2004 – Traduit en français en 2008

La suite : Livre II. La mission de Sennar ; Livre III. Le Talisman du pouvoir

Lire un extrait : http://widget.yodawork.com/book/viewer2.aspx?largeur=865&...

L’auteur : Licia vit et travaille à Rome où elle est astrophysicienne. Elle écrit des histoires depuis qu’elle est toute petite et ces Chroniques du Monde émergé, une trilogie de fantasy, sont ses premiers romans publiés en Italie et traduits en français.

Blog de l’auteur (en italien) : http://www.liciatroisi.it

22/01/2011

Arno et le voleur de coeur (D. NIELANDT)

« Arno n’est toujours pas habitué. Ni à la cuisine de Papa, ou à son manque absolu de compétences en la matière. Ni aux crises de larmes de Maman, ni à ses crises en général. »

Arno a douze ans. Depuis quelques mois, il a deux maisons : celle qu’il a toujours connu, où sa maman est restée, et un appartement dans une cité, où son père s’est installé après leur séparation. Pas facile pour un garçon qui a une fâcheuse tendance à l’étourderie et qui se fait voler régulièrement son vélo… quand il ne perd pas son cartable ! Mais depuis quelques temps, un mystérieux voleur sévit dans la ville : le Voleur de Cœur. Sa particularité : voler puis déposer ses larcins dans des endroits inattendus. La Police est ridiculisée ! Or la Police, c’est le père d’Arno…

Sympathique, loufoque, facile à lire, Arno et le voleur de cœur raconte une histoire à la fois ordinaire et extraordinaire. Ordinaire car la situation d’Arno est celle de beaucoup d’enfants de son âge, partagé entre deux maisons, extraordinaire car le traitement de cette situation ne manque pas d’originalité. Sous couvert d’une intrigue policière, les histoires vont s’imbriquer et produire un récit tout à fait surprenant.

Raconté à la troisième personne, c’est cependant Arno le fil conducteur de cette histoire et c’est de lui dont on partage les pensées au fil du roman. Les dialogues sont alertes, les péripéties multiples, c’est un bon moment de lecture qu’offre ici Dirk NIELANDT.

Dans sa classe, les enfants de parents divorcés ont moins de mal à accepter la situation. Mais eux, ils ont un frère ou une sœur. Ou ils s’en trouvent un ou une parce que le nouveau conjoint de leur papa ou de leur maman a des enfants. Arno, lui, est fils unique. Et ni sa mère ni son père n’a refait sa vie avec quelqu’un qui pourrait mettre un peu d’ambiance dans ce monde de déprimés.

La moitié de la semaine, il vit avec une mère tombée dans le trente-sixième dessous au moment de la séparation et qui n’est jamais remontée d’un étage. L’autre moitié, il la passe avec son père qui ne jure que par son journal et sa série télé. Il n’y a qu’un mot pour décrire la nouvelle vie d’Arno : RASOIR !

Dirk NIELANDT, Arno et le voleur de cœur.

Mijade – Zone J

220 pages – 7 €

Titre original : Over Arne – Paru en 2008 – Traduit en français en 2011

L’auteur : Dirk Nielandt est né le 5 août 1964. Auteur de romans pour la jeunesse et d’albums pour enfants‚ il rencontre beaucoup de succès en Flandre. Ses illustrateurs de prédilection sont Marjolein Pottie et An Candaele‚ avec lesquelles il collabore régulièrement.

Site de l’auteur (en flamand) : http://www.dirknielandt.be

17:18 Publié dans Vie quotidienne | Lien permanent | Tags : mijade, zone j, nielandt, divorce, enfant | |  Facebook | | |

19/01/2011

Lune indienne (A. BABENDERERDE)

« Je courais à travers la nuit. Il pleuvait, les rues de la ville étaient presque désertes»

A quinze ans, Oliver vient d’apprendre la pire nouvelle de son existence : sa mère l’emmène avec lui rejoindre son futur mari dans une réserve indienne, au fond du Dakota du Sud ! Oliver est révolté : pourquoi devrait-il,  lui, abandonner ce qu’il a de plus précieux, sa petite amie, ses amis, sa vie en Allemagne, pour devenir un étranger à qui l’on reprochera toujours d’être un Wasicun, un blanc ?

