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12/12/2010

Espionne de Sa Majesté (M. HOOPER)

9782070632640.jpg« La première moitié de décembre fut très pénible : une petite pluie fine et serrée tombait sans interruption du matin au soir, et il ne semblait jamais faire tout à fait jour. »

Lucy est désormais bien installée dans sa nouvelle vie. Officiellement, elle est la jeune fille s’occupant des petites filles du magicien de la reine, John Dee, et officieusement elle est espionne pour Elizabeth Ière. A nouveau, elle va devoir pénétrer les arcanes de la cour, et à nouveau, elle va se prêter à certaines manœuvres de son employeur, pas toujours très honnêtes. Elle va faire de nouvelles rencontres, qu’elle saura exploiter judicieusement, et en savoir plus sur le mystérieux bouffon de la Reine, ce Tomas qui fait battre son cœur un peu plus vite.

Après La Maison du Magicien, ce deuxième volume des aventures d’une jeune fille décidée à servir sa reine bien-aimée est encore une fois très réussi. Les personnages et le décor étant plantés, Mary HOOPER peut se consacrer à une passionnante description des mœurs à la cour d’Angleterre au seizième siècle tout en ne négligeant pas les petites gens et leurs conditions de vie.

Si naïve et innocente que soit Lucy, l’héroïne, cette dernière n’en est pas moins intéressante par sa capacité à se jouer des situations compliquées et son habileté à toujours retomber sur ses pattes, tel un chat. Elle n’oublie pas d’être romantique, ce qui plaira aux jeunes adolescentes, mais n’en perd pas pour autant sa lucidité et son indépendance. Et l’on appréciera, comme pour le précédent, les pages de la fin du livre, qui distillent recettes de cuisine d’époque et indications sur les événements historiques.

- Dieu soit loué ! intervint Mrs Midge. Elles n’en auront donc vraisemblablement pas pour bien longtemps. Si la reine est venue consulter le Dr Dee, c’est sans nul doute pour savoir quel jour elle doit recevoir l’un ou l’autre de ses prétendants. A moins qu’elle n’ait reçu une proposition de mariage et ne veuille connaître la date la plus propice à ses noces !

- Sûrement pas, fis-je d’une voix étranglée.

- A mon avis, elle ferait mieux de rester célibataire, si elle ne veut pas se retrouver sous la coupe d’un homme. De quelle utilité le mariage peut-il être à une femme aussi puissante que la reine ?

- Elle dit qu’elle est mariée à l’Angleterre, déclara Beth. Mais je ne vois pas comment on peut être mariée à un pays.

Mary HOOPER, Espionne de Sa Majesté

Gallimard Jeunesse

300 pages – 12 €

Titre original : By Royal Command  – Paru en 2008 – Traduit en français en 2010

L’auteur : Mary Hooper est née dans le sud-ouest de Londres, qui sert souvent de cadre à ses romans. La lecture de nouvelles la décide un jour à se lancer dans l'aventure de l'écriture et elle adresse un premier texte à une revue qui le retient pour publication. Mary Hooper n'a dès lors plus cessé d'écrire des romans, qui ont souvent une toile de fond historique. Elle est mariée et mère de deux enfants

Site internet (en anglais) : http://www.maryhooper.co.uk

05/12/2010

La Maison du magicien (M. HOOPER)

maison magicien.jpeg« Je me trouvai un petit emplacement bien net à l’extrémité du pré communal, tout contre la haie d’aubépines. »

Dernière-née d’une famille pauvre, Lucy rêve de quitter la masure familiale pour entrer dans une demeure de l’aristocratie anglaise, ou – pourquoi pas ? – devenir suivante d’Elizabeth Ière, la puissante souveraine. En attendant, elle vit de menus travaux et aide sa mère à coudre des gants. Mais une mésaventure va l’amener à croiser le chemin du Docteur Dee, magicien particulier de la Reine. Et Lucy découvre alors un univers inconnu pour elle…

Mêlant événements réels et totale fiction, Mary HOOPER réussit un joli roman historique, où elle dépeint une jeune fille déterminée à quitter sa condition misérable pour aspirer à de plus hautes ambitions. Moins sombre que La messagère de l’au-delà, plus facile d’accès, l’histoire est l’occasion d’offrir des descriptions précises de la vie quotidienne dans l’Angleterre du seizième siècle, sans toutefois sombrer dans l’austérité. L’héroïne, sensible, curieuse, audacieuse quand il le faut, nous entraîne à ses trousses dans un monde aussi nouveau pour elle que pour nous.

La narration est alerte et bien menée, les personnages attachants, avec une préférence marquée pour ceux de sexe féminin. C’est Lucy elle-même qui conte son histoire, avec une candeur mêlée de naïveté qui séduira sans aucun doute les jeunes filles à partir de douze-treize ans. Ce roman est le premier d’une série qui se poursuit avec Espionne de sa Majesté et ce premier opus est tout à fait convaincant.

J’avançai de quelques pas et, à mesure que mes yeux s’accoutumaient aux ténèbres, je vis qu’il y avait de lourdes tentures suspendues aux fenêtres et que la salle où j’avais pénétrée était aussi vaste qu’une grange. Voilà pourquoi la pâle lueur de ma pauvre chandelle ne parvenait pas à en éclairer l’autre extrémité. Cependant, je distinguai vaguement le mur opposé qui me semblait couvert d’une série de motifs irréguliers. Je pris d’abord ces motifs pour une sorte de peinture murale avant de découvrir, en m’approchant de plus près, qu’il s’agissait d’étagères chargées d’une quantité de livres – une extravagante quantité de livres. Jamais je ne me serais doutée ni n’aurais imaginé qu’il pût en exister autant dans le monde entier. Il faut dire qu’à la maison, nous n’en avions aucun. Le seul et unique livre que j’avais déjà vu était la Bible de l’église.

Mary HOOPER, La Maison du magicien

Gallimard Jeunesse

285 pages – 12 €

Titre original : At the House of the Magician  – Paru en 2007 – Traduit en français en 2008

L’auteur : Mary Hooper est née dans le sud-ouest de Londres, qui sert souvent de cadre à ses romans. La lecture de nouvelles la décide un jour à se lancer dans l'aventure de l'écriture et elle adresse un premier texte à une revue qui le retient pour publication. Mary Hooper n'a dès lors plus cessé d'écrire des romans, qui ont souvent une toile de fond historique. Elle est mariée et mère de deux enfants

Site internet (en anglais) : http://www.maryhooper.co.uk

01/12/2010

Le Bout du monde (L. LE BORGNE)

« Salut, on se connecte ?

Mon nom est Mullowill, mais peu importe qui je suis. »

Parce qu’il s’ennuie sur sa planète aseptisée, parce qu’il vit seul avec sa mère depuis le décès de son père, parce qu’il a quinze ans, Nash fait des bêtises ; et la plus grave le condamne à effectuer des travaux d’intérêt public dans un monde primitif, sauvage et protégé, celui de Toy.

Mais les choses ne vont pas se passer comme prévu : la navette s’écrase et Nash se retrouve unique survivant du crash. Recueilli par les habitants, il va devoir s’accoutumer à ce mode de vie primitif, où l’on ne connaît ni l’électricité ni l’existence d’autres planètes dans l’univers. Mais ces primitifs le sont-ils vraiment ?

C’est un étonnant roman que nous livre Loïc Le Borgne : brassant poésie et science-fiction, il célèbre un hymne aux beautés de notre planète et à l’urgence d’en prendre soin. Néanmoins il n’y a rien de pesant, de didactique ou de technique dans son livre : l’histoire complexe semble couler de source et l’on se laisse entrainer sans effort sur les chemins de Toy.

La narration entremêle la chronologie, surtout au début, joue des différentes voix pour mieux s’adresser au lecteur, et s’appuie sur le poème d’Arthur RIMBAUD, « Le Bateau ivre »,  pour dérouler son fil. Mais ce réseau de références ne doit pas pour autant rebuter car il n’est que le moyen pour édifier une histoire où la nature est célébrée, où l’esprit est libre et où l’imagination est reine. Le Bout du monde devrait toucher tous les lecteurs, filles ou garçons, à partir de treize ans.

- Tya, dit-il, avant de jeter le sac sur son épaule. Si tu savais ce que j’ai vu !

Elle pose un doigt sur ses lèvres.

- Chut, dit-elle. Tu m’apprendras un jour, mais pas encore. Tu veux savoir ce que je crois ?

- Oui.