C’est ainsi qu’Oliver va entrer dans une nouvelle famille, une nouvelle société, une nouvelle civilisation. Au cœur des Etats-Unis d’Amérique et cependant en périphérie, celle des laissés-pour-compte du rêve américain…

Comme dans Le Chant des orques, Antje BABENDERERDE se penche une nouvelle fois sur la culture indienne. C’est le personnage d’un adolescent déraciné qui va cette fois être notre guide et nous offrir une palette de sentiments, depuis le rejet en bloc jusqu’à une forme d’apprivoisement mutuel. En découvrant progressivement ce peuple et, surtout, ses représentants, Oliver va faire l’apprentissage d’un certain nombre de notions, d’idées qui n’étaient alors pour lui que des concepts abstraits.

L’écriture d’Antje BABENDERERDE, moins poétique que dans Le Chant des orques, est sans doute plus fidèle aux pensées et réactions d’un adolescent de quinze ans. Là où Le Chant des orques abordait la question du deuil et des rapports père-fille, Lune indienne traite des familles recomposées et des relations au sein d’une fratrie que les parents ont « imposée ». Avec finesse mais sans angélisme, Antje BABENDERERDE soulève un certain nombre de questions tout à fait pertinentes.

Joe a allumé une touffe de sauge et nous a éventés avec la fumée, Ryan et moi, pendant qu’il marmonnait une prière disant que nous étions tous parents : les animaux, les hommes, les arbres et les pierres.

Ryan a saisi la fumée blanche dans ses mains ouvertes, qu’il a fait glisser sur son corps. Il prenait visiblement ce tintouin très au sérieux. Pour finir, Rodney s’est emparé de la sauge roussie et a purifié son père avec la fumée. Puis il a tendu la main vers moi et a dit :

- Tes lunettes, Oliver. Je vais te les garder.

A ce moment-là, j’aurais encore pu partir. Il m’aurait suffi de dire : « Hé, vous, là, je ne marche pas ! Je ne suis pas un maudit Peau-Rouge qui doit se purifier de quoi que ce soit. Mon cœur est pur. » Au lieu de cela, j’ai donné docilement mes lunettes à Rodney et me suis courbé pour me faufiler dans la cahute.

Antje BABENDERERDE, Lune indienne.

Bayard Jeunesse - Millézime

346 pages – 11,90 €

Titre original : Lakota Moon  – Paru en 2005

Traduit en français en 2007

L’auteur : Antje BABENDERERDE est née en 1963 à Jena, en Allemagne. Elle a travaillé comme psychologue du travail dans un hôpital spécialisé en psychiatrie et neurologie. Elle est auteur depuis 1996, et porte un intérêt tout particulier à la culture indienne, comme le montrent ses romans Lune indienne et Le Chant des orques.

Son site (en allemand) : http://antje-babendererde.de

11/01/2011

Tour B2 mon amour (P. BOTTERO)

« La détonation avait longuement résonné entre les immeubles. »

Tristan vit à Vienne, dans une cité. Autrefois, lorsque ses parents vivaient encore ensemble, cela devait être transitoire. Bientôt, ils déménageraient dans un pavillon, avec une balançoire dans le jardin. Et puis son père est parti, et Tristan vit désormais seul avec sa mère. Tour B2. Elle rentre tard, épuisée par son travail, il traîne avec ceux qu’il ne devrait pas fréquenter. Et se refuse à céder à la tentation. Celle de l’argent facile car illégal. Et puis un jour, Clélia débarque dans cette cité. Elle n’y a jamais vécue, aime la nature et, surtout, les livres. C’est un autre monde que Tristan va découvrir…