- Je crois que nous rampons sur cette terre comme des chenilles, mais qu’en réalité nous sommes des papillons. Nous n’en avons pas conscience, jusqu’à ce que nous arrivions dans le pays profond. Est-ce que je suis loin de la vérité ?

Il l’embrasse en songeant au poisson multicolore et au serpent qui volaient dans l’écume.

- Non, murmure-t-il, tu en es proche.

Loïc LE BORGNE, Le Bout du monde.

Soon – Syros

340 pages – 16,20€

Paru en 2010

L’auteur : Né en 1969 à Rennes, Loïc Le Borgne est, depuis 1993, journaliste dans un quotidien de presse régionale, dans l'ouest de la France. Il vit à La Ferté-Bernard, dans la Sarthe. Marié, père de deux petites filles, il a écrit plusieurs romans toujours ancrés dans la littérature imaginaire (science-fiction, fantastique, thriller). Ecrire est une passion ancienne : il a achevé son premier roman de science-fiction en classe de sixième. Ses thèmes de prédilection : l'écologie, les énigmes scientifiques, la quête de la terre promise, les voyages.

Sa jeunesse en Bretagne lui a inspiré le roman Je suis ta nuit. Loïc Le Borgne est attiré par les vastes horizons. On retrouve le continent africain dans Le sang des lions. Il apprécie aussi les récits des grands voyageurs de la Renaissance, des pirates et coureurs des mers qui prirent le large à l'époque des Grandes Découvertes, et qui ont largement inspiré le cycle d'Eden.

Une interview de l’auteur sur son site : http://www.loicleborgne.com/LBDM/Bonus/interview.php

Site Internet : www.loicleborgne.com

24/11/2010

La Belle Adèle (M. DESPLECHIN)

« - Tu ne peux pas faire un petit effort ?

Dans mon souvenir, c’est la phrase qui a tout déclenché. »

Adèle est différente. Parmi les filles de sa classe, au collège, elle est la seule qui ne s’intéresse ni aux vêtements ni au maquillage. Une extra-terrestre. Comme Frédéric, son meilleur ami depuis la maternelle. Lui, c’est sa gentillesse son plus gros défaut ; et son côté « intello ».  Le résultat, c’est que les deux sont mis au ban du groupe, malmenés à l’occasion, et que tout le monde trouve ça normal. Jusqu’au jour où les deux amis vont avoir l’idée de se rebeller et de prendre les autres à leur propre piège…

Désormais, ils seront un couple ! Arriveront au collège en se tenant tendrement la main. Resteront discrets sur leur relation, provoquant autant de commérages que d’interrogations. Sauf que le petit couple ne va pas longtemps rester discret.

Une bulle légère, voilà ce que propose Marie DESPLECHIN avec cette Belle Adèle. Le ton est alerte, la narration vive, et les péripéties se déroulent avec fluidité. Ce roman plein d’humour a d’abord été publié en feuilleton à l’initiative de SmartNovel, ceci expliquant cela. Ce qui ne l’empêche pas d’être incroyablement juste quant aux relations des adolescents entre eux et la peinture de cet univers « collégien » extrêmement conformiste et soucieux du regard des autres.

En présentant deux adolescents qui vont finalement jouer le jeu qu’on leur demande, pour mieux s’en détacher, c’est une jolie leçon qu’elle donne aux enfants-adolescents d’aujourd’hui, un peu empêtrés dans toutes ces contradictions qui les assaillent. Tout au plus pourrait-on lui reprocher une fin un peu belle pour être vraie, mais bon, il est parfois bon de rêver un peu...

Un certain nombre de gens, qui d’habitude ne se donnaient même pas la peine de lever la tête pour nous saluer, nous fixaient maintenant avec des yeux de poissons. Leurs regards allaient de nos mains à nos visages, en essayant de trouver une explication raisonnable à ce qu’ils voyaient. Nos sourires passaient pour une manifestation visible de notre nouvelle condition : nous étions transfigurés par le rayonnement de l’amour. Tout cela se déroulait sous un frais soleil de printemps et j’avais le sentiment étrange d’interpréter le premier rôle dans une publicité télévisée pour des chewing-gum.

Enfin, nous sommes arrivés devant la porte du collège. Frédéric m’a lâché la main.

- Je crois que ça suffit. Si on en fait trop, on va perdre notre crédibilité.

Marie DESPLECHIN La Belle Adèle.

Gallimard Jeunesse – Hors-série Littérature

156 pages – 8,50€

Paru en 2010

A lire : une interview de l’auteur pour expliquer sa démarche : http://www.smartnovel.com/video.php?idv=2

L’auteur : Marie DESPLECHIN vit et travaille à Paris. Elle a trois enfants. Auteur de nombreux livres pour enfants et adolescents, comme Verte et Le Journal d'Aurore, elle écrit aussi pour les adultes. La Vie sauve, écrit avec Lydie Violet, a obtenu le Prix Médicis Essai en 2005. Marie DESPLECHIN s'intéresse à de multiples domaines et travaille avec des artistes de différentes disciplines, comme Carolyn Carlson pour la création du spectacle «Le Roi penché». Elle a étudié les lettres classiques et le journalisme et travaille toujours pour la presse.

19/11/2010

Un Endroit où se cacher (J. C. OATES)

un-endroit-ou-se-cacher-10.jpg« Suis allée quelque part et, à mon retour, maman n’était plus là. »

Jenna est l’unique rescapée d’un accident de voiture qui a vu périr sa mère. Lorsqu’elle revient à elle, baignant « dans le bleu » de l’inconscience médicamenteuse, elle est en miettes, physiquement et moralement. Sa famille éclatée se presse autour d’elle et, déjà, elle exprime ce qu’elle veut : ne pas partir vivre avec son père, parti refaire sa vie en Californie et qui les a tant fait souffert, sa mère et elle. C’est donc sa tante Caroline qui va l’accueillir dans sa famille. Changement de maison, de lycée, d’amis, de vie, tout est brutal pour Jenna qui ne parvient pas à s’adapter. Sans compter la douleur, physique et morale, et les calmants auxquels elle n’a bientôt plus droit…

Joyce Carol OATES a réussi avec cet Endroit où se cacher à se glisser dans la peau d’une adolescente meurtrie qui ne parvient pas à saisir les mains qui se tendent. A la fois entourée et très seule, son héroïne se débat entre la tentation du vide et la lucidité qui fait qu’elle se voit agir mais ne peut s’empêcher de se laisser glisser sur la pente dangereuse.

L’écriture est hachée, mêlant monologue intérieur et narration plus classique, mais cependant jamais le lecteur n’est perdu car un fil invisible sous-tend l’ensemble.  Et c’est de cette tension entre le désir de retour vers « le bleu », cet état d’origine, celui où elle retrouverait sa mère, et l’appel de la vie, avec l’amour des siens, qu’elle perçoit ne peut accepter, que naît tout l’intérêt de l’histoire. Roman subtil, difficile parfois, c’est un très beau témoignage du travail de deuil et de résilience.

Ne me parlez pas ne me touchez pas !

Je m’efforce de me rappeler que je l’aime, ma « nouvelle » famille.

Ma tante Caroline et mon oncle, Dwight McCarty. Mes petits cousins Becky et Mikey.

Et ma nouvelle chambre, la chambre d’amis du premier étage, où j’avais coutume de dormir quand maman et moi venions rendre visite aux McCarty. Soudain, alors que je commence à défaire mes bagages et à pendre mes affaires dans le placard, je réalise que la dernière fois que je me suis trouvée dans cette même chambre à défaire ma valise, en août il y a un an de ça, maman était tout près… En train de défaire ses bagages dans sa chambre à elle, peut-être, ou en bas, avec tante Caroline. J’ai reformulé mon souhait, rouge de colère : je veux qu’on me rende ces moments-là !

Le temps présent, je le déteste. Je tremble et j’ai la nausée.

Joyce Carol OATES, Un Endroit où aller.

Wiz – Albin Michel

300 pages – 13,50 €

Titre original : After the Wreck, I picked myself up, spread my wings and flew away – Paru en 2006 – Traduit en français en 2010

L’auteur : Auteur de nombreux best-sellers, Joyce Carol OATES a commencé à écrire à quatorze ans. Elle a publié des romans, des essais, des nouvelles et de la poésie. Son roman  Blonde, inspiré de la vie de Marylin Monroe, a connu un immense succès. Joyce Carol Oates enseigne également la littérature à l'université de Princeton.

Site internet : http://www.harpercollins.com/author/microsite/about.aspx?authorid=7275