Résumée ainsi, l’histoire a tout du cliché. Et cependant, Pierre BOTTERO réussit une histoire sensible, un Roméo et Juliette au pays des banlieues. Tout y est : la maladresse adolescente, la peur du regard de l’autre, l’émoi (et l’effroi) face à de nouveaux sentiments, l’évocation est aussi subtile qu’efficace. Le personnage de Tristan, prisonnier d’une situation qu’il n’a pas voulu et dans laquelle il s’enlise peu à peu, est particulièrement intéressant.

Choisissant de se tenir aux côtés de Tristan la plupart du temps, la narration se permet quelques intrusions dans le journal intime de Clélia, ce qui facilité la compréhension des deux. La langue est fluide, naturelle, spontanée. Ce roman est une jolie réussite.

Et maintenant, il était paumé. Déchiré entre des pulsions contradictoires, il ne savait que penser. L’image de Clélia se superposant à celle de ses copains, les accents de sa voix, ses mots formant une cacophonie avec le langage de la cité, il ne savait qu’écouter. Son passé luttant contre un futur à peine esquissé, il ne savait que croire.

Pierre BOTTERO, Tour B2 mon amour.

Tribal – Flammarion

155 pages – 7€

Paru en 2004

Sorti en poche en 2010 – 6,65€

L’auteur : Pierre BOTTERO habitait en Provence et a exercé, pendant longtemps, le métier d'instituteur. Grand amateur de littérature fantastique, convaincu du pouvoir de l'Imagination et des Mots, il a toujours rêvé d'univers différents, de dragons et de magie. Pierre BOTTERO est décédé le dimanche 08 novembre 2009 dans un accident de moto.

06/01/2011

Les Demoiselles de la Louisiane (J-E. SINGER)

« Sur un brick naviguant vers les rivages de Louisiane, comment une demoiselle peut-elle occuper les heures et les jours ? »

Les demoiselles touchent au but : elles ont accosté en Louisiane. C’est la découverte des plantations, du Mississipi et des « indigènes ». Mandaté par le régent, le duc de Gaumont doit surveiller le gouverneur, M. de Bienville, soupçonné de complots, et ses filles et nièces vont le seconder habilement, tout en découvrant les coutumes locales et nouant des amitiés avec la population locale.

Après un début un peu lent, car ressassant les événements passés, la seconde partie du roman devient tout à fait intéressante car elle propose une excursion dans les terres indiennes : nouveaux paysages, nouveaux comportements, dénonciation encore d’un certain esprit de colonisation, ce troisième volume propose une fois de plus un regard intelligent sur une période historique mal connue.

Blanche avait répliqué avait une violence qui ne lui était pas coutumière :

- Nous aussi nous avons été contraintes de quitter Paris, sans qu’on nous demande notre avis ! La Louisiane a beau être française, or je crains fort qu’elle ne soit surtout le pays des Indiens et que nous n’y ayons pas vraiment notre place. D’après ce que m’a raconté Sophie, nous avons fait beaucoup de mal aux Indiens… Je me souviens d’un poème de Dumont de Montigny : « Qui donc habitait ici avant la colonie ? C’étaient des habitants qui passaient leur vie à vivre de la chasse, et passaient tout leur temps sans envies ni chagrins, étaient tout contents. »

Je trouve que ces vers résument parfaitement la situation.

J. Esther SINGER, Les Demoiselles de la Louisiane.

Seuil

250 pages – 12€

Paru en 2010

Rappel : le tome 1 Les demoiselles du Palais-Royal ; le tome 2 : Les demoiselles de la Nouvelle-France ; le tome 3 Les demoiselles de la Louisiane

10:09 Publié dans Historique | Lien permanent | Tags : louisiane, singer, seuil jeunesse, indien, régence | |  Facebook | | |